Une ouverture de haute volée
Samedi 19 juillet 2025, 21 h, Auditorium du Parc du Château de Florans, Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron. Site officiel
Orchestre de chambre de Paris
Maxim Emelyanychev, piano et direction
Haydn, Fantaisie en ut majeur Hob. XVII :4. W.A. Mozart, concerto pour piano et orchestre n° 22 K. 482. L. van Beethoven, symphonie n° 6 « Pastorale » op. 68
Voir aussi : Que nous réserve cette 45e édition 2025 ?
Il appartenait donc à l’Orchestre de Chambre de Paris et au pianiste et chef d’orchestre russe Maxim Emelyanychev, d’ouvrir cette 45ème édition du Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron. Et quelle ouverture ! Quelle découverte que ce musicien de 36 ans, issu du conservatoire Tchaïkovski de Moscou, élève notamment de Guennadi Rojdestvensky, riche déjà d’une bonne carrière internationale, aussi à l’aise au piano qu’à la direction d’orchestre, que le Festival accueillait pour la première fois. Autant le dire, sa présence scénique, sa gestuelle, son dynamisme, son engagement dans les œuvres jouées, sa complicité avec ses musiciens et le public captivèrent l’auditoire tout au long de la soirée.
Débutant en soliste avec la Fantaisie pour piano de Haydn, œuvre virtuose et enjouée, porteuse de bonne humeur, il sut d’entrée conquérir le public, suspendant plusieurs fois son jeu, ex abrupto, pour, tourné vers lui, malicieux, émettre quelques réflexions, hélas pour moi en anglais, avant de reprendre le cours de l’œuvre.
Sans prendre le temps de souffler, Mozart était entrepris dans la foulée. Ce 22ème concerto pour piano, le plus long qu’il ait écrit, contemporain des Noces de Figaro (1785), est sans doute moins connu que ses voisins immédiats, 20, 21 et 23èmes, excepté le premier thème du 3ème mouvement, rendu célèbre par le film Amadeus de Milos Forman. Mais il était l’occasion, pour Maxim Emelyanychev, de continuer à assurer le spectacle, au piano, comme devant l’orchestre, lors des parties lui étant purement dédiées, notamment la longue introduction du premier mouvement. L’allegro initial était engagé, volontaire, insouciant, le chef sachant en exprimer les nuances, les envolées, la douceur, les subtilités, et le pianiste offrir un jeu clair, précis, expressif, accompagné ou dialoguant avec un orchestre impeccable à tous les pupitres, aux lignes musicales nettes et à la dynamique bien dosée. L’andante, que certains considèrent comme l’un des plus beaux que Mozart ait écrits, pourtant moins connu, moins mémorisable que ceux des concertos précités, change l’atmosphère, nous entraîne dans un monde plus profond, plus réfléchi, dans un questionnement plus introverti, que les épisodes d’échange et de dialogue entre le piano et l’orchestre conduisent vers une douce clarté, mais restant sans réponse. Les vents maintiennent la douceur, on note un beau dialogue entre la flûte et le basson.
Le troisième mouvement est, nous l’avons dit, le plus connu et caractérise le concerto par son premier thème au caractère bondissant et enjoué, comme une libération après les questionnements de l’andante. Puis tout se calme et revient sur une douceur retenue, un andantino qui évoque une introduction au futur Cosi fan tutte. Une partie parfaitement réglée, piano égrenant ses notes et cordes en pizzicatti, précède la reprise du premier thème qui, à travers divers épisodes enthousiastes ou plus retenus, conduit vers un final vainqueur, salué, comme il se devait, par une ovation enthousiaste du public.
Voulant sans doute éviter de s’exposer à de trop longues acclamations à cette mi-concert, Emelyanychev n’accordait cependant qu’un court bis, l’Abendlied, op.85, n° 12, de Schumann, par lequel il pouvait dévoiler une autre facette de son personnage, plus introverti et réfléchi.
La 6ème symphonie de Beethoven permit, quant à elle, la mise en évidence des qualités de l’orchestre et l’étroite complicité liant le chef à ses musiciens. Une joie communicative d’immersion dans la nature, une expression un peu trop vive des sentiments engendrés, enlevaient, à notre goût, un peu de leur poésie aux deux premiers mouvements, gardant par ailleurs toute leur expressivité, et quel joli moment au bord du ruisseau avec la flûte, le hautbois et la clarinette imitant les oiseaux. Les trois mouvements suivants, plus descriptifs, furent rendus à merveille, une joyeuse réunion de paysans bien dans son contexte de danses campagnardes et de fête, un orage déchaîné, superbement maîtrisé par l’orchestre, et que dire de ce retour au calme, vers cette expression profonde de bien-être, de communion avec le compositeur, la Nature et la Création, magnifique final.
Sous la direction d’un chef énergique, extraverti, expressif, l’Orchestre de Chambre de Paris se sera, dans ce concert, montré à la hauteur de ses exigences, discipliné, précis, équilibré, des pupitres sans faille, autour d’un premier violon complétant parfaitement le chef, en particulier dans le concerto. On aura noté des cordes et des bois de belle sonorité, des cors et trompettes naturels (comme en 1808) bien maîtrisés, et des musiciens visiblement heureux de travailler ensemble et en parfaite communion avec leur chef.
Le tout ne pouvait recevoir qu’une longue ovation enthousiaste du public, avec battements de pieds, l’orchestre, de son côté ovationnant son chef, et ce dernier, à son tour, félicitant ses musiciens pupitre par pupitre.
Tout cela méritait un bis, ce fut le poétique entracte n° 3 (andantino) de la Rosamunde de Schubert. Et je regretterai encore une fois cette habitude prise depuis quelques temps par le public d’applaudir entre les mouvements, quitte à casser l’atmosphère recueillie d’une écoute sérieuse.
B.D. Photos Valentine Chauvin
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