L’Histoire avec un grand H … par la petite histoire !
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Ancien Carmel d’Avignon, 15h, 1h20. 3-21 juillet, jours impairs, relâche le 15 juillet. Rés. 08 05 69 08 75. A partir de 12 ans.
« Les événements d’Algérie » ou la « guerre sans nom » ont longtemps été un sujet explosif, jusqu’au terme utilisé : on a parlé de guerre d’Algérie seulement à partir de la loi de 1999. Gwenaël Ravaux décide de nous présenter cette page de l’histoire en montrant la complexité de cette guerre à travers le quotidien de 3 personnages : Liliane, Jean et Abdallah à Sidi Bel Abbès. Jean est un descendant de colons présents depuis 1870, et Abdallah un commis dont le fils, brillant, entre au collège grâce à l’insistance de Liliane, institutrice et femme de Jean.
Le tableau pose avec justesse les inégalités et injustices de la situation en Algérie dans les années 1950. Deux populations se côtoient, souvent de façon fataliste.
Nous traversons les émotions des personnages : entre leurs certitudes, leur peur de perdre « leur pays », leurs idées humanistes (« un jour on arrivera à vivre ensemble », « on peut changer les choses »), mais aussi les choix radicaux qui vont être les leurs au fur et à mesure que la violence se déchaîne tant sur le sol algérien qu’en métropole. Les personnages sont remarquablement incarnés avec humanité et sensibilité par Gwenäel Ravaux (Liliane et Pauline), Thierry Jahn (Abdellah et Slimane) et Stéphane Daurat (Jean).
Un seul décor, sobre mais intelligemment bien construit, de 3 scènes : la maison et l’école, entre lesquelles on trouve l’extérieur et le lien entre les deux, pendant les « événements » mais aussi en 2015 où les petits-enfants se retrouvent.
Si Jean et Abdallah ne semblent pouvoir s’entendre, Liliane vit sa passion amoureuse et essaie de croire en la réconciliation. Emportés et brûlés par ce conflit, on vit au rythme des doutes des personnages mais aussi de leur vulnérabilité et de leurs fragilités.
Envisager l’Histoire avec un grand H de façon intime au sein de deux familles laisse mieux entrevoir les déchirements mais aussi les incompréhensions face aux moments de l’histoire, images d’archives projetées au centre de la scène.
C’est l’histoire de l’affirmation de la liberté (pas seulement celle de l’Algérie, mais aussi celle de Liliane dans les années 50), l’histoire du choix (dans quel camp de se ranger ? faut-il prendre parti ?, qu’est-il indispensable d’emporter ?), celle de deux générations (hier et aujourd’hui) sur un sujet encore et toujours d’actualité brûlante.
Cette pièce cherche à libérer la parole : pour ne plus faire de cette guerre un sujet tabou, pour apaiser la colère, pour montrer les drames humains de l’exil (ces hommes et ces femmes emporteront comme souvenirs l’odeur des lauriers roses), pour souligner l’universalité de l’histoire. Pari réussi !
Christèle. Photo Gwenaël Ravaux
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