« Chanson perpétuelle »
Opéra Grand Avignon, mardi 10 janvier 2023, 20h, 1h10
Marie-Laure Garnier, soprano. Célia Oneto Bensaid, piano. Quatuor Hanson
César Franck, Quintette avec piano de (1879). Ernest Chausson, Chanson perpétuelle, (1898) et le Poème de l’Amour et de la Mer (terminé en 1892).
Voir aussi toute la saison 2022-2023 de l’Opéra Grand Avignon
La musique de chambre est trop souvent confidentielle, et la rupture sanitaire forcée n’a pu qu’aggraver la situation. Mardi 10 janvier 2023, l’opéra Grand Avignon était plus qu’à moitié vide. Disons plutôt presque à moitié pleine… Il faut souhaiter en ce début d’année que le public revienne vite vers les théâtres, les cinémas, les lieux de spectacle vivant, pour retrouver la vibration revigorante de l’art partagé. Quand on découvre ces jours-ci que l’Orchestre de l’Opéra de Paris doit renoncer à une tournée pour des raisons financières, on peut légitimement s’inquiéter, et comprendre que les pouvoirs publics surveillent de près les choix artistiques des structures subventionnées…
Les amateurs de musique de chambre se réjouissaient donc de cette soirée de répertoire français de la toute fin du XIXe siècle, des pièces composées à moins de 30 ans d’intervalle, et interprétées par une formation qui a déjà à son actif un CD de même programme (label-B Records, avril 2022).
Nous connaissons la pianiste, Célia Oneto Bensaid, par les Saisons de la Voix, et par la résidence que lui offre cette saison l’opéra Grand Avignon.
La jeune soprano Marie-Laure Garnier également ; prix de l’Adami en 2019, lauréate du concours Voix nouvelles, lauréate des Voix des Outre-Mer, Révélation lyrique aux 28es Victoires de la musique classique en 2021… Elle a également participé à Musiques en Fête aux Chorégies, aux Musicales du Luberon, aux Saisons de la Voix en 2017, ainsi qu’au coffret de 3 CD de l’Orchestre National Avignon-Provence faisant découvrir les œuvres de Charlotte Sohy et sorti en avril 2022. Sa voix ample et souple peut chanter Mozart aussi bien que Wagner, et sa complicité musicale avec la talentueuse pianiste assure au duo une vraie réussite sur scène.
En revanche nous découvrons le jeune quatuor Hanson – du nom du 1er violon -, fondé en 2013 : trois garçons et une altiste féminine, tous quatre plus fantaisistes sur leur site Web que sur la scène ; même avec une tenue, noire cependant, qui casse quelque peu les codes – chaussures de théâtre blanches, blouson zippé pour les garçons, débardeur pour la dame -, leur jeu fougueux manque, à mon goût, d’un sourire intérieur qui puisse illuminer leur interprétation.
La soirée néanmoins ne peut que combler les plus exigeants.
L’attaque des archers est vigoureuse, le phrasé précis exprime la puissance quasi wagnérienne de la Chanson perpétuelle d’Ernest Chausson qui donne son nom au concert ; et l’énergie particulière du Quatuor laisse entrevoir des trésors d’inventivité dans leur approche de l’œuvre, et de curiosité dans le choix du répertoire.
Le tiré sait se faire caresse dans l’exquise retenue du Quintette de César Franck, une pièce instrumentale dédiée à Saint-Saëns, et qui reçut à sa création un accueil réservé, sauf de Debussy.
Retour à Chausson, et à la soprano, en 2nde partie, avec trois pièces du Poème de l’amour et de la mort, sur des textes de Marie Bouchard, initialement composé pour voix et orchestre. Ce vaste poème symphonique, dédié au mélodiste Henri Duparc, décline les multiples nuances du sentiment. Si de nombreux détails du texte nous ont malheureusement échappé, Marie-Laure Garnier a pourtant habité ces textes et restitué leur sensibilité et leur intensité. Et quelle émotion troublante dans le dialogue furtif entre piano et violoncelle !
Le cadeau du bis fut un extrait de la Bonne Chanson de Gabriel Fauré, d’après le Poème d’hiver de Paul Verlaine. Une annonce accueillie par un murmure de satisfaction, dénotant un public plus averti que ne le laissaient penser les applaudissements intempestifs et répétés de la 1e partie.
G.ad.
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