Une Flûte enchanteresse
La Flûte enchantée, opéra en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart. Création à Vienne le 30 septembre 1791.
Vendredi 27 décembre 2019, 20h30 ; dimanche 29 décembre, 14h30 ; mardi 31 décembre, 20h30. Opéra Confluence, Avignon
Direction musicale, Hervé Niquet (notre entretien ici). Continuo, Elisabeth Geiger. Mise en scène, scénographie et lumières, Cécile Roussat et Julien Lubek. Costumes, Sylvie Skinazi. Assistante décor, Élodie Monet
Pamina, Florie Valiquette. La Reine de la Nuit, Chantal Santon-Jeffery. Papagena, Pauline Feracci. Première Dame, Suzanne Jerosme. Deuxième Dame, Marie Gautrot. Troisième Dame, Mélodie Ruvio
Tamino, Mathias Vidal. Papageno, Marc Scoffoni. Sarastro, Tomislav Lavoie. Monostatos, Olivier Trommenschlager. L’Orateur, Matthieu Lécroart. Premier Prêtre, Homme en armure, Matthieu Chapuis. Deuxième Prêtre, Homme en armure, Jean-Christophe Lanièce
Trois enfants Tanina Laoues, Emma De La Selle, Garance Laporte Duriez
(Chef de chant Vincent Recolin)
Acrobates Mathieu Hibon, Antoine Helou, Alex Sander Da Neves Dos Santo, Sayaka Kasuya
Choeur de l’Opéra Grand Avignon
Orchestre Régional Avignon-Provence
Production Opéra Royal de Wallonie – Liège. En coréalisation avec l’Opéra Royal de Versailles
Durée du spectacle 3h (entracte compris)
Une « Flûte enchantée » pour les fêtes de fin d’année, dans une mise en scène originale de Cécile Roussat et Julien Lubek – poésie, magie, acrobaties… – créée avec succès à l’Opéra Royal de Wallonie en 2010, et reprise in loco en 2016. Une nouvelle distribution de même talent, sous la direction musicale d’Hervé Niquet (notre entretien ici). Un magnifique spectacle de qualité, un vrai cadeau de Noël.
Une flûte enchanteresse : le jeu de mots est facile, mais peut-on y échapper ?
L’Opera Grand Avignon a offert, de ce grand classique du répertoire mozartien, une version tonique et festive ; chantée en français, interprétée par des artistes au talent confirmé, avec danseurs et acrobates, elle s’adressait aux mélomanes comme au plus large public et a ravi tous les âges. Une co-production intelligente et alerte pour terminer l’année en beauté, créée par l’Opéra Royal de Wallonie (et de Versailles, étape dans la foulée d’Avignon) en 2010, et reprise ibidem en 2016.
De fait, avec son dernier opéra, Mozart pose bien des problèmes aux metteurs en scène.
Opéra maçonnique, conte initiatique, ou divertissement ? Solennité ou légèreté, gravité ou humour ? En allemand ou en langue vernaculaire ? Les choix de Cécile Roussat et Julien Lubek, dans un univers à la Lewis Caroll, donnent une cohérence à cette œuvre complexe, qui, dans l’Opéra Confluence à guichets fermés, s’est taillé dès la première représentation un joli succès.
Sans gommer l’aspect idéologique, aux multiples clins d’œil – dont le volet à la mode maçonnique « fraternité » de la programmation de l’Opéra Grand Avignon -, ils ont créé un spectacle très visuel, inventif, souvent onirique, dans lequel l’imagination ne demande qu’à se laisser porter. Grâce à un plateau d’artistes français, le texte, parlé ou chanté, est immédiatement intelligible, et les parties chantées répondent aux attentes. Les deux jeunes couples, notamment, l’un primesautier et fantaisiste (Pauline Feracci/Papagena et Marc Scoffoni/Papageno), l’autre plus solennel et aussi « habité » (Pamina/Florie Valiquette et Tamino/Mathias Vidal, excellent de présence vocale et scénique – que nous avions rencontré en 2019 lors d’un concert baroque -), les trois Dames et les trois Enfants, complémentaires et talentueux, ainsi que les circassiens et les multiples trouvailles dramaturgiques, font de cette production, qui va poursuivre sa tournée – à Versailles dans quelques jours -, un spectacle réussi. Hervé Niquet imprime à l’orchestre et aux chœurs un tempo énergique, dans lequel chacun trouve sa place.
Un spectacle très réussi, globalement jubilatoire, n’était la Reine de la nuit…
Chantal Santon-Jeffery – remarquable artiste dans d’autres répertoires, baroque notamment – interprétait la Reine de la Nuit lors de la première représentation, le vendredi soir, sans grande conviction car déstabilisée par son incapacité flagrante à attraper les aigus, les notes piquées, le contre-fa… Pour les deux représentations suivantes, elle a été remplacée – bien tardivement – par Lisa Mostin ; soprano colorature belge, spécialiste du rôle – en allemand -, celle-ci venait d’interpréter les deux fameux airs virtuoses pour Opera Zuid de Maastricht (8 novembre-8 décembre) et elle les reprendra au printemps à l’Opéra de Santiago du Chili (16-23 avril)… tout en faisant ses débuts au cinéma.
G.ad.
Synopsis
En Égypte, à une époque légendaire.
Acte I. Les trois Dames de la Reine de la nuit envoient le prince Tamino délivrer Pamina, fille de la Reine, enlevée par le prêtre Sarastro et gardée par le pernicieux Monostatos. Pour l’aider dans sa mission, il est doté d’une flûte enchantée et accompagné par l’oiseleur Papageno auquel est confié un jeu de clochettes magiques.
Acte II. Parvenu au temple de Sarastro, Tamino apprend que la Reine est maléfique. Il est dès lors initié à la sagesse par Sarastro, tandis que Papageno, rêvant d’une compagne, jure fidélité à une vieille femme qui se transforme aussitôt en une belle jeune fille, Papagena. Mais Pamina, ayant reçu de sa mère l’ordre de tuer Sarastro, est au désespoir. Elle retrouve Tamino pour traverser les dernières épreuves. C’est alors que la Reine, ses Dames et Monostatos tentent de pénétrer dans le palais de Sarastro quand le tonnerre les fait disparaître. Sarastro accueille alors solennellement Tamino et Pamina victorieux.
Note d’intention
Plus encore qu’un opéra maçonnique, La Flûte Enchantée est pour nous une parabole du cheminement de l’enfant vers l’âge adulte. C’est à notre sens l’explication du succès immédiat, universel et durable de cette œuvre.
Certes, Mozart et Schikaneder ont bâti le livret et la musique spécifiquement autour des symboles francs-maçons : la trinité, l’opposition de l’ombre et du soleil, les épreuves initiatiques, ou encore l’omniprésence des 4 éléments. Sur le fond, la philosophie des Lumières portée par les maçons en cette fin de XVIIIème siècle révolutionnaire transparaît incontestablement : Sarastro et ses prêtres, modèles et tuteurs du futur souverain Tamino, s’apparentent pour beaucoup aux despotes éclairés et leurs Cours. Le rôle dévolu aux femmes dans la société idéale qui se dessine à travers le livret est également très novateur : bien que certaines répliques de Sarastro puissent paraître misogynes à nos oreilles d’aujourd’hui, l’initiation de Pamina aux côtés de Tamino à la fin de l’ouvrage témoigne d’une certaine audace politique et philosophique de la part de ses concepteurs.
Pour autant, c’est par le biais du conte de fée que nous abordons La Flûte Enchantée, car cette lecture révèle selon nous le message le plus universel – c’est d’ailleurs un conte de Wieland qui inspira Schikaneder pour la rédaction du livret. De la même façon que les contes traditionnels populaires s’adressent aux enfants avec une fausse naïveté, cette œuvre a recours à des images féeriques et des effets magiques pour mieux parler de la découverte de soi. Pour Tamino, le passage du monde des apparences à celui de la Raison et de la Sagesse correspond à l’abandon des illusions de l’enfance ; de même, Papageno apprend (plus ou moins !) à tempérer son besoin de satiété immédiate. Pamina quant à elle renonce à son attachement fusionnel à une mère omnipotente… Ces parcours initiatiques consistent finalement pour chacun à grandir, et sans dévier de sa voie, trouver sa liberté d’homme ou de femme, entre contraintes et responsabilités.
Plus d’un siècle avant les découvertes de la psychanalyse, l’initiation de ces 3 jeunes gens est chargée de symboles évoquant fortement les conflits de l’inconscient. Mais le génie de Mozart et de son librettiste transfigure cette quête de l’âge adulte en la distillant à travers l’imagerie féerique et surnaturelle des personnages et de leur chant.
Pour finir, n’oublions pas l’essentiel : Mozart et Schikaneder n’ont écrit ni un traité de philosophie politique, ni un manuel de vulgarisation en psychologie. La Flûte Enchantée est une œuvre théâtrale, sensible et touchante, qui nous fait passer du rire aux larmes. Qui d’un côté glorifie l’élévation de l’âme dans ce qu’elle a de plus mystique et divine, et de l’autre révèle avec justesse les défauts les plus attendrissants du caractère humain. Qui entremêle avec évidence la musique populaire la plus simple et les vocalises les plus folles. Qui puise et en Tamino et en Papageno pour trouver l’équilibre entre beauté et humour, sagesse et sincérité, toujours sous le signe de l’amour… pour un vrai moment d’enchantement.(Julien Lubek et Cécile Roussat, mise en scène)
Isabelle Montmaneix dit
Quelle agréable surprise ce soir !
Quel enchantement que cette retransmission à la télévision de cet opéra de Mozart, en français, la Flûte enchantée dirigée par Hervé Niquet !
les coupures “acrobatiques” permettent que cet opéra ne dure qu’une heure et demie… La réconciliation finale est un peu escamotée, cependant les saluts des artistes qui rayonnent d’avoir réussi cette gageure prolonge la joie de chacun orchestrée par les applaudissements prolongés bien mérités! (existe-t-il un DVD acquérable avant les fêtes ? )
Bravo et merci à la chaîne 5 !
Plus d’opéras, de concerts, de pièces classiques de théâtre pour les jeunes en ces temps de confinement et pendant les vacances de Noël et de février communes aux trois zones, comblerait agréablement et durablement des lacunes abyssales !
Un voeu réalisable n’est-ce pas ? !
Classiqueenprovence dit
Merci, Isabelle, pour votre enthousiasme roboratif et votre commentaire. Pas de DVD à ma connaissance. Mais beaucoup de possibilités existent en DVD pour cadeaux de Noël : avez-vous pensé au Royal Opera House (pour tous publics, je vous recommande “Alice au pays des merveilles” et/ou “Don Quichotte”, deux créations chorégraphiques jubilatoires. Sans compter tous les grands classiques… Et en ce moment beaucoup de propositions de spectacles – créations ou reprises – sur le Net, dont le Festival “L’Amour de loin” : nous préparons un article de présentation, qui sera en ligne sur notre site sous très peu de temps. Continuons à partager notre passion.
Amicalement, Geneviève, responsable de la rédaction.