L’excellence y est partout
La Scala Provence, salle 600, Avignon, mardi 17 janvier 2023
La Machine de Turing, Benoît Solès. Mise en scène, Tristan Petitgirard. Décors, Olivier Prost. Lumières, Denis Schlepp. Musique, Romain Trouillet. Vidéo, Mathias Delfau. Costumes, Virginie H
Avec Benoît Solès et Amaury de Crayencour
4 Molières 2019 :
- Molière du Théâtre privé : Théâtre Michel à Paris
- Molière du Comédien dans un spectacle de Théâtre Privé : Benoit Solès
- Molière de l’Auteur francophone vivant : Benoit Solès
- Molière du Metteur en scène d’un spectacle de Théâtre privé : Tristan Petitgirard
(Dossier de presse)
Manchester. Hiver 1952.
Suite au cambriolage de son domicile, le professeur Turing porte plainte au commissariat. D’allure peu conventionnelle, il n’est d’abord pas pris au sérieux par le sergent Ross. Mais sa présence n’échappe pas aux Services Secrets. Et pour cause, Alan Turing est un homme détenant de nombreux secrets… De son incroyable acharnement pour briser l’« Enigma », à sa course irrépressible pour comprendre le « code » de la nature, nous découvrons un homme atypique et attachant, inventeur d’une « machine pensante », véritable genèse de l’intelligence artificielle et des ordinateurs… Marqué à jamais par la mort de son ami d’enfance, Christopher, Alan Turing sera finalement condamné pour homosexualité et mettra fin à ses jours, tel Blanche-Neige, en croquant dans une pomme empoisonnée… Voici le destin hors du commun d’un génie injustement resté dans l’ombre et broyé par la « machine » bien-pensante de l’Angleterre des années 50.
Un homme qui a changé le monde !
Voir aussi : Janvier 2023 à la Scala
Il est des pièces qu’on ne peut pas ne pas avoir vues, et La Machine de Turing est de celles-là. Elle a largement contribué à la diffusion de cette histoire extraordinaire du déchiffrage du code Enigma au siècle dernier, et elle est servie par une distribution hors pair. Tout y est parfait, du moindre détail de décor à la plus fine inflexion de voix, de la précision chirurgicale des dialogues à la rigueur de la narration.
600 spectateurs quotidiens l’ont vue lors du Festival 2021 à la Scala qui ouvrait alors, précédés de tous les festivaliers au théâtre Actuel en 2019 et 2020.
Une des plumes de Classiqueenprovence.fr a également interviewé Benoît Solès sur sa création 2021, la Maison du Loup avant de chroniquer cette pièce.
Nous avions vu nous-même La Machine de Turing au Festival Off d’Avignon, au théâtre Actuel à guichets fermés, en 2019, la pièce aux 4 Molières déjà « in-con-tour-na-ble », pour utiliser un terme qui ne l’est pas moins !… C’est la même admirative sidération qui me saisit cette fois encore, et la même difficulté à exprimer la quasi-perfection. Impossible de trouver dans cette pièce la plus petite faiblesse, tant l’excellence est partout.
On est bluffé par la performance d’acteur. Benoît Solès, également l’auteur – qui n’avait jamais imaginé le phénomène que deviendrait sa pièce -, décline toutes les facettes de son personnage atypique et insaisissable, tout en finesse, précision, sensibilité. Il habite aussi bien le scientifique génial, que l’amoureux hésitant, et surtout l’homme totalement inadapté, dérangeant, puéril parfois ; en 2018, date de la création, Sara Mortensen n’avait pas encore composé magistralement un personnage de jeune autiste qui allait bouleverser la France entière, mais Benoît Solès, aujourd’hui encore, se révèle exceptionnel dans ce rôle.
Amaury de Crayencour, bien connu du petit écran, ne le cède en rien, dans le triple personnage de faire-valoir – représentant de l’autorité, de l’amitié, de la police, forces aussi inquiétantes que rassurantes – face à un partenaire d’une telle valeur.
C’est aussi, sans jeu de mots, l’énigme policière qui m’avait passionnée il y a 4 ans ! Les enjeux historiques, on le sait, étaient majeurs, et l’on frémit à l’idée que même le cerveau exceptionnel de Turing pourrait ne pas craquer le code secret d’Enigma, la machine ennemie, dans un suspense parfaitement ménagé, sur le tableau lumineux où défilent en accéléré les équations et les minutes…
Mais aujourd’hui, à l’heure où divers pays du monde réduisent drastiquement les droits des homosexuels, c’est peut-être cet aspect de l’œuvre qui résonne avec le plus de profondeur et de douloureuse acuité. Au XIXe siècle encore, Turing serait broyé par les sociétés « modernes », comme il l’avait été par l’Angleterre de l’après Seconde Guerre mondiale.
C’est l’humour, suprême élégance omniprésente, dont la délicatesse sauve la pièce de la désespérance et lui confère cette définitive beauté. La Machine de Turing se jouera au Festival Off 2023, à la Scala, à 12h30 (horaire à vérifier).
G.ad. Photos Fabienne Rappeneau (1), Jules Greg (2)
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