Vendredi 23 mai 2024, c’est un Vivaldi inattendu que propose l’Opéra Grand Avignon, des « Quatre Saisons dansées ». Sur scène, Julien Chauvin – au violon et à la direction – et une douzaine de musiciens issus de son Concert de la Loge ; autour d’eux, et parmi eux, des danseurs hip-hop ; à la chorégraphie, Sabri Colin (site officiel), qui va bientôt passer de son centre de formation et de l’opéra aux J.O. !
-Sabri Colin, vous proposez un spectacle dansé, autour de Vivaldi, qui tourne d’déjà depuis quelque temps…
–Depuis presque un an.
-…Et qui a partout du succès ?
–Tout à fait. Nous l’avons travaillé pendant notre résidence à Bordeaux, puis une semaine au Conservatoire de Puteaux. L’alchimie fonctionne très bien, entre musique classique et hip-hop ou danse contemporaine. En fait, nous n’avons rien inventé, et ce mariage existe depuis longtemps. Mais c’était un souhait de Julien (Chauvin, NDLR) de danser sur Vivaldi. Je ne dirais pas que Mourad (Mourad Mesrouki, dont Sabri Colin est l’assistant) maîtrise parfaitement la musique classique, mais il a déjà beaucoup travaillé dans ce domaine, avec le Quatuor Debussy, avec Folia…, ou avec des musiques moins classiques comme Vertikal ou Pixel. En fait, il voulait apporter à Vivaldi de la fraîcheur avec la break, qui d’ailleurs arrive aux J.O. cette année. C’est aussi l’occasion de la mettre davantage en valeur : certes, on est déjà depuis 30 ans dans ce qu’on peut appeler les institutions, on remplit les opéras, les théâtres…
-Apporter de la fraîcheur à Vivaldi, dites-vous ? Mais la musique baroque est déjà fraîche, vivante, joyeuse, dansante…
–Pour moi, Vivaldi n’est pas vraiment dans le registre baroque. Pour moi, le baroque c’est plutôt sur Folia, sur la tarentelle portugaise. C’est Franck Emmanuel qui m’y a amené. Et on fait beaucoup de festivals, et de festivals baroques. Mais les Quatre saisons, c’est une œuvre qu’on a tous beaucoup écoutée, qu’on a entendue petits. Quand on l’écoute avec attention, c’est totalement différent. Et vous allez voir : l’écouter en live, c’est autre chose ! Julien est un fabuleux soliste et un chef formidable. On m’avait dit qu’il avait une façon de jouer totalement différente ; je n’y croyais pas, et puis, quand je l’ai rencontré : c’est vrai, il ne ressemble à aucun autre. Il prend aux tripes.
-Vous dites que ce projet repose sur une initiative de Julien Chauvin. Il vous avait laissé un cahier des charges, donné des directives, ou il vous avait laissé entièrement libre ?
–Dans une 1e approche, on devait faire un cast pour sélectionner des danseurs ; mais on avait très peu de temps. Moi j’étais danseur assistant, j’ai mes danseurs à moi à Bordeaux. Mourad m’a laissé les mains libres. Le danger des auditons c’est que ça prend du temps. Or mes danseurs étaient en centre de formation, en fin de 2e année, je les connais bien.
-Et ils ont sans doute entre eux une vraie cohésion de groupe ?
–Oui, même s’ils ne sont pas tous dans la même section, les uns en « contempo », les autres en hip-hop ; mais c’est vrai, ils se connaissent, il y a une alchimie, dans le centre et à l’extérieur. Et pour eux ç’allait être une vraie aventure humaine, et une expérience avec Mourad. Et puis Mourad m’a laissé le champ libre pour la chorégraphie ; je lui envoyais les vidéos au fur et à mesure du travail. Au bout de 2 semaines, Julien est venu, il a expliqué aux danseurs qui était Vivaldi et ce qu’était l’œuvre, parce que les danseurs ont besoin de se raccrocher à un sujet. Tout cela pendant un week-end. Et Julien était là pour regarder les tableaux, et aussi pour performer en tant que soliste. Puis, 3 semaines après, on est allés au Conservatoire de Puteaux, et Julien nous a rejoints. C’était prévu pour une durée de 15 à 20 minutes, et on est arrivés à 40 minutes ! Les danseurs sont super investis, on n’allait pas couper ! Et puis Julien s’est bien amusé avec les danseurs, il s’est pris d’affection pour eux. Et pour eux c’était une 1e expérience professionnelle ; ils ont pris un kif énorme à travailler avec les musiciens. Et les musiciens aussi entrent dans le processus ; Mourad les a mis en scène, il n’était pas question qu’ils ne participent pas. Sur Folia, il ne voulait pas mettre les musiciens derrière un tulle. Comme Ysé, la chanteuse (Clara Ysé, auteure-compositrice-interprète et romancière) : on la soulève, on fait des portés avec elle. Donc Mourad fait danser les musiciens, il a saupoudré la chose, il a créé des tableaux avec eux. Pourtant on ne perd pas de vue que c’est un concert, pas un spectacle de danse, et qu’on a toujours quelque chose à revoir, quelque chose à améliorer. En tout cas, ç’a été un régal pour tous, les danseurs, les musiciens, les techniciens, les administratifs.
-D’origine, le Concert de la Loge est mobile : il est à géométrie variable, et sur scène il n’est pas figé.
–C’est toujours une histoire de temps, de chronomètre au-dessus de la tête. Quand on fait des créations avec Mourad, on prend 3 ou 4 mois en résidence. Là c’était beaucoup plus court, mais il n’était pas question pour autant de mettre les danseurs en danger. Les musiciens, on croyait qu’ils étaient plus détendus, qu’ils pouvaient jouer sans partition. En fait, on a découvert que, quand ils jouent, ils sont aussi concentrés que les danseurs, comme un tableau du battle ; ils ont le nez sur leurs partitions, on ne peut pas leur enlever leurs pupitres. Quand on l’a compris, on a renoncé à enlever les pupitres… L’essentiel, c’est d’être à l’écoute, de s’adapter.
-Quel est l’effectif des musiciens ?
–ça dépend. C’est une formation variable. A la création, à la Seine musicale, ils étaient 15-16. Ensuite, ç’a été 10-12 ; à Lyon, c’était la formation initiale, de 15-16.
A suivre : en route vers les J.O.
Propos recueillis par G.ad. Photo Sabri Colin
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