Grand Théâtre de Provence le 23 juillet 2023. Festival d’Aix-en-Provence (site officiel)
Orchestre des Jeunes de la Méditerranée. Direction musicale, Duncan Ward. Violoncelle, Camille Thomas
Betsy Jolas,. A Little Summer Suite. Jacques Ibert, Escales. Ojm – Medinea, Création
Gamal Abdel-Rahim, Variations on an Egyptian Folktune. Camille Saint-Saëns — Concerto pour violoncelle n°1 en la mineur, op. 33
Maurice Ravel, La Valse
Riche et long voyage musical sur les rives méditerranéennes
Depuis presque 40 ans, l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (OJM) rassemble les meilleurs jeunes musiciens de la Région Sud PACA et du bassin méditerranéen. Ils sont intégrés au Festival d’Aix-en-Provence depuis 2014, se produisant généralement en clôture de la manifestation – cette année, programmés sur l’avant-dernière soirée du festival -. La formation se produit ce soir dans un grand effectif de 90 instrumentistes, placés sous la baguette de leur directeur musical, le Britannique Duncan Ward. C’est à une très riche promenade musicale, aux paysages très variés, que nous convient ces artistes.
Le programme commence par la pièce contemporaine A Little Summer Suite, composée en 2015 par Betsy Jolas. Au cours des sept courts numéros qui s’enchaînent dans la continuité, sans pause ni rupture musicale, l’atmosphère est souvent mystérieuse, voire pesante à l’entame à l’écoute des violoncelles et contrebasses inquiétantes. Les sonorités sont assez exotiques, rythmées parfois par de petites percussions ou le xylophone, sans exclure les soli de flûte, hautbois, sur fond de harpe et piano, tandis que des clochettes s’agitent. Nous ne connaissions pas cette partition, mais son interprétation nous paraît aussi aboutie et professionnelle que pourrait l’être celle de musiciens déjà en carrière depuis de nombreuses années.
Composées en 1924, les trois Escales de Jacques Ibert nous font comme voyager à bord d’un navire en mer Méditerranée et débarquer dans des lieux différents. Les premières mesures de « Rome – Palerme » nous font immédiatement penser au Prélude à l’Après-midi d’un faune de Claude Debussy, par sa flûte qui semble installer une lourde torpeur dans la chaleur ambiante. Mais l’agitation gagne bientôt, comme celle d’une fête populaire et l’on admire ici les cordes absolument somptueuses. Dans « Tunis – Nefta », une image nous apparaît immédiatement, celle de la caravane qui progresse, lentement mais régulièrement, dans le désert. Avec enfin « Valencia », nous voici directement transportés en Espagne, ses rythmes dansés et un clin d’œil au Flamenco par le jeu des castagnettes.
Vient ensuite une Création de l’OJM, une suite chantée comme l’explique le chef, avec cinq artistes installés à la rampe et sonorisés : trois musiciens (le violoncelle, le baglama/ saz comme un luth à deux manches et le ney aux allures de petite flûte droite) et deux chanteuses. Cette suite est une composition de l’ensemble de l’orchestre, enchaînant les mélodies orientales. Chacune des deux chanteuses, l’une italienne, l’autre tunisienne, s’exprime dans sa langue propre, dans une expression le plus souvent douloureuse, à la mélancolie accentuée par le vibrato et la tenue de notes modulées. La conclusion est toutefois plus enjouée et rythmée, avec des « laï la laï » sur pizzicati et percussions enthousiastes. Standing ovation à l’issue de cette pièce de vingt minutes.
On reste dans l’exotisme après l’entracte avec Variations on an Egyptian Folktune, composées d’abord en 1956 pour le piano par Gamal Abdel-Rahim, puis adaptées pour l’orchestre en 1967. Cette pièce puise dans la richesse des textures de l’orchestre.
Plus classique ensuite vient le Concerto pour violoncelle n°1 de Camille Saint-Saëns (1872), où la soliste Camille Thomas doit tout de suite entrer dans le vif du sujet, avec des traits rapides répétés, restant très attentive au chef et à l’orchestre. La violoncelliste impulse un grand vibrato à main gauche au cours des doux passages, augmentant ainsi la dose de sentiment. Un instrument très expressif, mais dont l’intonation rencontre de petites imperfections lors des passages les plus agités en fin de concerto. Une mélodie ukrainienne est jouée en bis, passage émouvant aux cordes et violoncelle solo.
Dernière pièce au programme, La Valse de Maurice Ravel est interprétée par un orchestre luxuriant, pour une musique qui tourne aussi vite qu’une valse viennoise, même si la texture musicale en est assez différente. Une musique décidemment très enlevée, très brillante, exécutée par ces jeunes instrumentistes qu’on verra très bientôt rejoindre les meilleurs orchestres.
I.F. Photo ©Vincent Beaume
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