15 avril 2021 : 2 ans après l’incendie, où en est-on ?
Il y a deux ans, le 15 avril 2019, Notre-Dame de Paris était victime d’un terrible incendie. La mise en sécurité est toujours en cours, avant que ne commence la restauration proprement dite.
De nombreux reportages suivent pas à pas le chantier, et Jean-Jacques Annaud, on le sait, prépare un long métrage « en immersion », Notre-Dame brûle, déjà répertorié sur Wikipédia un an avant sa sortie ! On connaît les échafaudages, le grand trou béant, la « forêt », tout ce qui concerne l’infrastructure de la cathédrale. On parle moins du mobilier. De même que l’essentiel des éléments du trésor, du mobilier, des reliques et œuvres d’art a pu être sauvé, ainsi le grand orgue, qui avait pu causer quelques inquiétudes, n’a finalement pas été endommagé. Relativement épargné dans l’incendie, tant par les flammes que par l’eau, l’instrument, recouvert de poussières de plomb et victime de variations thermiques – notamment lors de la canicule de 2019 – nécessite néanmoins nettoyage et restauration ; des opérations particulièrement délicates, qui ne peuvent se faire sans démontage et dépose complète. Des opérations qui se sont déroulées du 3 août au 9 décembre 2020.
Construit en 1733 et plusieurs fois transformé, notamment par Aristide Cavaillé-Coll en 1868 (celui-là même qui a signé l’orgue de chœur de la métropole Notre-Dame des Doms à Avignon), le grand orgue symphonique avec ses 8.000 tuyaux répartis en 115 jeux, est le plus grand instrument de France en nombre de jeux, à peine dépassé par Saint-Eustache quant aux dimensions.
Le service communication de la cathédrale Notre-Dame de Paris nous a détaillé les opérations.
Sous la maîtrise d’œuvre de Christian Lutz, organologue, technicien-conseil auprès des Monuments historiques, un échafaudage de 30 m de haut spécialement aménagé a permis, grâce à un plan de travail installé devant la façade de l’instrument, la dépose successive de presque tous les éléments :
« – les chamades, tuyaux horizontaux placés au pied des tuyaux de façade,
– les tuyaux intérieurs en métal, qui ont fait l’objet d’un nettoyage préalable avant d’être mis dans des caisses sur-mesure, spécialement construites pour l’occasion,
– les tuyaux en bois, qui ont également été nettoyés,
– les systèmes de transmission des commandes de notes et de jeux,
– les 19 sommiers, ces pièces sur lesquelles reposent la plupart des tuyaux et qui permettent de les alimenter en vent, ainsi que toutes leurs annexes ».
Ne sont restées in situ que quelques pièces trop fragiles ou trop volumineuses :
« – le buffet, qui date pour l’essentiel de 1733,
– les tuyaux de façade, trop fragiles pour être transportés hors de la cathédrale,
– une trentaine de grands tuyaux de bois, qui seront nettoyés sur place,
– quatre grands soufflets, qui ne peuvent être sortis sans un démontage de la charpente du buffet ».
Les éléments démontés, placés dans 4 conteneurs étanches, ont été transportés dans un entrepôt de la région parisienne – aucun dans l’intra-muros n’était assez vaste – tenu secret.
En procédure d’urgence un établissement public peut avoir recours à des professionnels sans passer par un appel d’offres. C’est ainsi qu’ont été réquisitionnés pour l’opération de démontage 11 facteurs d’orgue de divers points de France, notamment l’atelier Quoirin mandataire, ainsi que l’atelier Cattiaux Olivier Chevron successeur, de Liourdres (Corrèze) et la Manufacture languedocienne de grandes orgues, de Lodève (Hérault).
Depuis 1970, Pascal Quoirin (site officiel), entouré d’une douzaine de spécialistes (concepteurs, menuisiers, ébénistes, sculpteurs, tuyautiers et harmonistes) a installé son atelier sous les chênes dans la paisible commune de Saint-Didier, au pied du Ventoux. De la conception jusqu’à l’installation, l’atelier est capable de prendre en charge la totalité de la réalisation d’instruments, tous différents, et/ou de leur restauration. Du grand art ? Voire. Quand on parle d’art à Pascal Quoirin, il sourit et se prétend tout au plus, en toute modestie, « un artisan ».
Dans le Vaucluse, Pascal Quoirin a construit plusieurs orgues : en 1973 pour la cathédrale St-Siffrein de Carpentras (son 1er orgue, 16 jeux), en 1986 pour le Temple Saint-Martial d’Avignon (27 jeux).
Dans la région Provence : pour la collégiale St-Martin de St-Rémy-de-Provence en 1983 (62 jeux), la cathédrale de Fréjus en 1991 (35 jeux), l’église paroissiale de St-Tropez en 1991 (28 jeux), l’église Ste-Marguerite de Marseille en 2003 (17 jeux), l’église St-Nazaire de Sanary en 2009 (30 jeux), l’église St-Michel de Grimaud en 2015 (16 jeux).
Il est sollicité d’un bout à l’autre de la planète, tant pour les orgues neuves (Etats-Unis, Japon) que pour les restaurations (Mexique).
Quant au nettoyage, à la restauration et au remontage du grand orgue de Notre-Dame de Paris, un « avis d’appel public à la concurrence » international a été publié le 1er avril, pour un dépôt des dossiers le 3 mai ; le choix définitif entre les diverses entreprises candidates pourrait intervenir avant l’été.
A l’occasion du 2e anniversaire de l’incendie de Notre-Dame de Paris, le Quatuor Girard a donné un concert en ligne, le 15 avril à 19h, avec une création mondiale en hommage aux rosaces miraculeusement épargnées.
G.ad.
Photo 1. Dépose de la console du grand orgue. Photo Christian Lutz / Etablissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris
Photo 2. Vue supérieure du grand orgue déposé. Photo David Bordes / Etablissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris
Photo 3. Le Quatuor Girard (Agathe violon, Hugues alto, Lucie violoncelle, Grégoire violon). Photo Marie Girard
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