Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence. Mercredi 10 février 2022
Nikolaï Lugansky, piano
Ludwig van Beethoven, Sonate n°14 en do dièse mineur « Sonate au Clair de lune ». Alexandre Glazounov, Sonate n°2. Claude Debussy, Estampes. César Franck, Prélude, Choral et fugue
Nikolaï Lugansky a choisi quatre œuvres pour son récital aixois, Ludwig van Beethoven et trois autres compositeurs étant servis à peu près à parts égales.
Pour entamer les débats, le célébrissime premier mouvement en Adagio sostenuto de la Sonate « au Clair de lune » de Beethoven est joué avec une extrême lenteur, une sorte de moment suspendu dans la salle du Grand Théâtre de Provence à la belle qualité de silence de la part d’un public venu nombreux. Le deuxième mouvement Allegretto est interprété de manière plus guillerette avec un toucher léger, avant le Presto agitato final pris sur une accélération fulgurante. La rapidité d’exécution de Lugansky n’empêche toutefois pas d’entendre les nombreuses notes des arpèges de manière bien détachée.
La Sonate n°2 d’Alexandre Glazounov plonge ensuite l’auditeur dans une atmosphère romantique, rendue par un piano fluide et délié où certaines notes flottent, tenues par la pédale. Les montées vers des climax et redescentes vers un certain apaisement alternent, le soliste affirmant son caractère sur de grands accords plaqués fermement, les lignes mélodiques des mains gauche et droite étant enchevêtrées par séquences.
Après l’entracte, « Pagodes », premières des trois Estampes, est typique de Claude Debussy, soit une ambiance nimbée de mystère, illustrée par une musique à la fois moderne et consonante. « La soirée de Grenade » qui suit est nettement hispanisante, des rythmes et mélodies qui peuvent évoquer la Carmen de Bizet… il est vrai que Séville et Grenade sont toutes deux situées dans le sud du pays ! La troisième pièce « Jardins sous la pluie » retourne à un tempo plus rapide, exécuté avec brillant par le soliste.
Dans le dernier opus du programme, « Prélude, Choral et fugue » de César Franck, Lugansky se montre toujours aussi solide techniquement, paraissant par ailleurs développer ici encore davantage d’investissement personnel. Les nuances s’étalent ainsi sur un spectre très étendu, entre douceur sentimentale et attaques bien plus mordantes. L’inspiration, voire la citation de Johann Sebastian Bach par César Franck apparaît clairement, dans la partie de la fugue en particulier, avec un idéal respect du rythme.
Devant l’auditoire enthousiaste, Nikolaï Lugansky ne se fait pas prier pour accorder trois courts bis, dont le deuxième est émaillé d’arpèges interprétés à vitesse supersonique. Un public conquis et ravi !
F.J. Photo T.C.E.
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