Les Bouffes de Bru Zane, Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence, le 14 février 2020
Jean-Marc Fontana, piano. Adriana Bignagni Lesca, mezzo-soprano. Damien Bigourdan, ténor. Romain Gilbert, mise en scène. Mathieu Crescence, scénographie et costumes. Lila Meynard, lumières
Frédéric Wachs, Un mari dans la serrure. Jacques Offenbach, Lischen et Fritzchen
Le Palazzetto Bru Zane – Centre de Musique Romantique Française, basé à Venise -, poursuit sa redécouverte d’œuvres françaises composées au cours d’un large XIXe siècle (1780-1920), sa mission portant également sur le répertoire léger, l’opéra-comique et l’opérette, en montant des spectacles sous la bannière des Bouffes de Bru Zane. C’est le Théâtre Marigny à Paris qui accueille en majorité ces dernières saisons les spectacles des Bouffes de Bru Zane, et si la double affiche Un mari dans la serrure / Lischen et Fritzchen y est programmée du 28 février au 5 mars, c’est bien au Théâtre du Jeu de Paume d’Aix-en-Provence que la primeur en a été réservée.
Deux petites pièces sont proposées, formant une courte représentation d’une heure et quart environ, interprétées par trois artistes sur scène : la mezzo Adriana Bignagni Lesca et le ténor Damien Bigourdan, tandis que Jean-Marc Fontana assure la partie musicale au piano à l’arrière du plateau, non visible par le public. La mise en scène de Romain Gilbert est bien en ligne avec les deux courts opus, animée, drôle, vivante et sans temps morts, sur une scénographie réalisée par Mathieu Crescence dans des tons noirs et blancs qui peuvent rappeler la signature de Pierre-André Weitz.
La première pièce, Un mari dans la serrure, du très rare Frédéric Wachs (1824-1896), met en scène Thérézina et Bigorneau, deux voisins que le hasard fait se rencontrer. Le monsieur se trompe d’étage, entre chez la dame et la voit assassiner son « papa » à grands coups de couteaux. Plus tard dans la conversation, lui se tenant évidemment sur ses gardes, Thérézina lui reproche sa liaison houleuse avec « Jacqueline ». Le double quiproquo est résolu en un heureux final, quand Thérézina indique qu’elle est actrice et doit répéter sa dernière pièce avec un mannequin, et que Bigorneau confie que Jacqueline est son animal de compagnie, une guenon. Avant l’entame, les deux personnages sortent des habits d’un sac estampillé « Butterfly » et enfilent les vêtements de Cio-Cio-San pour elle et Pinkerton pour lui, pourquoi pas, cela ajoutant encore à la petite folie kafkaïenne de la pièce. Il s’agit toutefois davantage d’une pièce de théâtre, les morceaux musicaux étant réduits à la portion congrue.
La musique reprend ses pleins droits dans Lischen et Fritzchen qui enchaîne, la géniale « conversation alsacienne » de Jacques Offenbach. Les deux solistes Adriana Bignagni Lesca et Damien Bigourdan prennent pour l’occasion un impayable accent alsacien, en particulier lors du fameux « duo des Alsaciens », absolument désopilant en même temps que se déroule une petite chorégraphie réglée par Mathieu Crescence. Le génie d’Offenbach est immédiatement palpable, ainsi que celui de Paul Boisselot pour le livret, les textes dits par Damien Bigourdan nous rappellent le meilleur de La Grande Vadrouille et de Papy fait de la résistance ! Les interventions d’Adriana Bignagni Lesca, hilarante et qui prend un plaisir visible à jouer, dégagent un supplément d’émotion en nous rappelant l’universalité de l’art lyrique : la chanteuse d’origine gabonaise se grime en Japonaise en première partie et parvient d’ailleurs à se démaquiller en un temps record entre les deux œuvres, pour se transformer ensuite en Alsacienne, coiffe et nattes blondes comprises. Les deux solistes ne se maintiennent pas forcément tout du long dans l’intonation la plus parfaite, le dernier duo part d’ailleurs joyeusement dans les décors pour ce qui concerne la justesse, mais c’est de toute façon l’enthousiasme qui gagne devant la formidable performance de ces deux chanteurs-acteurs, tandis que le pianiste Jean-Marc Fontana délivre une prestation de qualité. (F.J. Photos I.F.)
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