Ornella est originale à plus d’un titre. Son enthousiasme juvénile, sa passion, éclatent sous l’humour et les pirouettes… Elle crée de petites vidéos « Fil rouge des œuvres » du « Bazar d’Orny Leo » à partir de grandes œuvres lyriques. Et c’est sa parenté célèbre qui a inspiré son pseudonyme d’artiste, Orny Leo.
-Ornella, si vous deviez vous présenter en quelques mots, que diriez-vous ?
-Je suis sourde profonde depuis la naissance et la musique et le théâtre sont des piliers de vie (jouer des méchants est très satisfaisant !). Ainsi que les rencontres avec des artistes lyriques, qui ont toujours été très accessibles et curieux (ce qui m’a donné encore plus envie de découvrir le monde lyrique, connu pour être snob !). (rire)
-Vous créez quantité de mini-vidéos lyriques, le « Fil rouge » du « Bazar de Leo » : ainsi, en 2022, Guillaume Tell de Rossini, Nabucco de Verdi, Don Carlos de Verdi où vous vous mettez vous-même en scène ; en 2023 La Bohème de Puccini ; en 2024, Un Ballo in maschera de Verdi, Tosca de Puccini, où vous interprétez le rôle-titre, ou les coulisses de l’Opéra de Monte Carlo. Comment vous est venue l’idée initiale ?
– C’est depuis le collège que cela dure (cela fait déjà 20 ans !). En effet, c’est grâce au Barbier de Séville qui traînait dans ma chambre. Je me souviens l’avoir regardé une fois mais m’en être lassée très vite (j’avais 12 ans !). J’y suis revenue bien après, et c’est là que le potentiel infini de Fils Rouges est apparu : vous avez la musique et les voix, il ne reste plus qu’à tourner des personnages, trouver les masques, les tenues, le fond d’écran. Chaque Fil rouge a besoin de plusieurs mois pour être le mieux présentable, c’est-à-dire maîtriser les paroles et vraiment articuler les mots et pas faire le poisson sous l’eau, être le plus synchro possible, savoir quoi faire avec chaque personnage, les costumes à coudre ou arranger ou trouver, etc. En réalité, grâce au fond vert, le logiciel de montage efface et le remplace par un fond (mur, paysage, tapisserie…) et peut incruster plusieurs personnages sur la même image, ce qui rend possible le fait de jouer plusieurs personnages tout seul. Rien qu’à voir les oreilles, la bouche et les yeux : ce sont les mêmes…
-A quel(s) public(s) sont destinées ces vidéos ?
-A tout le monde. Que ce soit dans n’importe quel pays, puisque des sous-titres dans plusieurs langues sont disponibles s’il le faut. Pour les puristes, les enfants, les néophytes, les professionnels… Il n’y a aucun problème. Si ça plaît, tant mieux ! Si ça ne plaît pas, ce n’est pas grave.
-Comment avez-vous créé le masque « central », omniprésent ?
-Lui, c’est Leo (d’après Leo Nucci, son oncle, NDLR) ! C’est lui qui tient les rôles de méchants, de pères, de rois, de ténors ou de barytons, de tyrans… Avec ses cheveux gris et la moustache, il donne consistance et crédibilité à des rôles qui seraient « inadaptés » avec mon visage de jeune fille. C’est le hasard, dans les magasins de déguisements ; l’ancien était un masque de diable ; le plus récent, un masque de grand-mère que j’ai découpé pour le rendre crédible autour des yeux et de la bouche. Et apparemment il plaît beaucoup et c’est cool.
-Choisissez-vous d’abord les œuvres, ou les rôles, les voix ?
-C’est la bibliothèque de la ville qui est le centre de données de la chaîne. Tous les CD et DVD sont passés au crible et choisis selon la qualité du son : il faut bien distinguer les voix. Les airs, ensembles, ouvertures, duos, etc, ne sont pas gardés. Juste une partie des récitatifs, un début d’air assez apprécié (comme le Lamento de Federico, L’Arlesiana, de Francesco Cilea, 1872, d’après Alphonse Daudet, NDLR), un duo ou trio où ils se répondent distinctement, comme dans Tosca entre Tosca et Scarpia, quand celui-ci torture Mario… Beaucoup d’œuvres sont éliminées car trop de bruits parasites, voix inaudibles ou captation sur scène en direct ; j’ai dû faire une croix sur certains… Par ailleurs, il en reste pas mal qui sont introuvables ! Et évidemment, pour les opérettes aussi ; le livret est toujours très différent et énormément découpé, ce qui me pose problème ; il n’y aura donc que 5 opérettes sur 100 opéras, comme Le Postillon (Le Postillon de Lonjumeau, 1836, d’Adolphe Adam, NDLR), ChouFleuri (Monsieur Choufleuri restera chez lui le…,1861, d’Offenbach, NDLR), Orphée aux Enfers…)…
-Quels artistes ont participé à cet exercice ?
-Pour l’instant, je suis seule sur la chaîne (vive le fond vert !) étant donné que c’est dans la chambre et que c’est gratuit, le plaisir est le plus important ! Mais je ne dirais pas non si un jour on me propose de jouer un truc en vrai, en tant que Leo, bien sûr (rire).
-Comment travaillez-vous, comment sélectionnez-vous les extraits d’œuvres, compte tenu de votre particularité ?
-Cela prend des semaines pour faire un film sous-titré de 6 min, rien que pour choisir un CD/DVD avec les voix claires, en prendre les passages les plus intéressants, les étudier, en faire les sous-titres, jouer les personnages, trouver le fond, les costumes, etc. Et parfois le livret en ligne est différent de la version (c’est arrivé plusieurs fois, et pour les opérettes, c’est le pire, c’est souvent des scènes entières qu’ils ont effacé de leur version). Et même des œuvres très rares, comme Dom Sébastien ou Docteur Miracle. Pas facile quand les gens n’ont jamais le temps de vérifier pour vous si les phrases que vous conservez pour les étudier sont correctes par rapport aux extraits choisis, à moins de demander à mes parents quand les voix sont en français.
-Allez-vous au concert, à l’opéra ?
-Pour les concerts, je n’y suis pas allée depuis des années, étant davantage tournée vers la mise en scène, les costumes, les jeux d’acteur, les expressions… Du coup, c’est davantage à l’opéra que j’allais souvent. Vers tout ce qui est visuel, et j’en profite pour m’en inspirer si cela en vaut le coup ; j’ai remarqué que pas mal de chanteurs avaient les mêmes mimiques et gags que moi, c’était cool ! La preuve que ça plaît aux gens et qu’ils sont un minimum ouverts d’esprit. Et vive le théâtre !
Propos recueillis par G.ad. Photos Facebook
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