Spectacle chorégraphique et musical original
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence le vendredi 19 janvier 2024
Laurence Equilbey, direction musicale ; Yoann Bourgeois, Conception, mise en scène et scénographie ; Sigolène Petey et Pénélope Ogonowski, Création costumes ; Jérémie Cusenier, Création lumière ; Antoine Garry, Création son
Hélène Carpentier, soprano ; Eva Zaïcik, alto ; Eric Ferring, ténor ; Christian Immler, basse
Insula orchestra
Accentus
Wolfgang Amadeus Mozart, Requiem en ré mineur
Présenté quelques jours plus tôt à La Seine Musicale de Boulogne-Billancourt, le spectacle conçu par Yoann Bourgeois autour du Requiem de Mozart est accueilli au Grand Théâtre de Provence. Le Requiem de Mozart est régulièrement proposé, ces dernières années, dans une mise en scène, en se souvenant en premier lieu des propositions de Romeo Castellucci au Festival d’Aix-en-Provence ou encore de Bartabas au Festival de Salzbourg (et chroniquée dans ces colonnes lors de sa reprise à Châteauvallon l’été dernier), mais il s’agit ce soir d’un spectacle à très fortes composantes chorégraphique et circassienne.
Tout est noir sur le plateau, avec un praticable relevé à la verticale au fond, à la manière d’un skate-park. Dès les premières mesures, des hommes et femmes paraissent se jeter du haut de la paroi, en fait ils se laissent glisser à partir du surplomb, pour arriver à vive allure au niveau de la scène, puis disparaître par plusieurs ouvertures au sol. Ce même procédé sera utilisé plus tard, mais non seulement pour les huit danseurs en présence, mais l’ensemble des choristes, alors adeptes de cette sorte de spectaculaire toboggan. On peut imaginer dans ces chutes de corps la descente des morts dans les limbes, ainsi que la disparition dans les entrailles de la Terre.
On découvre ensuite l’autre dispositif principal de la scénographie, à savoir un vaste plateau tournant qui sera régulièrement utilisé à très haute vitesse de giration. On marche beaucoup sur cette tournette, on court très vite aussi, soit dans le sens de la marche, soit à contresens. Les figures en duo, groupe de huit danseurs ou sous-groupes, se font et se défont ainsi dans une dynamique enthousiasmante pour les yeux. La grande vitesse de la tournette leur permet même d’incliner très significativement leur corps, afin d’équilibrer les deux forces de gravité et centrifuge. Pour le « Lux æterna » conclusif, les choristes et solistes sont répartis sur le disque central, l’ensemble en mouvement circulaire, mais avec chacun et chacune qui se maintient face au public par un discret jeu de pieds.
Laurence Equilbey, aux commandes de son orchestre Insula orchestra et de son chœur Accentus, a maintes fois abordé le Requiem de Mozart, et il en résulte aujourd’hui une interprétation mature. L’« Introitus » du Requiem æternam est ainsi délivré dans un tempo rapide qui allège la tristesse pesante qu’on peut associer a priori à une messe des morts. La dernière note du premier numéro est cependant tenue, substituée électroniquement par un bruitage, en une espèce d’interlude avant le numéro mozartien suivant. Ce procédé se répète au long du concert, en pauses un peu longues au début, mais par la suite réduites au petit temps nécessaire aux changements de position des artistes sur le plateau. Comme le titre « Fragments inachevés » le suggère, nous entendons ce soir la partition composée par Mozart, et non l’œuvre habituellement jouée qui comprend les ajouts posthumes apportés par Franz Xaver Süßmayr, soit une durée réduite d’un tiers et une représentation assez courte d’une heure. Plusieurs passages surprennent, on peut mentionner en priorité le « Lacrimosa » qui s’arrête, comme un coup net et tranchant, après les huit mesures seulement de la main de Mozart.
Le quatuor de solistes vocaux est de très bonne tenue, à commencer par la soprano Hélène Carpentier, musicale, aérienne et dont la ligne vocale plane à grande altitude pendant le « Recordare ». La mezzo Eva Zaïcik fait entendre un timbre charnu, très belle pulpe également du ténor Eric Ferring, aux côtés de la basse Christian Immler. Grand succès et public très enthousiaste à l’issue du spectacle.
F.J. © I.F.
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