Une réussite
Jeudi 6 février 2025, 20h, Opéra Grand Avignon
Adaptation / Scénographie / Mise en scène, Gérard Gélas. Costumes, Fabienne Laugier et L’Atelier du Costume de Maillane. Régie lumière, Marc Le Bouvier. Régie son, Noé Courbet. Musiques, Philip Glass et chants provençaux. Conseiller musical, Rémi Venture. Frédéric Mistral, Nicolas Dromard. Mirèio (Mireille), Juliette Gharbi. Vincent, François Santucci. Maître Ramon, Jacques Vassy. Maître Ambroise, Guillaume Lanson. Taven la sorcière, Léa Coulanges. Magali / Le petit-garçon / Jeanne-Marie, Nathalie Savalli. Les prétendants, Fabien Rouman
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La salle de l’Opéra Grand Avignon est pleine ce soir, de l’orchestre aux balcons : des théâtreux (les directeurs des « Scènes d’Avignon »), des provençalisants, et des curieux sans doute, un public qui fréquente peu ce lieu. L’affiche promet un spectacle de qualité. Gérard Gelas, fondateur du théâtre du Chêne noir, a été sollicité en 2024 par le Collectif Prouvenco pour écrire une pièce sur Mistral à l’occasion des 120 ans de l’attribution du prix Nobel de littérature au natif de Maillane, et des 150 ans de sa mort.
Vingt ans après sa Mireille d’une incandescente fraîcheur qui vit les débuts de son élève Alice Belaidi – elle avait l’âge du rôle et un talent à brûler les planches et les écrans – avec Damien Rémy, Gérard Gelas a remis ses pas dans ceux de Mistral…
« Canto uno chato de Prouvenco », « Je chante une fille de Provence »… L’heure et demie qui commence avec cet incipit bien connu est une réussite. On plonge immédiatement dans l’univers de Mistral, ses parfums, ses couleurs, ses paysages ; par la seule magie des mots de Gelas, qui n’ont rien à envier à la poésie bouleversante de Mistral. Nicolas Dromard (Mistral lui-même) est un récitant plus vrai que nature, en « vagabond qui frappe à la porte de [sa] mémoire », les six autres acteurs ne déméritent pas, avec une mention spéciale pour François Santucci, un Vincent tout en nuances, et pour Fabien Rouman qui endosse, sans changer de costume et sans forcer son jeu, les trois prétendants, le berger Alàri, l’éleveur de cavales blanches, enfin le gardian Ourrias.
La mise en scène, minimaliste (un siège pour Mistral, et une botte de foin en fond de scène), concentre l’attention sur le déroulé de cette fulgurante tragédie d’amour, lumineuse et terrible. Les lumières, blanches, sublimes, de Marc Le Bouvier, sculptent avec élégance chaque tableau comme une œuvre d’art.
On retrouve avec bonheur les magnanarelles, la scène troublante de la cueillette des feuilles de mûrier, les parents, la chanson de Magali, le combat de Vincent et Ourrias – remarquable performance de François Santucci en acteur solo -, Taven, l’illumination de Mireille au cœur de la plaine de la Crau écrasée de soleil mordant, les saintes Maries toutes proches…
Les scènes témoignent d’un choix judicieux, le découpage est juste et précis, le récit est concis, souvent nerveux, l’intrigue intelligemment réduite à son cœur brûlant. La musique de Philip Glass semble avoir été créée pour cette Mireio dont elle épouse finement tantôt l’intensité dramatique tantôt l’émotion contenue.
Malgré quelques réserves de détail, l’ensemble néanmoins fait honneur à Mistral, que Lamartine dédicataire de l’œuvre appelait « l’Homère de la Provence ». On aimerait revoir ce beau « rêve » au Festival, mais il échappe – et c’est tant mieux ! – au format standard. Quant à l’auteur, appelé sur scène pour le salut final, visiblement très ému il a plaidé pour un soutien aux structures culturelles et artistiques si malmenées.
G.ad.
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