Liberté cathédrale, quand la danse rassemble
Stade de Bagatelle, chemin de la Barthelasse, Avignon
France – Allemagne / Création 2023. Boris Charmatz
Avec l’Ensemble du Tanztheater Wuppertal, les invitées et invités* : Laura Bachman*, Régis Badel*, Dean Biosca, Naomi Brito, Emily Castelli, Guilhem Chatir*, Ashley Chen*, Maria Giovanna Delle Donne, Taylor Drury, Çağdaş Ermiş, Julien Ferranti*, Julien Gallée-Ferré*, Letizia Galloni, Tatiana Julien*, Lucieny Kaabral, Simon Le Borgne, Reginald Lefebvre, Johanna Elisa Lemke*, Alexander López Guerra, Nicholas Losada, Milan Nowoitnick Kampfer, Michael Strecker, Christopher Tandy, Tsai-Wei Tien, Solène Wachter* Frank Willens. Chorégraphie, Boris Charmatz. Assistanat chorégraphie, Magali Caillet Gajan. Lumière, Yves Godin. Costumes, Florence Samain. Travail de la voix, Dalila Khatir. Poèmes, Emily Dickinson, John Donne. Matériaux sonores, Ludwig van Beethoven, Olivier Renouf, Peaches, Phill Niblock (improvisations à l’orgue, épilogue d’après Johann Sebastian Bach, Antonio Vivaldi). Régie générale, Fabrice Le Fur. Régie plateau, Benjamin Greifenberg, Dietrich Röder. Régie lumière, Peter Bellinghausen. Régie son, Andreas Eisenschneider. Habillage, Katherina Fröhlich, Renatus Matuschowitz. Physiothérapeute, Bernd Marszan. Tanztheater Wuppertal Pina Bausch. Direction d’administration, Daniel Siekhaus. Direction de la gestion artistique, Robert Sturm. Planning et direction des tournées, Leonie Werner. Collaboration à la production, Julia Honer
Production, Lucas Chardon, Briac Geffrault, Martina Hochmuth. Production, Tanztheater Wuppertal Pina Bausch. Coproduction, Théâtre de la Ville (Paris), Maison de la Danse Pôle européen de création en soutien à la Biennale de la danse 2023 (Lyon), Théâtres de la Ville de Luxembourg, Factory International (Manchester), Festival steirischer herbst (Graz), Culturgest (Lisbonne), Lafayette Anticipations (Paris). Avec le soutien de Dance Reflections by Van Cleef & Arpels, Kunststiftung NRW, la ville de Wuppertal, Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Ministère de la Culture Drac Hauts-de-France, Région Hauts-de-France
Entretien avec Boris Charmatz, par le Festival d’Avignon
Une tempête chorégraphique dansée et chantée, traversée par la puissance de l’orgue, des volées de cloches et du silence. Première pièce de Boris Charmatz pour l’Ensemble du Tanztheater Wuppertal, avec des interprètes de la compagnie Terrain, présentée ici pour la première fois à ciel ouvert.
La nuit enveloppe doucement le stade Bagatelle sur l’île de la Barthelasse. Les derniers spectateurs s’installent sur la pelouse du terrain de foot, autour du plateau dessiné par le chorégraphe Boris Charmatz, artiste « complice » de cette 78e édition du Festival. A chaque angle, un haut et long tube de lumière, unique décor de Liberté cathédrale, la première pièce écrite pour le Tanztheater Wuppertal, par son nouveau directeur. Créée en 2023 dans l’église de Neviges, en Allemagne, c’est la première fois qu’elle est jouée en plein air, dans un cadre de verdure. Deux lieux non conventionnels, si chers au chorégraphe, qui aime amener la danse où on ne l’attend pas, pour rassembler et inviter le plus grand nombre à partager le spectacle.
Composée de cinq mouvements bien distincts, Liberté cathédrale commence a cappella, par le deuxième mouvement de l’opus 111 de Ludwig van Beethoven, que fredonnent les vingt-trois danseurs en costumes disparates (maillot de bain, costume, maillot de foot…), tout en exécutant la chorégraphie qui alterne courses et pauses. Les corps se mêlent, tressaillent, comme pris de convulsions, s’élancent, s’arrêtent… Puis les tintements stridents de cloches emplissent l’espace, battant à la volée, carillonnant, sonnant le glas. Les danseurs déboulent sur le plateau. Les corps se balancent. La danse se fait immersive, devant et derrière le public. Et silence, tout se tait. Mouvements au ralenti, bouches grandes ouvertes, avant que le chant ne reprenne, chuchoté, hurlé, martelé, avec la chanson Fuck the Pain Away, de Peaches. En transe, comme possédés, les danseurs débordent dans le public et enjambent les spectateurs, ahuris de les voir et de les entendre. Ils en entraînent certains, comme ce groupe de collégiens hilares et ravis, qui scandent avec eux le texte psalmodié qui a succédé à leur chant : « Chaque être est un morceau de continent, une partie de l’ensemble… » Ensemble, ils se dirigent tous vers le centre du plateau, pour former une grande ronde. Noir avant le dernier mouvement, qui fait surgir de terre une cathédrale, pyramide humaine au pied du pont Daladier, sur un déluge d’orgue orchestré par Phill Niblock, avant que les corps ne s’enchevêtrent, se supportant et se portant mutuellement. Tonnerre d’applaudissements. Une fois encore, Boris Charmatz aura réussi à faire vibrer les festivaliers d’Avignon.
Marie-Félicia. Photos de Christophe Raynaud de Lage
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