Une ordonnance dans ce monde anxiogène !
Voir aussi tous nos articles du Festival 2025
Théâtre de l’Episcène, 14h28, 1h15. Du 4 au 26 juillet, relâche les 7, 14 et 21 juillet. Réservations 04 90 01 90 54
La Compagnie belge Les Chevals de Trois, forte de son succès en 2023 et 2024 au Festival OFF avec Des Chèvres en Corrèze, revient cette année avec une nouvelle création, Les Rossignols du carnage. Compagnie engagée, citoyenne et populaire, elle interroge la place du récit dans nos vies. Dans un cadre apocalyptique, deux hommes perdus s’affrontent, l’un des deux doit disparaître. Pour masquer l’angoisse, ils se racontent la dernière histoire de l’humanité.
C’est un théâtre humain, humaniste, intimiste et très émouvant qui nous est proposé. L’histoire résume la vie des hommes : le grand récit nous façonne et le petit récit nous raconte ; aux échecs du monde répondent leurs propres failles. Si le début de la pièce, onirique, peut déconcerter de prime abord, on entre ensuite très vite dans cet univers. Et tels des rossignols, qui chantent sur les champs de bataille, ces hommes essaient de survivre, et face à l’adversité tentent de chanter de plus en plus fort.
Le texte est époustouflant et ciselé. Les deux acteurs et auteurs (Dimitri Lepage et Mathieu Laviolette) jouent avec une intensité renversante et tellement juste qu’ils ont reçu à la fin une standing ovation unanime et spontanée, amplement méritée. Le troisième membre de la compagnie, Jérôme Jacob-Paquay a signé la mise en scène et assure la régie.
Des passages poétiques nous transportent ponctuellement. La mise en scène a choisi des objets industrialisés dont le métal froid contraste avec la nature (seul un coffre en bois l’évoque) et soumet l’homme à sa domination implacable ; en outre, la chorégraphie rythmée (de Virginie Benoist) sur une musique d’Agathe Lavarel appuie intelligemment les propos. Le titre de la pièce renvoie à la période de la première guerre mondiale, dont le contexte est évoqué subtilement par le choix d’objets variés présents sur scène.
Qui suis-je ? Quel est mon rôle ? Quelle est ma place dans le monde ? Serons-nous des Don Quichotte ? Autant de questions auxquelles nous ne prenons pas assez le temps de réfléchir et qui créent alors des angoisses. Le malaise d’une génération transpire en filigrane et ne nous laisse pas indifférent(e) ; seul remède pour le dépasser : chanter pour oublier et surmonter nos paradoxes. Pièce à vocation universelle car dans quasiment toutes les civilisations, le rossignol existe.
Si cette pièce est très forte et ne laisse pas indemne, elle nous livre cependant des messages d’espoir : l’art est une bouffée d’oxygène pour chacun d’entre nous, il faut se raconter pour survivre, et attendre (« ça va passer »). Le plus important n’est pas le résultat, mais le fait d’essayer. Une véritable ordonnance dans ce monde anxiogène : à prescrire à chacun d’entre nous !
Christèle. Photo Cie Louise-Marie Hubert.
Laisser un commentaire