Autour de Sabine Devieilhe, une longue ovation méritée
Lakmé (1883), Opéra Grand Avignon (20 & 22-3-2016). Opéra-comique en trois actes. Livret d’Edmond Gondinet et Philippe Gilles. Musique de Léo Delibes (1836-1891) (Editions musicales Leduc). Création à l’Opéra-Comique de Paris le 4 avril 1883. Nouvelle co-production de l’Opéra-Comique et de l’Opéra de Lausanne
Direction musicale, Laurent CAMPELLONE. Direction des chœurs, Aurore MARCHAND. Etudes musicales, Hélène BLANIC. Mise en scène, Lilo BAUR. Assistant à la mise en scène, Katia FLOUEST-SELL. Chorégraphie, Olia LYDAKI. Décors, Caroline GINET. Costumes, Hanna SJÖDIN. Lumières, Gilles GENTNER
Lakmé , Sabine DEVIEILHE. Malika, Julie BOULIANNE. Mistress Benson, Julie PASTURAUD. Miss Ellen, Ludivine GOMBERT. Miss Rose, Chloé BRIOT
Gérald, Florian LACONI. Nilakanta, Nicolas CAVALLIER. Frédéric, Christophe GAY. Haij, Loïc FÉLIX. Un marchand chinois, Patrice LAULAN. Un Domben, Cyril HÉRITIER. Un Kouravar, Xavier SEINCE
ORCHESTRE REGIONAL AVIGNON-PROVENCE. Direction, Philippe Grison.
CHŒUR ET CHŒUR SUPPLÉMENTAIRE DE L’OPERA GRAND AVIGNON. Direction, Aurore Marchand.
BALLET DE L’OPERA GRAND AVIGNON. Direction, Eric Belaud
Les décors ont été fabriqués dans les Ateliers de l’Opéra de Lausanne, les costumes dans les ateliers de couture de l’Opéra-Comique, et les chaussures sont fournies par la Maison Calzature Epoca (Milan)
Une longue ovation, à la fin de l’air fameux des clochettes, pour une Sabine Devieilhe sublime, et une longue ovation pour l’ensemble de la production à la fin de la représentation, résument cette Lakmé si rarement donnée, acclamée par une salle pleine. Sous la baguette de Laurent Campellone – notre entretien -, l’orchestre, renforcé, a décliné une interprétation souple et fluide. Les chœurs, doublés eux aussi, ont su dessiner avec le même talent les subtilités de l’Inde mystérieuse que les chaudes couleurs du marché.
Il est peu de dire que les trois vedettes dominent la distribution : la ligne de chant de Sabine Devieilhe, exceptionnelle, toute en finesse et en frémissements, d’une clarté presque irréelle, apporte tous les effluves de l’Inde envoûtante : le velouté des grands mimosas, le mystère du lotus bleu, la clarté de l’aube, la pureté du jasmin. A Florian Laconi le rôle de Gérald, vocalement très exigeant – des aigus devant lesquels beaucoup de ténors capitulent -, impose des virtuosités et une puissance rayonnante dont sa souplesse se joue à plaisir. Et si d’aucuns lui préfèrent la finesse d’un Cyrille Dubois, récent Gérald dans la même production à St-Etienne, nous nous réjouissons quant à nous que chaque interprète habille le rôle de couleurs différentes, pour autant du moins qu’il s’inscrive dans la fidélité au personnage et à l’esprit de l’œuvre… et qu’il distille un vrai plaisir au public.
Nicolas Cavallier, lui, sombre Nilakantha, s’offre quelques airs somptueux de terrible intransigeance mais module avec une poésie bouleversante le paternel « Je veux retrouver ton sourire/ Et dans tes yeux je veux revoir le ciel ». On pense inévitablement à l’ « inaccessible étoile » de L’Homme de la Mancha avec laquelle il avait fait chavirer la même salle en novembre dernier…
Autour des trois figures centrales, le plateau brille de chanteurs d’aussi belle classe : Ludivine Gombert en Miss Helen fiancée émerveillée de Gérald, Christophe Gay en Frédéric ami de Gérald, Chloé Briot en délicieuse Miss Rose, Loïc Félix en Hadji serviteur fidèle, et Julie Boulianne en délicate partenaire – Malika – pour un Duo des fleurs suave.
Quant à la grâce d’Anne-Sophie, Aurélie et Béryl, du Ballet de l’Opéra, elle ajoute à l’exotisme de cette Inde plus rêvée que réelle. Anne-Sophie Boutant et Béryl de Saint-Sauveur faisaient ainsi leur retour sur les pointes après une « pause carnet rose ». On se réjouit que le ballet, souvent absent bien qu’inscrit par Delibes lui-même dans sa Lakmé, ait écrit ici une page délicate de la partition ; la qualité du Ballet-maison d’Eric Belaud trouve sa place « naturelle » dans les productions lyriques, créées ou invitées.
Nous n’aurons pas le même enthousiasme envers la mise en scène de Lilo Baur, quelle que soit son inventivité malicieuse. Si le temple érigé en boîtes de métal (II) avait le mérite de l’originalité, et si les longues branches sylvestres (III) dessinaient une remarquable cachette, troublante et aérienne, en revanche le tumulus terreux de l’acte I ne nous a pas convaincue du tout. Florian Laconi devait guetter l’instant précis où il pouvait aborder la descente sans perdre la note… et l’équilibre ! Sabine Devieilhe descendait l’escarpement avec des grâces de funambule qui faisaient sans doute trembler les premiers rangs. Ludivine Gombert choisissait la descente… à l’envers ! Et si chacun a totalement intégré la difficulté de se transformer en dahut tout en gardant sa prestance et sa ligne de chant – bravo !- , nous n’évoquons jamais sans frémir la chute de Nathalie Manfrino in loco il y a quelques années – elle s’était entaillé la main en brisant son verre -, dans une production de Cosi fan tutte sur un plan incliné qui avait sacrifié le confort des artistes à leur visibilité.
Mais cette Lakmé est une rareté à ne pas manquer !
(répétition, photo Cédric Delestrade, ACM-Studios)
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G.ad.