Dans la déliquescence de l’Histoire
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Théâtre des Gémeaux, du 3 au 21 juillet, 13h30, durée 1h15, relâche le 16 juillet ; résa 04 88 60 72 20.
C’est en héritier des tares familiales tout autant qu’en jeune despote irresponsable, que se présente « l’empereur fou », dans un tête-à-tête joué au couteau, un huis clos terrible. Promu dès l’adolescence ministre de cultes orientaux, poussé sur le trône à 18 ans par une grand-mère dévoreuse d’ennemis et de puissance, qui l’en déboulonnera moins de deux ans plus tard, Héliogabale est un jeune homme vautré dans les bas-fonds du Trastevere et cyniquement provocateur, qui défie une adversaire dont il est la créature et le maître paradoxal. Elle, farouchement accrochée à l’exercice du pouvoir sous couvert de la grandeur de Rome, jette une violence inouïe dans ce duel au sommet plusieurs fois renouvelé. Chaque scène est tendue, brutale, sans concession, dans une double hubris destructrice, où se jouent à la fois les destins individuels et le Fatum de l’Empire, celui-ci déjà largement dévoyé par Néron et autres Caracalla, immédiat prédécesseur d’Héliogabale.
Geneviève Casile, plus combative que jamais en Maesa, et Mickael Winum, parfaitement déstestable en Héliogabale, ont trouvé dans ces deux « monstres » des personnages à leur (dé)mesure, flamboyants et ténébreux. Auprès d’eux, Gérard Rouzier en préfet de Rome, fin connaisseur des grandes et des petites histoires, des enjeux politiques et des compromissions d’alcôves, témoin et peut-être complice, est appelé à jouer l’arbitrage du bon sens et de la raison d’état, pimenté de cynisme. Avec une sagesse résignée, et une amertume ancienne, il est au cœur de l’histoire et de ses intrigues, parfois son bras armé.
Les lumières rougeoyantes de fond de scène – incendie de Rome ? désastres encore à venir ?- font peser le poids d’une histoire irréversible ; la chaise curule, en seul décor, souligne la responsabilité politique comme enjeu de l’affrontement entre Maesa et son (indigne) héritier.
Et si Heliogabale, il y a tout juste 2 000 ans, s’est aussi illustré dans l’histoire par d’autres étrangetés, absentes de la pièce – il est à l’origine d’une grande première chirurgicale : transgenre attesté -, ce choc titanesque autour du pouvoir ne cesse de se renouveler de siècle en siècle, mutatis mutandis.
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Geneviève. Photo GAM.Monaco
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