Sur YouTube. Création et concert captés à l’Église Saint-Roch à Paris
Matthieu Stefanelli, Les Fleurs du Paradis, Deuxième Quintette avec piano (création)
Louis Vierne, Quintette avec piano
Quatuor Girard : Grégoire Girard & Agathe Girard violons, Hugues Girard alto, Lucie Girard violoncelle. Sébastian Éné, piano
Avec la présence exceptionnelle de Michel Zink
Les dons de ce concert seront reversés à l’association Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris
Le 15 avril 2021 à partir de 19h a été diffusée sur YouTube la création mondiale des Fleurs de paradis, en hommage aux rosaces de Notre-Dame de Paris, miraculeusement épargnées par l’incendie du 15 avril 2019. Ce concert, qui aurait dû être donné ce jour-là à l’église Saint Roch, y aura été enregistré et filmé. Tous les dons recueillis seront reversés à l’association Musique Sacrée à Notre Dame de Paris.
Le Quatuor Girard est un ensemble issu d’une grande fratrie (9 enfants) d’origine avignonnaise, où la pratique musicale partagée relève de l’ADN familial. Le quatuor a hérité du Quatuor Ysaÿe qui l’a formé après le Conservatoire National, rigueur et sensibilité. Le quatuor initial était formé de Hugues (né en 1988) et Agathe (1991) aux violons I et II, Mayeul (1986) à l’alto, et Lucie (1983) au violoncelle. En 2013, Odon (1990) a remplacé Mayeul à l’alto. Et en 2020, le benjamin Grégoire (1997), créateur la même année du Festival Vallée du Rhône en musique, est devenu violon I, Hugues passant alors à l’alto.
Lauréat de prix prestigieux et soutenu par la Fondation Singer-Polignac, le quatuor est désormais bien connu, invité sur les scènes de France et de l’étranger, et sur les ondes. Concerts, actions pédagogiques, et créations – comme The Starry Sky en 2018 -, signent un parcours sans faute.
C’est une création aussi que leur offre le compositeur Matthieu Stefanelli , en hommage aux rosaces de Notre-Dame de Paris. L’œuvre retrace de manière figurative l’histoire de Notre Dame, précise le compositeur avant la diffusion, avec cloches, thèmes grégoriens, et les grandes orgues qui ont résonné depuis plus de 850 ans ; on entendra les oiseaux chanter dans la « forêt » et la flèche s’effondrer.
En effet. L’œuvre est saisissante, et les interprètes particulièrement inspirés.
Les trois premiers volets (« 1. Sur le parvis de Notre-Dame », « 2. La forêt séculaire », « 3. Les grandes orgues ») offrent une image musicale homogène et harmonieuse dans sa multiplicité, somptueuse dans l’épanouissement des orgues. C’est ensuite l’irruption de l’impensable, le début de la catastrophe (« 4. Etincelles ») : les coups d’archets sont courts, nerveux, angoissants, le piano staccato, et les dissonances accompagnent le brusque désordre du monde. L’acmè est atteinte (« 5. La flèche ») avec la chute, à la fois si déchirante et si lente, de la flèche, qui s’écrase dans un jaillissement de feu : dans la sidération – on croit revivre l’instant tragique d’il y a tout juste 2 ans -, le violoncelle pleure, le piano se tait, et les cordes, lentement, lentement, s’étirent jusqu’au silence. Après le choc, on partage la « désolation » (6), écartelée entre les aigus du piano et les basses des cordes ; et sur ce champ de ruines, une mélodie salvatrice commence à poindre, dans le chant des violons retrouvé. Alors s’ouvrent, rayonnantes, lumineuses, les fleurs du paradis (« 7. Rosaces ») : les instruments s’élèvent dans la fluidité agile du piano, dans la légèreté aérienne des violons ; l’alto est comme chargé de notre humanité pour offrir une rédemption à notre désarroi, dialoguant avec la chair sonore du violoncelle ; un solo de piano se résoudra en une harmonie ultime, comme une consécration spirituelle.
La 2nde partie de ce concert a été consacrée au Quintette de Louis Vierne (1870-1937), compositeur mort, dit-on, à la tribune de l’orgue de Notre-Dame, dont il avait été pendant 37 ans brillant titulaire ; il avait composé ce Quintette après avoir appris la mort de son fils de 17 ans dans les tranchées de la Grande Guerre. L’œuvre exprime tour à tour le déchirement du père, la douleur absolue, la révolte hurlante, et la recherche de l’impossible apaisement.
Le Quatuor Girard, et Sébastien Ené au piano, unis dans une totale complicité artistique, donnent dans ces deux œuvres une grande leçon : dépassant la simple interprétation, ils sont habités de la force expressive de l’une et l’autre, faisant monter vers les voûtes célestes comme une prière.
Le concert a été suivi d’une brève rencontre avec le père Luc Reydel, aumônier des artistes du spectacle, s’inscrivant dans la tradition de cette mission menée depuis un siècle à Saint-Victor.
Le Quatuor avait annoncé la présence de Michel Zink. Successeur du philosophe René Girard au 37e fauteuil de l’Académie française, Michel Zink est également président d’honneur de la toute jeune Société des amis de Joseph et René Girard. De son bureau, il a brossé les contours d’un écrin qu’il offrait ainsi au concert : avec une simplicité égale à son érudition, il a proposé quelques clefs d’écoute contextuelle, entre architecture, art, poésie… et conte philosophique.
On peut retrouver le beau moment de ces Fleurs de paradis sur YouTube.
G.ad.
Photos Benoît Girard et captures d’écran
Laisser un commentaire