Samedi 19 août 2023, 21 h, Parc du Château de Florans, Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron (site officiel)
Orchestre de chambre de Lausanne. Renaud Capuçon, violon et direction. Manon Galy, violon. Maxime Quennesson, violoncelle. Jorge Gonzalez Buajasan, piano
Ludwig van Beethoven, Romance pour violon et orchestre n° 1 op. 40. Ludwig van Beethoven, Romance pour violon et orchestre n° 2 op. 50. L. van Beethoven, Symphonie n° 1, op. 21. Ludwig van Beethoven, Triple concerto pour piano, violon et violoncelle op. 56
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Le Festival de La Roque d’Anthéron a encore confirmé, cette année, le haut niveau de qualité des concerts et récitals qu’il propose, et le concert de ce 19 août, qui mettait Beethoven à l’honneur, n’a pas échappé à la règle. Encore une magnifique soirée ! Mais le piano, cette fois, avait laissé place au violon, ne rejoignant les musiciens que dans la dernière œuvre. Le programme proposé, toutes des productions de la période 1798-1804, donnait l’occasion à Renaud Capuçon de montrer deux aspects de la direction d’orchestre, le soliste-dirigeant d’abord, avec les deux romances pour violon, et le chef ensuite, dans les deux œuvres suivantes, aux partitions plus complexes, avec en main sa seule baguette.
Curieusement, la romance pour violon n° 2 fut écrite avant la n° 1, 1798 pour l’une, 1802 pour l’autre. L’inversion vient du fait que la deuxième écrite fut publiée la première, en 1803, et prit ainsi le n° 1, opus 40, laissant le n° 2 opus 50 à la première écrite, publiée quelque temps plus tard en 1805. Toutes deux sont un adagio cantabile, qui pourrait parfaitement convenir comme mouvement lent d’un concerto, vu leur durée de 7 à 9 minutes et les rôles dévolus au violon, meneur de jeu, et à l’orchestre (dialogue et accompagnement), bonne préparation au concerto pour violon qui sera bientôt écrit dans la foulée (1806). Elles présentent cependant des caractères différents, que le soliste s’est attaché à faire ressortir. La première propose un violon sage et charmeur, parfois rêveur. La deuxième, légèrement plus longue, plus lyrique et chantante, est peut-être plus attachante. Demandant à l’artiste un peu plus de virtuosité, elle diversifie plus le jeu du violon.
L’entente parfaite de l’orchestre avec le soliste-dirigeant a montré l’excellent travail mené en amont. Tout était parfaitement réglé, dosé, rodé, le soliste, violon et archet dans une main, dynamisant l’orchestre et lui donnant quelques indications lorsqu’il ne jouait pas, mais l’orchestre, tel de véritables chambristes, se gérant seul et de belle façon, lorsque le violoniste, pris par son jeu face à la salle, lui tournait le dos.
Le public cependant, malgré la qualité de l’interprétation, réserva à ces deux romances ce qu’il réserve en général à toute pièce d’ouverture d’un concert, de courts applaudissements de politesse.
Si voir un soliste diriger un orchestre avec son instrument est un schéma qui se rencontre depuis plusieurs siècles, voir un soliste réputé, représentant iconique de son instrument, le délaisser pour prendre la baguette interroge toujours et rend curieux de savoir ce qu’il donnera. Capuçon n’est pas le premier à franchir le pas, mais je le voyais, pour ma part, pour la première fois dans ce rôle. La 1ère symphonie de Beethoven (créée en 1800) a permis de découvrir ses capacités de chef et une véritable aptitude au rôle. Sa direction est nerveuse, expressive, vivante, jusqu’à être fougueuse, et ne risque pas de mener à l’ennui, tant il sait insuffler à son orchestre énergie et esprit de l’œuvre, et sculpter cette dernière dans toutes ses nuances, du fortissimo aux passages les plus délicats. Il faut dire qu’il avait aussi avec lui l’Orchestre de Chambre de Lausanne, une belle phalange dont les musiciens prenaient, à l’évidence, plaisir à jouer. L’orchestre est homogène, discipliné, bien en place et présente une belle sonorité à tous les pupitres. Tous ont ainsi donné une symphonie joyeuse, vive, entraînante, dans laquelle on aura noté un bel andante joué avec finesse et subtilité.
Le public ne s’y trompa pas, qui leur délivra des acclamations montrant que cette exécution avait été des plus appréciées.
Le trio Zeliha retrouvait à son tour La Roque d’Anthéron, dans le Triple Concerto de Beethoven (écrit en 1803-1804). Créé en 2018 par de jeunes musiciens issus du Conservatoire de Paris, ils font partie de ces jeunes artistes que Renaud Capuçon souhaite mettre sur le devant de la scène. Ils étaient d’ailleurs déjà invités au Festival de Pâques 2022 d’Aix en Provence pour ce même Triple Concerto. Individuellement lauréats de concours internationaux, l’ensemble est composé de Manon Galy au violon, Maxime Quennesson au violoncelle et Jorge González Buajasan au piano ; il a déjà obtenu plusieurs témoignages de reconnaissance, a été nommé lauréat du Concours FNAPEC 2019 et a obtenu en 2020 le 1er Prix Luigi Boccherini au Concours International Virtuoso & Belcanto de Lucques (Italie). Il participe régulièrement à plusieurs grands festivals et a produit un CD remarqué regroupant des trios de Mendelssohn, Arensky et Chostakovitch.
Dans une complicité parfaite, entre eux et dans leurs échanges avec l’orchestre, sous la direction de Renaud Capuçon, ils ont donc donné leur version de ce Triple Concerto, un premier mouvement enflammé et vivant, un largo marqué par une belle introduction au violoncelle, grave et recueillie, un rondo en forme de polonaise vif et animé. Tous se sont montrés virtuoses avec leur instrument, intelligents et fusionnels dans la construction de l’œuvre. On aura apprécié la souplesse de jeu de Manon Galy, très présente, ses deux partenaires, également excellents, la musicalité de l’ensemble – bien que j’eusse préféré, personnellement, un violoncelle à la sonorité un brin plus chaleureuse et puissante – autant dans les instants intimes que dans les plus fougueux.
C’est une ovation des plus enthousiastes qui salua cette interprétation. Mais pourquoi cette volonté des artistes à vouloir abréger le temps des applaudissements lorsque le public les réclame et leur demande encore un moment de plaisir ? Pourquoi avoir limité le bis à une reprise des dernières mesures du Triple Concerto ? N’aurait-il pas mieux valu donner un mouvement d’un trio, de ceux enregistrés, par exemple ? Cela aurait permis, à ceux qui l’entendaient pour la première fois, de faire plus ample connaissance avec le Trio Zeliha, et de mieux apprécier le talent de ses musiciens.
Ultime détail en forme d’interrogation, les applaudissements du public entre les mouvements ont réapparu. Le public de l’intégrale des concertos de Brahms venait-il d’un autre monde, lui qui resta silencieux jusqu’à la fin de chaque œuvre ?
B.D. Photos Valentine Chauvin
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