Un concert mémorable : le LSO sublime LA 7ème de Mahler.
Festival d’Aix-en-Provence (site officiel), Grand Théâtre de Provence (14 juillet 2023)
London Symphony Orchestra. Direction musicale, Sir Simon Rattle. Soprano, Faustine de Monès
Betsy Jolas, Ces belles années… Gustav Mahler, Symphonie n°7 en mi mineur dite « Chant de la nuit »
Entre les représentations de Wozzeck données au Grand Théâtre de Provence, le London Symphony Orchestra et son directeur musical encore pour ces derniers mois, Simon Rattle, mettent à leur programme la 7ème symphonie de Mahler.
Avant ce morceau de choix, est jouée, en première européenne, la création Ces belles années… de la compositrice Betsy Jolas (née en 1926), venue la première fois au Festival d’Aix-en-Provence en 1948… soit l’année de sa première édition ! La compositrice annonce une partition joyeuse qui évoque ses souvenirs liés au Festival, mais on entend d’emblée une musique assez énigmatique, aux accents à vrai dire plutôt mélancoliques. L’ambiance semble un peu brumeuse aux percussions, les unissons de cordes marquent des ruptures de rythme, tandis que les bois font de brèves entrées. Pourtant, les musiciens claquent tous ensemble des mains à plusieurs moments et l’entrée en scène, pour la dernière partie, de la soprano Faustine de Monès est réjouissante, celle-ci saluant de loin le chef avec ses bras. Les paroles aussi font sourire (« … Venez, venez, amenez vos amis… »), pour se terminer en brouhaha parmi les rangs de l’orchestre et en éclats de rire chez la soprano. A l’issue de cette pièce d’une quinzaine de minutes, Simon Rattle salue Betsy Jolas présente parmi le public, qui se lève et remercie avec un enthousiasme démonstratif les artistes sur scène.
Le Festival d’Aix-en-Provence n’a pas encore couvert l’ensemble des symphonies de Mahler, mais il progresse petit à petit : on se souvient en effet de la Cinquième jouée par le Berliner Philharmoniker en 2006 en plein air au pied de la Montagne Sainte-Victoire (déjà dirigée par Simon Rattle), puis l’année dernière de la Deuxième au Stadium de Vitrolles, sous la baguette d’Esa-Pekka Salonen. La Septième est donc au programme du soir, pour une exécution d’anthologie, dès son premier mouvement où une marche funèbre semble avancer implacablement. Ce premier mouvement d’une bonne vingtaine de minutes pourrait d’ailleurs constituer à lui seul une symphonie, tant il est varié dans ses orchestrations et thèmes évoqués, entre petites dentelles musicales (superbe premier violon !) et montées vers des climax plus éclatants aux cuivres.
Simon Rattle, qui dirige sans partition, paraît vivre la musique de l’intérieur, en idéale symbiose avec sa formation qui donne le meilleur d’elle-même. Le deuxième mouvement en allegro moderato possède un rythme plus régulier, élégant et majestueux, évoquant une nature un peu lointaine avec ses cloches de vaches. Dans une orchestration plus légère, le troisième en scherzo est encore plus dansant, comme une valse. Dans l’andante amoroso qui suit, on apprécie la délicatesse à laquelle contribue la présence originale de la mandoline et de la guitare, celles-ci en dialogue subtils avec les solistes aux bois, flûte, clarinette, hautbois. Le mouvement conclusif amène son lot de grandiose, des progressions parfois grandiloquentes, mais d’un très fort impact pour l’auditeur. Rattle parvient ici à doser la puissance afin d’éviter de déborder dans un vacarme assourdissant, un équilibre où chaque pupitre peut se faire entendre sans difficultés. Un orchestre formidable de qualité et de maitrise, dont l’agenda au cours de ce festival impressionne : cinq représentations de Wozzeck, deux concerts avec celui-ci (un autre est programmé le 20 juillet sous la baguette de Susanna Mälkki), et encore un opéra en concert le lendemain de cette symphonie mahlérienne, soit Le Prophète de Meyerbeer le 15 juillet.
I.F. Photos I.F.
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