Concert pluvieux, concert heureux ?
Samedi 29 juin 2024, 21h30, duraée 1h45, Théâtre antique d’Orange, dans le cadre des Chorégies
Nuit Tchaïkovski
Khatia Buniatishvili, piano. Direction musicale, Kirill Karabits
Orchestre philharmonique de Monte-Carlo
Piotr Ilitch Tchaïkovski (1874-1875), Concerto pour piano n° 1 en si bémol mineur, op.23. Suite du Lac des cygnes
« Les Chorégies d’Orange se réjouissent d’accueillir pour la première fois sur la scène du Théâtre antique la superbe pianiste franco-géorgienne Khatia Buniatishvili.
Véritable « rock-star » du classique, généreuse avec son public, elle ne manquera pas à coup sûr de séduire par son jeu investi », indiquait le site officiel des Chorégies.
Il a fallu de la patience au public des Chorégies d’Orange pour applaudir la pianiste Kathia Buniatishvili : il s’agissait d’un second rendez-vous puisque cette artiste programmée en 2023 avait dû renoncer au concert en raison de la naissance de sa fille.
Ce samedi 29 juin, une pluie abondante s’est abattue sur le théâtre antique, laissant un public désemparé qui se pressait sur les gradins, armé de parapluies, d’imperméables, attendant avec inquiétude la décision du directeur des Chorégies Jean-Louis Grinda : jouera ou jouera pas ?
La même mésaventure a frappé la soirée d’ouverture du festival – pour la toute première fois en 12 ans – , Musiques en Fête, le mercredi 19 juin, mais ce soir-là, c’est la pluie qui avait gagné !
A 21h30 la pluie a cessé par miracle, des agents ont nettoyé la scène trempée, ont évacué la protection du piano à queue, et les musiciens ont enfin pu entrer en scène.
Pour débuter cette « Nuit Tchaikovsky », le Premier Concerto op 23 est une œuvre magistrale, dans laquelle Kathia Bunatisvili joue d’abord à mi-voix, laissant toute la place à l’orchestre, mais très rapidement, une lumière se fait, tout intérieure, celle d’une musicienne au chant limpide qui sait également donner au piano toute son ampleur lorsqu’il le faut, avec beaucoup d’élégance. Sous la baguette du chef ukrainien Kirill Karabits, l’Orchestre philharmonique de Monte Carlo a su mettre en valeur l’œuvre et la soliste. On peut regretter, lors du troisième mouvement, la place prise par les cuivres et les bois qui ont eu tendance à supplanter le piano. Ovationnée par un public enthousiaste, la pianiste a donné en bis une version personnelle et combien lumineuse de la Javanaise de Serge Gainsbourg, aux accents très jazzy, suivie de la Rhapsodie hongroise de Liszt, tout aussi revisitée par l’artiste dont les doigts en délire ont enflammé le public.
Kirill Karabits a ensuite donné de larges extraits de la musique de ballet le Lac des Cygnes, toujours de Tchaïkovsky. Le chef d’orchestre s’est montré très tonique, jouant de son corps comme de la baguette. L’orchestre a fait preuve d’une belle homogénéité. Une alerte à la pluie a interrompu un moment le déroulé du concert qui a pu heureusement reprendre quelques minutes plus tard, laissant un public humide mais au comble du bonheur !
D.B. Photos M.A.
Biographie de Khatia BUNIATISHVILI et regards sur son style
Khatia Buniatishvili est née le 21 juin 1987. Elle commence le piano à l’âge de 3 ans avec sa mère et donne son premier concert avec orchestre à l’âge de 6 ans. Entre 11 et 15 ans, elle arrête l’école pour suivre une formation intensive avec le pianiste et pédagogue français d’origine hongroise Michel Sogny. Elle entre en 2004 au conservatoire de Tbilissi puis à Vienne.
A partir de 2002, elle participe à des festivals de musique dont celui de Montreux en tant que soliste ou concertante. En 2008 après son prix au concours international de piano Arthur Rubinstein, elle débute aux Etats-Unis au Carnegie Hall de New York avec le concerto n°2 de Chopin et donne en 2009 son premier récital à la Roque d’Anthéron auquel elle est réinvitée en 2010, 2011 et prochainement en août 2024.
Outre sa carrière de soliste, elle se tourne également vers la musique de Chambre avec des artistes célèbres comme Renaud Capuçon, Gidon Kremer et bien d’autres. Emigrée géorgienne, Khatia Buniatishvili vit depuis 2011 à Paris. En février 2017, elle acquiert la nationalité française.
La pianiste est connue du grand public par son tempérament affirmé et son sens de la communication : elle étend son répertoire à des œuvres de la musique de variété. Elle est aujourd’hui l’une des pianistes les plus sollicitées, tant par les médias que par les plus grandes salles du monde. On la voit sur les plateaux de télévision ou à la Une des magazines : elle rejoint le cercle très restreint des artistes de musique classique qui se font entendre au-delà de la sphère des mélomanes avertis. Sa beauté, son élégance et sa gestuelle libre de toute contrainte soulèvent la critique de certains puristes et la divisent.
Elle y est tantôt encensée, tantôt critiquée. Elle est qualifiée de « pop-star du classique », ou de « rock star » à cause de ses tenues peu courantes dans le classique et de ses interprétations fougueuses.
La critique du magazine Paris Match est éblouie par le génie musical de l’artiste autant que par son apparence : Différente, Khatia Buniatishvili ne l’est pas seulement par son look, mais aussi par son interprétation qui agace parfois les puristes. Une inimitable façon de projeter des couleurs inattendues sur une partition, en s’émancipant des sacro-saintes indications. »
En avril 2019 La pianiste déclarait dans la revue Pianiste n°115 : « Aujourd’hui je me sens complètement libre de m’exprimer comme je l’entends, mais ce n’est ni une rébellion ni une provocation. Je suis sincère, c’est tout. Chaque interprète n’a-t-il pas le devoir d’être libre ? N’est-ce pas plutôt le manque de liberté qui nuit à l’interprétation ? »
Par ailleurs, elle déclare, concernant la France :
« Je pense que la France est un pays qui mélange créativité et droits de l’homme. Les deux ensemble, c’est rare dans un pays. »
D.B. Photo M.A.
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