Samedi 06 avril 2024, 20h 30, Grand Théâtre de Provence. Dans le cadre du 11e Festival de Pâques d’Aix-en-Provence (site officiel)
Le Cercle de l’Harmonie
Audi Jungendchorakademie. Jérémie Rhorer, direction. Chen Reiss, soprano . Varduhi Abrahamyan, mezzo-soprano. Daniel Behle, tenor. Johannes Weisser, baryton
Ludwig van Beethoven, Missa solemnis
Voir aussi notre présentation d’ensemble du 11e Festival de Pâques
et tous nos articles du mois d’avril
Placé sous la direction de son fondateur, Jérémie Rhorer, le Cercle de l’Harmonie, en résidence au Grand Théâtre de Provence depuis 2018, a pour particularité de jouer sur instruments d’époque, avec l’ambition de proposer les œuvres dans leur état originel, telles qu’on aurait pu les entendre lors de leur création.
Pour l’exécution de cette Missa solemnis, il s’était adjoint l’Audi Jungendchorakademie, un ensemble de jeunes chanteurs âgés de 16 à 27 ans, sélectionnés en Allemagne et en Autriche, ainsi que la soprano israëlienne Chen Reiss, la mezzo arménienne Varduhi Abrahamyan, le ténor (et compositeur) allemand Daniel Behle et le baryton norvégien Johannes Weisser.
Dans l’organisation scénique de l’ensemble, ce quatuor vocal, pour lequel aucun air soliste n’est écrit, et qui n’intervient donc qu’en duos, trios ou…. quatuors, était modestement placé derrière l’orchestre, pratiquement mêlé au chœur, pour une question d’équilibre sonore, sans doute, mais aussi symbolique, la mise en avant d’individus n’étant pas la mieux venue dans une œuvre impliquant l’humanité dans son ensemble.
Il est enfin à noter que pour aider à la compréhension de l’œuvre, était projetée sur écran la traduction française du texte.
La Missa solemnis peut dérouter. Ce n’est pas seulement une messe ; ses effectifs, sa longueur, son message universel, sa monumentalité la sortent du seul cadre d’une église, la placent hors du cadre liturgique classique. Beethoven utilise, certes, les principaux épisodes de la liturgie catholique et conserve le latin, mais il en fait une œuvre très contrastée, mêlant solennité et grandiose, surtout dans le Kyrie, le Gloria et le Credo, et humilité, en particulier dans le Sanctus et l’Agnus Dei, deux adagios plus tournés vers le recueillement, les préoccupations spirituelles et philosophiques du compositeur, la condition humaine et les rapports de l’Humanité avec la Divinité.
Côté solennité et grandiose, il ne faut pas oublier que cette messe fut écrite pour répondre à une commande de l’Archiduc Rodolphe en 1820 pour sa cérémonie d’intronisation au rang d’archevêque. Beethoven en profitera pour ajouter son propre questionnement sur l’Humanité et la religion, mais prit tellement de temps pour étudier le sujet que la partition ne fut achevée qu’en 1823 et que l’œuvre ne fut finalement créée dans son entier qu’en 1830, soit trois ans après sa mort.
Menant ses interprètes d’une main ferme, stimulante, la gestuelle ample, parfois nerveuse, expressive, Jérémie Rhorer a obtenu d’eux toute la force d’évocation des volontés du compositeur ; il a su en faire ressortir les contrastes, les effets dramatiques, les instants plus chambristes ou intimistes, les couleurs, les phrases ou mots significatifs du texte. Le chœur, très sollicité, présent, a été impeccable dans ses interventions, homogène, malléable, répondant parfaitement à toutes les nuances, du piano au forte, exigées par l’œuvre et par le chef. Le quatuor de solistes, homogène également, complémentaire, a mené le jeu avec efficacité. L’orchestre, attentif, précis, a su ménager les effets, interpréter les nuances, répondre aux défis dynamiques.
Le Kyrie fut solennel, grandiose, parfois tendu. Le Gloria, conquérant, alternant passages enthousiastes et plus doux, tel le pax hominibus, nous offrit une belle fugue du chœur et un magnifique tutti final. Le Credo fut un moment de solennité et de glorification, mais aussi d’instants de grâce, tel celui qui associait chœur murmurant, solistes et flûte. Le Sanctus fut émouvant, avec ses instants de glorification et de recueillement, et surtout cette longue partie merveilleusement menée par le solo du premier violon et ce Benedictus empreint d’émotion, avec un quatuor dominant, aux échanges subtils, et l’intervention du chœur. Et que dire de l’Agnus Dei, cet hymne à la paix « intérieure » et « extérieure », qui mit en évidence les qualités de tous les interprètes, notamment du quatuor vocal, plus tragique, repentant, implorant la miséricorde divine, repoussant, par la répétition obsessionnelle du mot « pacem », les trompettes et timbales guerrières, pour finir sur un grand élan victorieux et plein d’espoir !
Une très longue ovation salua cette magnifique réussite qui, à notre avis, acoustiquement parlant, aurait eu un rendu plus ample encore, pour un tel effectif, une telle densité musicale, dans un lieu moins confiné et plus ouvert que la scène du Grand Théâtre de Provence.
B.D.
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