Sans étincelle…
Le Nozze di Figaro. Opéra Confluence Grand Avignon. Dimanche 21 octobre. Durée : 3h30, entracte 20 minutes inclus. www.operagrandavignon.fr
Opéra-bouffe en quatre actes de Wolfgang Amadeus Mozart. Livret de Lorenzo da Ponte, d’après la comédie de Beaumarchais, La Folle journée ou Le Mariage de Figaro
Direction musicale et piano forte, Carlos Aragon. Mise en scène et décors, Stephan Grögler. Assistante à la mise en scène, Bénédicte Debilly. Costumes, Véronique Seymat. Création lumières, Gaëtan Seurre
Contessa Almaviva, Maria Miro. Suzanna, Norma Nahoun. Cherubino, Albane Carrère. Marcellina, Jeanne-Marie Lévy. Barbarina, Sara Gouzy
Conte Almaviva, David Lagares. Figaro, Yoann Dubruque. Dottore Bartolo / Antonio, Yuri Kissin. Don Basilio / Don Curzio, Eric Vignau. Le contadine, Runpu Wang, Ségolène Bolard
Orchestre Régional Avignon-Provence. Chœur de l’Opéra Grand Avignon
Nées en 1786 des talents conjoints de Mozart et Da Ponte – qui produiront ensuite Don Giovanni (1787) et Cosi fan tutte (1790) -, à partir du Mariage de Figaro de Beaumarchais (1784), Le Nozze di Figaro portent dès leur création le sceau du scandale. Le droit de cuissage du seigneur vis-à-vis de son accorte soubrette, passe encore ; mais qu’un valet, le fiancé de la donzelle, se permette de défier le maître, voilà qui est carrément subversif, à la veille de la Révolution !
Pour croquer ce monde en déliquescence, à l’occasion de sa troisième mise en scène des Noces, Stephan Grögler, en ouverture de la 2e saison lyrique à l’opéra Confluence hors-les-murs – structure provisoire -, imagine un grand déménagement, qui autorise bien des fantaisies, quiproquos, déguisements et autres « jeux de l’amour et du hasard », mais n’échappe pas à un désordre inintelligible, avec des costumes dépareillés et autres incohérences, pourtant baignés de belles lumières.
Peut-être aurait-on pu faire l’économie – pour des raisons diverses – des demoiselles en petite tenue pourchassées par des domestiques en rut, de la scène équivoque du bain (fictif, mais tout de même, une éponge qui s’alanguit complaisamment…) donné par la comtesse au jeune Chérubin, des chutes de Suzanne brutalement bousculée par Figaro (on se demande pourquoi)…
Néanmoins, le plateau, majoritairement jeune, a mené le tempo avec une belle allégresse, malmenant parfois celui, plus modéré et inégal, de Carlos Aragon à la baguette et au pianoforte (j’eusse préféré le clavecin…) devant l’Orchestre Régional Avignon-Provence homogène et souple.
Les comprimari se révèlent tels qu’on les attend, monolithiques et crédibles : la pétulante Jeanne-Marie Lévy – qu’on reverra dans Orphée aux Enfers pour les fêtes de fin d’année -, en Marcelline excentrique au cœur tendre ; Yuri Kissin en Bartolo/Antonio, et Eric Vignau en Basilio/Curzio, qui méritent peut-être mieux que des rôles épisodiques ; la toute jeune (27 ans) Sara Gouzy (Barbarina) – récente sœur Constance dans Les Dialogues des Carmélites -, en entrée tardive sait prendre sa place au milieu de comparses déjà bien installés dans leurs voix et dans leurs rôles.
Les deux couples de premier plan ont une honorable consistance et savent interpréter des personnages confondants de duplicité… et parfois de charme. Norma Nahoun est une Susanna espiègle, dont la voix se cale et s’arrondit au fil des scènes. David Lagares (le comte Almaviva), dominant tout le plateau d’une taille qui devrait lui assurer une prestance aristocratique, promène sa fausse naïveté et son vrai cynisme, avec la même maladresse qu’on pourrait croire affectée.
Le jeune Yoann Dubruque, en début de carrière et prise de rôle (il vient d’incarner tout de même Don Giovanni à Bruxelles), se révèle prometteur ; s’il n’a pas (encore ?) la puissance et (toujours ?) la projection suffisantes, sa palette vocale peut flirter avec des aigus chaleureux ténorisants et quelques petites basses colorées (à conforter), avec des médiums assurés. Sa mobilité scénique en fait un Figaro idoine. Les aigus de Maria Miro (la comtesse Almaviva) en revanche sont poussés jusqu’à saturation et l’engagement vocal se révèle globalement trop généreux.
Quant à la mezzo-soprano Albane Carrère, nous l’avions vue charmante dans Carmen (Mercedes) et bluffante dans Senza sangue (la Donna) de Peter Eötvos. Voix très légère certes, elle compose ici un Chérubin mi-effronté mi-candide, troublant de sensualité contenue, une interprète en tous points précise et juste dans toute l’ambiguïté du personnage. Mais fallait-il vraiment que Chérubin s’allongeât goulûment sur la comtesse pour lui dévorer les seins ?…
Par ailleurs, un rôle de composition pour les chœurs, évidemment peu sollicités (Mozart n’est pas Verdi) : ils jouent – très bien au demeurant – les déménageurs… muets !
Au final, Le Nozze, une ouverture de saison lyrique brouillonne, inégale, et finalement un peu plate…. (G.ad. Photos Cédric Delestrade/ACM-Studios).