A Toulon, une réjouissante Belle Hélène d’Offenbach !
Toulon, Théâtre Le Liberté, mardi 13 mai 2025
La Belle Hélène, opéra bouffe de Jacques Offenbach
Direction musicale, Romain Dumas ; Mise en scène, Alice Masson et Quentin Gibelin ; Chorégraphie, Alice Masson ; Décors, Anne-Sophie Grac ; Costumes, Quentin Gibelin ; Lumières, Clémentine Pradier
Hélène, Anne-Lise Polchlopek; Pâris, Filipe Manu; Ménélas, Charlie Guillemin; Agamemnon, Jean Kristof Bouton; Calchas, Joe Bertili; Oreste,Brenda Poupard; Achille, Mathys Lagier; Ajax I, Fabien Hyon; Ajax II, Timothée Varon; Parthénis, Héloïse Poulet; Léæna, Charlotte Bozzi; Bacchis, Axelle Saint-Cirel.
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Toulon
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L’Opéra de Toulon poursuit sa saison « hors les murs », en même temps que se poursuivent les travaux de rénovation du bâtiment historique. C’est au Théâtre Le Liberté qu’est proposée la première de cette Belle Hélène, en coproduction avec l’Opéra de Rouen, où le spectacle sera repris lors d’une prochaine saison. L’humour est bien présent dans la mise en scène d’Alice Masson et Quentin Gibelin, développée sur la scénographie assez simple et fonctionnelle d’Anne–Sophie Grac : un petit praticable en forme d’hexagone au centre et, au fond, une enfilade de colonnes et d’arches en partie cassées. Au deuxième acte, on ouvre le couvercle du podium hexagonal, qui devient ainsi la petite chambre, ou bien boudoir, ou lit d’Hélène. Puis au III, le linéaire de colonnes et arches a fait demi-tour et est présenté par sa face arrière, mais il faut sans doute un peu d’imagination pour y voir la plage de Nauplie du livret.
La fantaisie visuelle réside surtout dans les costumes de Quentin Gibelin, qui décline la couleur verte dans une très large palette, entre vert pâle pour certains choristes, vert flashy pour le manteau hivernal à fausse fourrure de Ménélas, ou encore vert kaki pour le vieux combattant Achille… mais qui se soutient sur sa béquille d’un vert plus franc ! C’est aussi la teinte dominante pour les lumières de Clémentine Pradier. Le vert disparaît toutefois au troisième acte, au profit d’une ambiance davantage rougeâtre, pendant que solistes et choristes arborent des combinaisons de plongée et portent leurs petites palmes à la main. Mais c’est Hélène qui en impose le plus visuellement, femme d’une grande stature aux formes particulièrement généreuses, dans sa robe verte scintillante et à perruque blonde réhaussée en choucroute qui la fait furieusement ressembler à la fausse femme du film Mars Attacks ! de Tim Burton, en fait un martien déguisé en blonde plantureuse. Pendant la musique d’entracte entre les deux premiers actes, elle retire sa perruque, ses fausses hanches et fesses, ainsi que ses faux seins, pour redevenir une femme plus accessible et fragile lorsqu’elle chante son Invocation à Vénus « On me nomme Hélène la blonde ».
En Hélène, la mezzo Anne–Lise Polchlopek fait une très belle impression, timbre profond, voix ample et de qualité sur toute son étendue, ainsi qu’une belle séduction par son petit vibrato, en particulier en fin d’acte II. L’Oreste de Brenda Poupard, au faux torse nu et musclé, est bien chantant mais peu sonore. Les Parthénis et Léæna d’Héloïse Poulet et Charlotte Bozzi remplissent leur office, tout comme Axelle Saint–Cirel dans le rôle très épisodique de Bacchis… et bien moins exposé que celui qu’elle tenait lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques 2024, lorsqu’elle chantait la Marseillaise sous la pluie, perchée sur le toit du Grand Palais.
Du côté vocal masculin, on remarque d’abord la voix de bronze du baryton canadien Jean Kristof Bouton, rendant passionnantes toutes ses interventions en Agamemnon, aussi bien parlées que chantées. Le Mélénas de Charlie Guillemin est très drôle dans ses dialogues, mais parfois un peu plus fragile pour le chant, passant même à une dose de parlando dans le Trio patriotique du III. Pas de problème pour les apparitions moins denses pour le chant de Joe Bertili en Calchas, Mathys Lagier en Achille et Fabien Hyon et Timothée Varon en Ajax I et II. Nous avons gardé le Pâris de Filipe Manu pour la fin, car son entrée en scène détonne au sein de cette distribution francophone, quand il fait entendre un très fort accent dans ses dialogues… qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui des soldats allemands dans La Grande Vadrouille ! Le ténor néo-zélandais possède certes des capacités dans l’aigu, qu’il utilise d’ailleurs parfois en voix mixte bien dosée, mais on entend des tensions à d’autres instants et la justesse n’est pas toujours impeccable. Il faut mentionner aussi le Chœur de l’Opéra de Toulon, vaillant pour ce qui concerne les décibels, mais pas en permanence idéalement au point pour la cohésion d’ensemble, en accusant plusieurs fugaces décalages.
Aux commandes d’un Orchestre Chœur de l’Opéra de Toulon en bonne forme, le chef Romain Dumas s’est fait une réputation dans les compositions d’Offenbach, par exemple c’est lui que nous avions vu au pupitre du Théâtre des Champs-Elysées pour diriger La Vie parisienne en décembre 2021. L’ouvrage y était alors donné dans une version longue, avec plusieurs airs jusqu’alors inconnus de nos oreilles. Ce n’est pas le cas ce soir à Toulon, dans cette version aux multiples petites coupures, que ce soit pour les reprises d’airs ou certains passages où sont supprimées plusieurs mesures. Et puis au deuxième acte, nous avons le droit à la charade, dont la solution est d’actualité « drone aérien », mais pas aux délicieux bouts-rimés ! Les chorégraphies d’Alice Masson, pas toutes inoubliables, versent aussi dans l’humour et participent en tout cas à la bonne humeur sur scène. Enfin, la banderole « L’armée de terre recrute » qui descend à deux reprises des cintres ne fait pas très couleur locale, à quelques encablures de la principale base navale française !
F.J.© Aurélien Kirchner
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