Indispensable devoir de mémoire
Viktor Ullmann, L’Empereur d’Atlantis, Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence. Mercredi 5 janvier 2022
Johan Riphagen, direction musicale ; Bernard Grimonet, mise en scène et scénographie ; Sylvie Drujon d’Astros, coordination ; Orchestre MUSICAIX
Jeong-Hyun Han, L’empereur ; Paul Gaugler, Arlequin et Le Soldat ; Pierre Villa-Loumagne, La Mort ; Jean Vendassi, Le haut-parleur ; Muriel Tomao, Le tambour ; Pauline Courtin, La jeune fille
Première partie : Chorale Ellen Mandel. Deuxième partie : Discours de l’ARES. Troisième partie : L’Empereur d’Atlantis
Indispensable devoir de mémoire pour cet opéra composé en 1943 dans le camp de Terezin
Ce n’est pas seulement pour assister à L’Empereur d’Atlantis, opéra de Viktor Ullmann composé en 1943 dans le camp de concentration de Terezin, que nous sommes conviés ce soir au Grand Théâtre de Provence à Aix. Les discours préliminaires rappellent que le spectacle a été créé il y a trois ans au camp des Milles, un projet né dans la tête du directeur du Conservatoire de Musique de Pertuis en hommage à Ellen Mandel, déportée pendant la seconde guerre mondiale avec son petit frère de 3 ans. La jeune fille de 7 ans, dont le nom apparaît sur la plaque commémorative à Pertuis fut en effet élève de l’école primaire, devenue par la suite le conservatoire de Pertuis.
En forme de première partie, la chorale Ellen Mandel composée d’une quarantaine d’enfants interprète quatre morceaux accompagnés par un petit ensemble de cinq instruments à cordes, clarinette et percussions. La « Chanson pour Ellen » aux rythmes parfois joyeux contraste fortement avec l’officier allemand en habits qui rode en menaçant de sa trique. « L’hymne des Milles » sonne également plutôt guilleret – on reconnaît certaines mesures de la Marseillaise -, puis « La marche de Terezin » sollicite uniquement le violoncelle et la clarinette. « L’hymne européen » reprend, pour finir cette première partie, l’Ode à la joie de la 9ème symphonie de Beethoven.
Après un discours de la présidente de l’ARES (Association de la Recherche et l’Enseignement de la Shoah), c’est donc l’opéra de Viktor Ullmann qui est représenté, en version française.
Le bruit initial de sirène et, dans le même temps, le faisceau lumineux qui balaie la salle, mettent tout de suite dans l’ambiance, celle du camp de Terezin figuré par les décors de hauts murs de briques qui encadrent certaines photos projetées. Les 15 musiciens arrivent sur scène comme des déportés entrant dans le camp, leur prestation par la suite n’appelant que des éloges, sous la direction de Johan Riphagen. L’opéra de chambre convoque six solistes pour une intrigue à la fois originale et symbolique : la Mort, fatiguée, décide de cesser son travail et ne le reprendra qu’à condition que l’Empereur soit le premier à mourir. L’Empereur n’a pas d’autre choix que d’accepter, tandis que d’autres histoires se déroulent dans l’intervalle, la Fille et Arlequin qui tombent amoureux, ainsi que les interventions du Haut-Parleur et du Tambour.
Vocalement, le ténor Paul Gaugler impressionne par ses notes très aiguës et le baryton Jeong-Hyun Han fait entendre un timbre agréable dans la partie haute de son registre, mais la diction est malheureusement moins évidente. La mezzo Muriel Tomao et la soprano Pauline Courtin ne sont pas non plus toujours aisément compréhensibles, mais nous entendons là deux belles voix lyriques. Concernant les tessitures plus graves, le baryton-basse Jean Vendassi se montre plus sonore que son confrère basse Pierre Villa-Loumagne.
Après l’opéra proprement dit, tous les chanteurs et instrumentistes vont se placer en fond de plateau devant un écran devenu rouge. Une annonce, suivie de bruits de trains et d’aiguillages qui grincent, nous rappellent la sombre réalité de la déportation et des camps de concentration, à l’issue d’une soirée qui contribue à l’indispensable devoir de mémoire.
F.J. Photos I.F.
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