Une pépite de Hummel, un pianiste d’exception : pour une fois, on comprend les applaudissements spontanés !!!!
Jeudi 25 juillet 2024, 21h, Auditorium du Parc, Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron
Dans le cadre du 44e Festival international de piano de La Roque d’Anthéron
Orchestre National Avignon-Provence. Debora Waldman, direction. David Kadouch, piano
W.A. Mozart, Ouverture de Don Giovanni. J.N. Hummel, Concerto pour piano n° 2, op.85. L. van Beethoven, Symphonie n° 7, op.92
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Nous passerons rapidement sur l’ouverture bien connue du Don Giovanni de Mozart, d’une exécution laissant augurer de la qualité de la suite, pour en venir directement à la découverte de la soirée, le 2ème concerto pour piano du compositeur et pianiste autrichien, élève de Mozart, Clementi et Salieri, Johann Nepomuk Hummel. Hummel (1778-1837) n’est pas totalement inconnu du grand public, son concerto pour trompette étant parmi les plus célèbres. Il cache cependant le reste de la production (450 opus environ), de l’opéra à la musique de chambre, notamment huit concertos pour piano, étant à noter toutefois que le compositeur n’écrivit jamais de symphonies.
Cet oubli de l’œuvre de Hummel est également lié à sa place dans l’histoire de la musique, entre classicisme et romantisme, effacé par son aîné de huit ans, Beethoven, dont il fut l’ami (avec des hauts et des bas), et les premiers romantiques, qu’il a pu, pour certains, influencer, comme Chopin ou Mendelssohn. On ne sera donc pas étonné qu’à la demande de David Kadouch « Connaissez-vous le 2ème concerto pour piano de Hummel ? », le public, en chœur, ait répondu « Non ! ».
Les musiciens de l’Orchestre National Avignon-Provence et Débora Waldman nous avaient déjà sortis des sentiers battus l’année dernière avec le premier concerto de Marie Jaëll interprété par Célia Oneto Bensaïd. Ils ont donc récidivé cette année, renouvelant cet apport de sang nouveau, avec ce concerto de Hummel et la complicité, cette fois, de David Kadouch. Et c’est une pépite qui nous a été révélée. Les Avignonnais persistent dans leur démarche d’exploration des œuvres et chefs-d’œuvre oubliés, ils doivent en être ici particulièrement remerciés.
L’œuvre, en trois mouvements, écrite en 1816, s’inscrit d’évidence entre le classicisme finissant et le premier romantisme dont elle fait son héritier. Il nous a semblé parfois y entendre véritablement comme le moule des futurs concertos de Mendelssohn ou de Chopin.
L’allegro initial débute par une longue introduction à l’orchestre, d’abord douce, mais décidée, puis, introduit par le violoncelle et la flûte, mène vers un thème léger et sautillant, et se poursuit dans un agréable développement, qui laisse enfin la place au piano, dont le jeu continu prend le pouvoir, réduisant l’orchestre à un rôle de commentateur ou d’accompagnant. Un moment, l’orchestre reprend, seul, mais vite le piano revient, dominant, qui lui laissera toutefois le soin de conclure sur les mesures finales.
Une salve d’applaudissements salua ce mouvement. Je n’apprécie pas en général ces interruptions bruyantes dans le déroulé d’une œuvre, mais il est vrai que là, la qualité de l’œuvre, la qualité de l’interprétation ne purent retenir cette manifestation spontanée d’enthousiasme.
Le larghetto débute par une courte introduction à l’orchestre, qui, revenant à son rôle d’accompagnateur, laisse ensuite le piano développer son jeu tout en délicatesse, et enchaîne rapidement sur un rondeau qui expose un joli thème au piano, suivi d’une fugue et d’un développement animé et virtuose du mouvement.
Disons-le, l’ouvrage est véritablement captivant, agréablement construit autour de jolis thèmes, que transcendait le piano inspiré de David Kadouch, alliant douceur, subtilités, délicatesse, virtuosité. Sous la direction précise et engagée de Débora Waldman, l’orchestre avignonnais et le soliste ont su être convaincants et mettre en valeur toutes leurs qualités propres et celles de l’œuvre. L’ovation finale en était le témoignage et, chose certaine, un enregistrement de cette prestation s’imposera.
En bis, pour marquer la transition vers les romantiques, David Kadouch nous offrait, dans une atmosphère d’intimité, la valse n° 2 op.64 de Frédéric Chopin, et pour rappeler son attachement à la révélation des compositrices, romantiques, dans le cas présent, une courte œuvre de Fanny Mendelssohn, sa mélodie n° 2 op. 4.
Pour rester en ce début de 19ème siècle, le programme nous proposait en conclusion la 7ème symphonie de Beethoven, composée en 1812, soit quatre ans avant le concerto de Hummel. L’Orchestre National Avignon-Provence connaît bien cette œuvre, pour l’avoir donnée, notamment, en février dernier, à l’Opéra du Grand Avignon, sous la direction de Jean-François Verdier. Débora Waldman, à son tour, l’a parfaitement gérée, tempi bien choisis et dosés, y compris l’allegretto du célèbre 2ème mouvement, particulièrement bien mené, parfois même entraînant, qui évita le piège d’une marche trop funèbre, orchestre homogène et équilibré, lignes bien définies, bonne gestion des dynamiques et nuances, mais tutti parfois un peu touffus, avec des cors saturant le son, la faute, à notre avis, à l’acoustique du lieu, cordes homogènes, à la belle sonorité. Là encore, on regrettera cette partie du public qui se croit obligée d’applaudir à la fin de chaque mouvement, perturbant la magie musicale. Mais l’unanime ovation finale était bien méritée, qui mena l’orchestre à offrir en bis la contredanse K. 609 de Mozart. Débora Waldman proposa au public de chanter en chœur, pour l’accompagner, les paroles « Non più andrai », public qui capitula vite dans son essai choral, mais se retira heureux de sa soirée.
B.D. Photo Jérémie Pontin
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