Le rendez-vous de Musiques en Fête nous avait manqué…
Musiques en Fête, Chorégies d’Orange. Théâtre antique, vendredi 11 septembre 2020
Direction, Luciano Acocella & Didier Benetti
Bizet (la traditionnelle ouverture de Carmen), Puccini (les indémodables « Nessun dorma » de Turandot, et « E lucevan le stelle » de Tosca), Trénet, Gounod (la jolie valse « Je veux vivre » de Roméo et Juliette), Verdi, Polnareff, Donizetti, Massenet, Pop the Opera, Puccini, Lucio Battisti, Rodgers & Hammerstein (« La mélodie du bonheur »), Donizetti, John Kander, Rossini, Edwin Hawkings (« Oh happy day ! »), Sorozàbal, Bellini, Ganne (« C’est l’amour » des Saltimbanques, repris par le public), Bob Telson (Bagdad Café), Schubert (« Ave Maria », le grand classique), Larionov (les frimas dépaysants de « Kalinka »), Medley des 3 ténors…
Ce devait être une édition toute particulière, annoncée comme telle l’an dernier, pour le 10e anniversaire d’un rendez-vous festif, à la fois populaire et de qualité, comme France-Télévisions sait en accompagner. C’est en effet une édition particulière, mais a minima. La Covid-19 a contraint à réduire les places, de 8.500 à 3.300, et les quelque 400 billets offerts aux Orangeois, qu’on se dispute âprement les autres années, n’ont même pas trouvé preneur.
Les 9 éditions antérieures ouvraient joliment la saison estivale en Provence, la veille de la traditionnelle Fête de la musique, et le cœur était à la fête en rejoignant le théâtre antique : on se sentait léger, heureux…
Cette année, le virus – qu’il soit Covid-19 ou coronavirus 2020 – a tout plombé, et a brouillé les repères.
Mais reste le sens de la fête. Et la magie conjuguée, celle des lieux, d’une organisation parfaite et du talent de tous. Et l’émerveillement assumé d’une âme d’enfant toujours au rendez-vous, comme la toute première fois.
Ni exubérance, ni bavardages sonores, ni excitation fébrile dans notre file d’attente devant les grilles. Vérification des sacs, puis placement par de jeunes hôtesses souriantes : rien de nouveau. Entre-temps néanmoins, pour éviter les contacts, chaque spectateur détache lui-même le talon de son billet et le glisse dans le grand sac dédié, puis prend lui-même le programme de soirée, après désinfection au gel.
La soirée sera beaucoup plus confortable que les autres années : les places du théâtre antique sont connues pour n’être pas très larges ; pour peu que votre voisin dépasse un peu, vous passez la soirée sur la tranche !
Les nuages menaçaient, l’immense scène avait été protégée par des barnums, les caméras par des bâches en plastique. Et puis, c’est, là encore, la magie d’Orange : même le ciel s’est étoilé en cours de soirée, et quelques chauves-souris ont accompagné la musique !
Ce soir encore c’est un spectacle parfait, animé par Cyril Féraud et Judith Chaine. On retrouve avec bonheur les artistes qui avaient accepté, il y a 10 ans, de prendre le risque de Musiques en Fête, et qui, au fil des années, sont devenus une véritable troupe d’amis complices : les soprani Patrizia Ciofi, Julie Fuchs, la mezzo-soprano Béatrice Uria-Monzon, le ténor Florian Laconi, fidèles entre les fidèles.
Se sont greffés au fil des années, très récemment parfois, des artistes aussi talentueux, lauréats Adami également pour certains : les soprani Sarah Blanch, Fabienne Conrad, Jeanne Gérard, Melody Louledjan et Amélie Robins, la mezzo Héloïse Mas, les ténors Marc Laho (« Nessun dorma ») et Thomas Bettinger, les barytons Florian Sempey et Jérôme Boutillier, la basse Jean Teitgen (« la calunnia »). Mais aussi Claudio Capéo venu de The Voice, Isabelle Georges pour un « Cabaret » endiablé, et The Black Legends dans « Oh happy day ! » ainsi que la Réunionnaise Anandha Seethanen dans Bagdad Café… Toujours facétieux, Florian Sempey et Amélie Robins ont invité dans leur prestation masque et mini-gel hydroalcoolique, réinventant ainsi un élixir d’amour d’une revigorante légèreté.
Autant de noms qui brillent dans l’univers lyrique national et international, et qui ce soir font vibrer le théâtre antique, dans le joyeux mariage de toutes les musiques, lyrique, variété, jazz, blues, dans la même rigueur professionnelle, sous la direction alternée de Luciano Acocella (lyrique) et de Didier Benetti. Et grâce au même professionnalisme millimétré hors-champ caméra.
Certes, les choristes de l’Opéra de Monte Carlo respectent la « distanciation sociale » ; certes, on a supprimé toute accolade et tout rapprochement scénique entre les artistes, même les plus jeunes (la Maîtrise des Bouches-du-Rhône, les classes CHAM du collège de Vaison-la-Romaine et Pop the Opera) et le « Libiamo » final, habituel bouquet joyeux de tous les artistes, ne sera que duo pétillant entre Patrizia Ciofi et Thomas Bettinger. Qu’importe, l’ivresse est là.
MEF nous avait manqué, MEF nous rattrapés… Et Jean-Louis Grinda, directeur des Chorégies, a donné rendez-vous en 2021 pour une célébration décalée du 10e anniversaire, en espérant, toujours souriant, que « les ennuis soient derrière nous » ! On voudrait le croire…
Comme chaque année, FR3 a diffusé en direct les 185 minutes du spectacle le soir même à 21h05. Visible encore sur Culturebox (https://www.france.tv/spectacles-et-culture/ ) (Gad.).
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