C’est une grande dame que Raymond Duffaut a choisie pour présider la 12e édition du Concours international de la mélodie de Gordes. Annulé deux fois, en septembre 2019 et au printemps 2020, pour des raisons différentes, en cette fin d’été 2020 il bouscule toutes les prévisions, en affichant un nombre record de candidats (80), répartis en solos voix et duos voix/piano. Sophie Koch présidera un jury composé de fins connaisseurs de cet univers. Rencontre avec une dame de cœur et de talent.
-Sophie Koch, vous êtes en ce moment en enregistrement, m’avez-vous dit. Peut-on vous demander sans indiscrétion quel est ce projet ?
–L’enregistrement vient de se terminer. Ce sont les cantates de Ravel ; j’interviens dans une des cantates. Mais c’est un disque qui ne sortira que dans 2 ans (sourire) ; en ce moment, tout est ralenti.
-Vous avez déjà enregistré des mélodies de Fauré, de Chausson. La mélodie française vous est familière. Quelles sont ses particularités, et quelles qualités exige-t-elle de la part de l’interprète ?
–La spécificité n’est pas inhérente à la mélodie française. Elle est comparable au lied. Je chante beaucoup de lieder, et j’articule toujours mes récitals entre allemand et français, puisque c’est dans mon ADN. La difficulté est de créer un climat sur un temps très court ; dès les premières mesures il faut planter le décor ; et pour un récital il faut changer d’atmosphère à chaque pièce. Par ailleurs, la voix est mise à nu, beaucoup plus exposée qu’avec un grand orchestre ; on expose donc davantage ses défauts, le moindre chevrotement se décèle. La mélodie c’est de la dentelle.
-Comment concevez-vous votre rôle de présidente du jury pour un concours de jeunes chanteurs ?
–J’ai l’habitude de travailler la mélodie avec des jeunes. J’ai commencé à enseigner il y a 3 ans à la Chapelle reine Elisabeth, et cette année je suis nommée au pôle jeunes de Toulouse. Je suis donc au contact des jeunes. Cela élargit également mon répertoire. L’un nourrit l’autre, une activité enrichit l’autre.
-Vous avez notamment chanté Candide de Bernstein en octobre 2018 à Marseille. Etes-vous une habituée de la région ?
–J’ai eu mon 1er contrat par Raymond Duffaut il y a 25 ans, pour le Don Giovanni de Mozart. Et mes 4 grands-parents étaient dans le Var ; c’est une région que je connais et à laquelle je suis très attachée, pour son art de vivre. Maintenant j’habite de l’autre côté, dans l’autre Sud (sourire).
-Le Concours de Gordes réunit 13 nationalités, dans une période où les frontières tendent à se faire moins poreuses. Comment vous-même avez-vous vécu le confinement ?
–Je fais partie des privilégiés. Je vis dans un bel endroit, avec de l’espace, et il a fait beau. Nous les artistes, nous voyageons beaucoup. Faire une pause, vivre un temps d’accalmie proche de ma famille, de ma fille, je l’ai vécu de façon très positive. Certes, voir annuler mes contrats les uns après les autres n’était pas agréable, mais vivre sans trop de contraintes m’a permis de positiver. J’avais néanmoins beaucoup d’inquiétude pour les autres, pour ceux qui n’avaient pas cette chance, pour les jeunes…
-Vous êtes engagée dans une action de soutien à d’autres jeunes, à l’autre bout du monde, au Cambodge. Comment va le refuge Kol en ce moment ?
–Nous avons vécu une période difficile, car les parents voulaient ramener les enfants chez eux pour travailler. Mais cette période est passée, les enfants sont revenus au refuge, et le virus n’est pas très présent, au refuge en tout cas.
-Si vous n’aviez pas été ce que vous êtes, qu’auriez-vous aimé être ou faire ?
–Je rêvais… mais je n’en avais pas les capacités… d’être chirurgien.
-Une autre forme d’engagement et de don aux autres…
–Avec un côté « sur le fil » comme on peut en avoir dans le spectacle (sourire). Mais avec la responsabilité de vies humaines, une responsabilité bien plus lourde.
-Voudriez-vous ajouter quelque chose ? Une question que je ne vous aurais pas posée…
–Je voudrais souligner l’importance de ce concours. Dans le contexte actuel, toute opportunité qui se présente est bénéfique pour les jeunes ; voyez, ils s’y précipitent. Ils sont en manque de performance. Il y a 2 ou 3 semaines, nous avions à la Chapelle un « petit » concert – petit pour respecter les règles de distanciation – avec environ 150 personnes au lieu de 300. Les jeunes étaient particulièrement heureux, ils recommençaient à exister. Ils ont besoin d’exister ainsi. (propos recueillis par G.ad.)
Samedi 12 septembre, 14h30-19h et 20h30-22h30, Hôtel de Ville de Gordes, espace Simiane. Auditions catégorie solistes chant.
Dimanche 13 septembre, 10h30-13h et à partir de 14h30. Ibidem. Auditions catégorie duos chant/piano. Entrée libre. http://lessaisonsdelavoix.com/event/12e-concours-melodie/
Puis concert d’automne, le dimanche 27 septembre à 18h. Hôtel de Ville de Gordes, espace Simiane. Tatiana Probst (soprano) et Aeyoung Byun (piano).
Laisser un commentaire