Guillaume Tell, Rossini. Théâtre Antique. Vendredi 12 juillet à 21h30. Durée : 3h55
Opéra en 4 actes. Musique de Gioacchino Rossini (1792-1868). Livret de Victor-Joseph Etienne de Jouy et Hyppolyte-Louis-Florent Bis. Création : Paris, Opéra, salle Le Peletier, 3 août 1829
Direction musicale, Gianluca Capuano. Mise en scène, Jean-Louis Grinda. Décors, Eric Chevalier. Costumes, Françoise Raybaud. Eclairages, Laurent Castaingt. Chorégraphie, Eugénie Andrin
Guillaume Tell, Nicola Alaimo. Mathilde, Annick Massis. Arnold, Celso Albelo. Jemmy, Jodie Devos. Hedwidge, Nora Gubisch. Walter Furst, Nicolas Cavallier. Gessler, Nicolas Courjal. Ruodi, Cyrille Dubois. Melchtal, Philippe Kahn. Rodolphe, Philippe Do. Leuthold, Julien Veronese
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo. Chœurs des Opéras de Monte-Carlo et Toulouse. Coordination chorale, Stefano Visconti. Ballet de l’Opéra Grand Avignon
Tout savoir sur le Guillaume Tell des Chorégies, avant la représentation…
Les Chorégies ont 150 ans, Guillaume Tell juste 40 ans de plus. Pari judicieux que de les faire se rencontrer, fût-ce pour une représentation unique.
Si l’œuvre, d’une exceptionnelle longueur, eût mérité quelques coupures dans les deux premiers actes, toutefois la réussite des scènes de groupe voire de foule, finement mises en lumière par Laurent Castaingt, justifiait amplement sa programmation au théâtre antique. Une œuvre puissante et forte, un opéra français de surcroît, traité… avec la précision de l’archer ; dommage que les Chorégies, plus ancien festival lyrique au monde, n’ait pas eu la primeur de cette production, préalablement jouée, avec une partie du même plateau, à l’Opéra de Monte Carlo !
L’Orchestre venu de la Principauté, sous la baguette de Gianluca Capuano donne à ce mythe fondateur de l’histoire helvète une couleur qu’il n’avait pas su trouver lors de la récente Nuit espagnole (un comble !)
Les vidéos d’Arnaud Pottier & Etienne Guiol épousent et sculptent le mur, y projetant frondaisons sylvestres, abris de fortune, forteresse militaire, montagne, jusqu’à soulever la scène in fine dans une houle plus vraie que nature.
La mise en scène de Jean-Louis Grinda confronte avec justesse les grandes forces sur lesquelles se fondent le drame : soldats autrichiens d’occupation face aux femmes helvètes réduites en servitude, ou armée et paysans… Et si l’entrée du cuirassé, seul élément de décor, ne sème pas vraiment la terreur, la fête autrichienne, elle, où la violence envers les femmes est censée conforter une domination sur tout le pays (acte III), signe un moment mémorable : la chorégraphe Eugénie Andrin cisèle tout en finesse, pour le Ballet de l’Opéra Grand Avignon, une chorégraphie terrible, aussi brutale que légère, dont la beauté vous étreint durablement le cœur.
Les costumes de Françoise Raybaud (par 30° au cœur de la nuit !), en déclinaison de couleurs terre, ancrent le récit dans l’Histoire d’un terroir, enjeu de pouvoir et de domination dans cette période troublée du XIVe siècle… et du XIXe siècle d’écriture.
Près de dix solistes composent une distribution de haut vol, mais tellement mal répartie dans le livret ! Les deux magnifiques basses, Nicolas Cavallier et Nicolas Courjal, – voix profondes, timbres puissants et colorés -, malgré une présence parcimonieuse poussent jusqu’au détail le souci de la tension dramatique.
Aussi magistral que dans le costume de Méphisto cet hiver à Marseille, Nicolas Courjal (Gessler) impose une autorité naturelle et un cynisme élégant et brutal.
Nicola Alaimo, créateur du rôle-titre de Guillaume Tell en 2015 à Monte Carlo, dans sa puissante carrure porte haut et fort toute la résistance du peuple helvète, – tout en incarnant aussi le héros abattu -, sans dominer pour autant le plateau. Le reste de la distribution masculine est fort honorable : Cyrille Dubois (Ruodi) ouvre vaillamment la production – tâche toujours redoutable -, Julien Veronese (Leuthold) a parfait son métier depuis l’époque – pas si ancienne – du Cnipal, enfin Philippe Kahn (Rodolphe), Philippe Do (le vieux berger Melchtal) et Celso Abelo (son fils Arnold) ont endossé leurs rôles avec l’habit.
Côté féminin, Nora Gubisch est une Hedwige très engagée, aux aigus amples, aux médiums chaleureux. Annick Massis offre une très heureuse prestation, dont le timbre lumineux attaque chaque acte avec une puissance résolue et une présence indéniable.
Mais on doit la plus belle surprise à la « petite » Jodie Devos. Pétulant jeune fils de Guillaume Tell, elle ne se contente pas de tendre sa tête à la fameuse pomme ; sa voix agile, sa sensibilité, sa pugnacité, la désignent comme une valeur sûre.
Cette œuvre-testament d’un Rossini de 37 ans, qui marque un tournant dans l’histoire de l’opéra, mérite d’être connue au-delà de sa célèbre ouverture. Pour son 190e anniversaire, elle s’est ouverte aux Chorégies. Il en restera quelque chose, comme de la graine semée sur la scène, en ouverture et en clôture de la production (G.ad. Photos Philippe Gromelle)
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