Naissance du violon en Italie au XVIIe siècle
Musique Baroque en Avignon. Mardi 19 octobre 2021, 20h30, durée 1h20, Avignon – Conservatoire du Grand Avignon – Amphithéâtre Mozart
Dans le cadre de la 5e Semaine Italienne d’Avignon, en co-réalisation avec Musique Sacrée et Orgue en Avignon, Petit-Palais Diffusion et l’Opéra Grand Avignon
En hommage à Jean-Claude Malgoire, Président de Musique Baroque en Avignon, alors appelé Festival de Musique ancienne Avignon-Vaucluse (1988-1998)
Florence Malgoire, violon. Cécile Vérolles, violoncelle. Jean-Marc Aymes, clavecin.
Dario Castello, Sonata seconda per « Soprano », violon et basse continue. Girolamo Frescobaldi, Canzone pour basse solo, viole de gambe. Giovani Antonio Pandolfi Maelli, « La Clémente », violon et continuo. Nicola Matteis, « Passaggio Rotto in Fantasia », violon seul. Bernardo Storace, « Ciaccona », clavecin solo. Antonia Bertali, Chaconne pour violon et continuo
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« Naissance d’un (instrument) virtuose », tel est le titre donné par Florence Malgoire et Jean-Marc Aymes à ce concert, nous promettant ainsi une belle ouverture de saison baroque, avec un hommage à Jean-Claude Malgoire par le violon de sa fille.
Pour cette « renaissance » musicale après les longs mois de silence forcé, le programme saluait l’émergence du violon, au XVIIe siècle en Italie, comme instrument virtuose, instrument concertant voire soliste, alors qu’il n’était jusque-là qu’un accompagnement de la danse ou une imitation de la voix. La Bella Italia, 5e Semaine italienne d’Avignon dans laquelle prenait place ce concert, avait inspiré ce joli programme, original et délicat.
Dans le cadre chaleureux de l’amphithéâtre Mozart du Conservatoire à Rayonnement Régional du Grand Avignon, la soirée, à travers les meilleurs compositeurs dont Frescobaldi, a donc été dédié à Jean-Claude Malgoire (1940-2018, @Philippe Huguen 2017), avignonnais, hautboïste, chef d’orchestre, un des acteurs de la redécouverte du baroque en France, et président (1988-1998) du Festival de Musique ancienne Avignon-Vaucluse, devenu depuis lors Musique Baroque en Avignon ; nous l’avions d’ailleurs rencontré en 2006 lors de sa dernière direction symphonique dans sa ville natale. C’est peu dire que le capital de sympathie du père rejaillit sur la fille. On pourra la réentendre sous peu dans les Nuits musicales de Mazan (24-31 octobre 2021).
Jean-Marc Aymes, qui partage la scène avec la violoniste, est lui aussi très favorablement connu dans la région. Son enthousiasme communicatif, sa présence visible dans le paysage culturel – par son ensemble Concerto Soave et son festival Mars en Baroque, tout autant que par ses concerts solo ou chambristes -, et son talent au clavecin et à l’orgue, le placent dans les acteurs majeurs de l’univers musical de la région Sud-Paca. Parmi sa soixantaine d’enregistrements, il a été le premier à enregistrer l’intégralité de la musique pour clavier publiée de Frescobaldi (Ligia Digital), saluée par la critique.
Quant à Cécile Vérolles la violoncelliste, elle a notamment participé comme stagiaire en 2008 aux Indes Galantes des Arts Florissants sous la direction de William Christie ; son instrument résonne avec une grâce particulière.
Une alternance de trios, duos, solos, a pu à peine esquisser la richesse d’un tel répertoire, et la petite heure du concert (une heure et quart annoncée par les artistes) n’a pas permis d’en épuiser la substantifique moelle. Deux bis ont répondu aux rappels d’un public ravi, qui a déjà prévu le prochain rendez-vous de MBeA le 14 novembre.
Prochains concerts de Musique Baroque en Avignon : Ensemble Sébastien de Brossard (14 novembre), Renaud Capuçon et David Fray (7 décembre), les Petits chanteurs de St-Joseph (19 décembre), Emmanuelle Bertrand (29 et 30 janvier), les Nouveaux Caractères (13 mars), Jean Rondeau (20 avril), Jordi Savall (28 juin). Réservations auprès de l’Opéra Grand Avignon, 04 90 14 26 40, ou operagrandavignon.fr.
G.ad. Photos concert G.ad.
Naissance d’un virtuose, par Florence Malgoire et Jean-Marc Aymes
À travers ce programme, nous vous proposons un voyage en Italie de la fin du XVIe à la fin du XVIIe siècle, de Vérone, Ferrare, Venise, Montepulciano, Naples et Messine jusqu’à Vienne et Londres (où émigrèrent nombre de violonistes italiens), à la rencontre de grandes figures musicales, violonistes, organistes, clavecinistes et compositeurs.
Les Amati de Crémone, Andrea (avant 1511-1577) et ses fils Antonio (c.1540-1607) et Girolamo (c.1561-1630), maîtres luthiers, puis leurs héritiers, Andrea Guarneri, Antonio Stradivari, dit « Stradivarius », Dom Niccolò Amati ont perfectionné et créé la forme parfaite et définitive du violon ainsi que celle de l’alto, du violoncelle et de la contrebasse.
Les musiciens compositeurs de toute l’Europe vont alors exploiter toutes les innombrables possibilités de cet instrument, devenu « Le Roy » de l’inspiration créatrice et virtuose.
Les traités d’apprentissage technique vont aussi foisonner dans toute l’Europe.
La facture du violon est à son apogée, tandis que celle des archets va sans cesse se modifier pour faire « parler » et « chanter » les nouveaux styles et articulations au cours du XVIIe siècle, jusqu’à aujourd’hui.
Les premiers traités concernaient aussi bien le violon que le chant, mais si le nouvel idéal du violon était d’imiter la voix, sa fonction sociale était surtout de faire danser, aussi bien dans les rues que dans toutes les cours d’Europe. Cette tradition va perdurer jusqu’au milieu du XVIIIe siècle avec la corporation des « ménestriers », maîtres à danser, tous pratiquant le violon. Tout en jouant la mélodie avec sa pochette (petit violon pouvant se glisser dans le costume), le maître à danser enseignait les pas de gavotte, menuet, bourrée, sarabande, allemande, chaconne, passe-pieds, courantes… L’enseigne des écoles de danse était d’ailleurs un violon (cette fameuse « pochette ») : au XVIIIe siècle, on pouvait en compter plus de deux cents rien qu’à Paris.
Dans le même temps, le violon, par sa richesse d’exploitation, va asseoir sa fonction de concertiste, d’instrument soliste, à travers un vaste répertoire de sonates avec continuo, en solo, duo (forme idéale de la « sonate en trio » en Italie dès le XVIIe siècle), et jusqu’au quatuor : le quatuor à cordes va d’ailleurs constituer l’une des bases des œuvres orchestrales.
Durant ce concert, vous pourrez découvrir quelques-uns des compositeurs qui ont le plus brillamment illustré ce répertoire violonistique. Dario Castello (début du XVIIe), bien que joueur d’instruments à vent à la Basilique Saint-Marc de Venise du temps de Monteverdi, a publié deux importants recueils de musique instrumentale qui peut se jouer au violon. Ils contiennent entre autres des sonates « solo » pour cet instrument (même si, selon la tradition de l’époque, il n’est pas nommément désigné), qui sont parmi les premières. Dramatiques et contrastées, elles illustrent parfaitement la splendeur du style vénitien de l’époque.
Giovanini Batista Fontana (1589-1630), quant à lui, était bien violoniste virtuose. Né à Brescia, il travailla successivement à Venise, Rome et Padoue. Son recueil de Sonates (Venise-1641) désigne bien le violon comme instrument principal.
Nicola Matteis (? – après 1713), violoniste, guitariste et compositeur napolitain ayant émigré à Londres, fut l’un des premiers à écrire pour le violon seul en polyphonie, précurseur des sonates et partitas de Johann Sebastian Bach. Matteis fut un interprète magnifique : un texte de John Evelyn (1674) nous confie que Matteis faisait « parler son violon comme une voix humaine ».
Le violoniste Giovanni Antonio Pandolfi Mealli (fin XVIIe), originaire de Montepulciano, quitta sa ville après l’assassinat à coup d’épée de Giovanni Marquett, chanteur castrat. Il est mentionné dans les archives de l’archiduc Charles-Ferdinand de Habsbourg comme étant employé de la cour en 1660. Il mourra pourtant à Madrid.
Enfin, Antonio Bertali (1605-1669), violoniste virtuose de Vérone, émigra lui aussi en Autriche. Après s’être fait une solide réputation de compositeur, il devint Kapellmeister de la Cour impériale à Vienne, en 1649. Il y établira la tradition de l’opéra et de l’oratorio italiens de façon durable.
Si le violon est évidemment la « Prima Donna » de ce programme, nous avons tout de même choisi d’insérer une pièce de clavecin solo, la brillante et virtuose Ciaccona, de Bernardo Storace (1637 ? – 1707 ?), claveciniste et organiste de la Chapelle de Messine, ainsi qu’une Canzon per basso solo de Girolamo Frescobaldi (1583-1643), le plus grand claveciniste et organiste italien du XVIIe siècle.
Florence Malgoire / Jean-Marc Aymes
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