« On ne peut pas tout transposer. La guitare n’a que six cordes… »
Philippe Mouratoglou est un musicien éclectique ; diversité et pluralité sont sans doute inscrites dans son ADN, tant il semble avoir de cordes à ses guitares ! Il est accueilli à la Scala-Provence, le 13 mars 2025, pour un duo ensoleillé avec le violoncelliste Henri Demarquette. Voir aussi notre entretien avec Henri Demarquette.
– Philippe Mouratoglou, si vous aviez à vous présenter… ?
–Je suis un guitariste essentiellement classique. Mais je suis aussi musicien de jazz, compositeur… Nous avons monté un label à trois, Vision fugitive (site officiel), depuis 2012, qui produit à la fois du classique et du jazz, avec Jean-Marc Foltz, qui est clarinettiste (voir par exemple France Info), et Philippe Ghielmetti, graphiste, producteur de jazz. Nous montons ainsi nos propres projets. Mais pour que le label vive, nous accueillons des gens très différents, des musiciens américains, des pianistes, etc.
-Et le programme du récital duo que vous proposez à Avignon avec Henri Demarquette, comment est-il né ?
-Il est tout nouveau. Nous l’avons conçu ensemble, avec Henri Demarquette. « Sol ! » est le thème générique, qui réunit quantité de musiques ensoleillées, italienne, du Bassin méditerranéen, latine, du Brésil, très variées : Ravel, De Falla, Boccherini, Villa-Lobos, Radamés Gnattali (1906-1988, NDLR) : là c’est une très belle sonate, j’insiste, car on a majoritairement des arrangements de pièces pour violoncelle, ou pour orchestre et piano ; cette sonate, elle, a été écrite pour violoncelle et guitare (à écouter sur).
-Et le duo d’instruments avec Henri Demarquette ?
-Nous sommes rencontrés au Festival de Glanum, dans un concert privé. Il y avait longtemps que je voulais faire un duo avec un violoncelle, même s’il n’y avait pas d’urgence. Quand j’ai rencontré Henri, j’ai beaucoup aimé son « son » particulier, j’ai eu comme un déclic, les instruments se marient bien.
-En solo ou en ensembles, vous avez sans doute quantité d’autres projets ?
-Pour cet été, le Festival de Compiègne, puis Toulouse.
-Toulouse ? C’est aussi la ville de Thibaut Garcia (voir notre entretien en 2020 puis en 2022). Avez-vous l’impression que sa Victoire de la musique classique a donné un coup de pouce à l’instrument ?
-Il est évident que Thibaut Garcia est une belle image pour la guitare classique ; mais, vous savez, on a souvent une image erronée de la guitare, croyant qu’elle n’a pas beaucoup de répertoire. Alors que c’est un des instruments qui existe depuis la Renaissance, et qu’elle a une immense littérature sur les XIXe et XXe siècles, dont les Britten, John Darlan, Villa-Lobos, de Falla, et d’autres. C’est une question d’image. La guitare a moins de noblesse que d’autres instruments à cordes, c’est un instrument populaire ; et une autre raison est que les compositeurs du XIXe étaient tous pianistes, donc n’ont pas écrit pour la guitare. Sauf lors de grands événements, que l’on cite toujours, comme le Concerto d’Aranjuez ou les Asturiaz : mais c’est toujours la même chose, alors qu’il faut montrer la diversité du réel.
-Puisque le répertoire de la guitare est plus restreint, vous être contraint à des transcriptions, des réécritures ?
–On ne peut pas tout transposer. La guitare n’a que 6 cordes, on ne peut donc faire que des accords avec 6 sons. Il est très difficile de transcrire du piano ; Brahms, Ravel, par exemple, ont des écritures très denses, insolubles. Les simplifier en perdrait l’essentiel. J’ai fait en revanche un duo depuis longtemps avec une chanteuse, à partir de Schubert ou Fauré, des écritures légères, transparentes. Le choix qui me guide toujours, c’est de ne rien perdre de ce que je transcris.
Propos recueillis par G.ad. Photo Maxim François
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