En ce mois de juillet 2022, nous rencontrons plusieurs directeurs artistiques de théâtres avignonnais, dans le cadre du Festival Off.
Entretien avec Michèle Albo et Raymond Yana, co-directeurs des Espaces Alya,
7 espaces scéniques à travers 3 théâtres (Alya l’Espace, Alya le Chapeau d’Ébène, Alya le Théâtre), dont le nom est constitué de la 1e syllabe des noms des 2 co-directeurs. Vincent Dedienne, par exemple, y a fait ses débuts. Président du Festival Off pendant 10 ans (2006-2016), et successeur éphémère de Greg Germain à la tête d’Avignon Festival & Cies, Raymond Yana avait démissionné, à la surprise générale, pour laisser la place à Pierre Beyffète, son ancien trésorier adjoint.
Michèle Albo, elle, est auteure, comédienne.
Entretien également avec Laurent Rochut, directeur de la Factory (3 lieux) depuis 2015.
-Côté public, votre rôle le plus connu est celui de sélectionner les spectacles qui seront à l’affiche d’un Festival. Avez-vous un style ou un thème de prédilection pour cette sélection 2022 ? Si oui, lequel ?
-M.A. et R.Y. Non, pas de thème précis. Nous recherchons de véritables spectacles à défendre pour leur qualité artistique. La diversité compte. Ainsi, de la danse, du théâtre contemporain, des clowns et bien sûr des marionnettes. Pour nous, l’important c’est la puissance de la suggestion.
Nous dirigeons la compagnie de La courte échelle. De plus, nous écrivons et mettons en scène des spectacles tout public. Nous sommes aussi sur scène. Il nous paraît important d’être « troupe » avant d’en programmer d’autres. Ce n’est pas toujours le cas, même dans certaines structures permanentes, et c’est dommage.
Nous aimons faire des paris comme ces spectacles accessibles aux enfants dès 1 an. La durée est évidemment adaptée à leur capacité d’attention. Il y a même un opéra pour plus 4 ans ! Bien sûr, le but est de toucher les familles. Et si ça plaît, cela participe au renouvellement des spectateurs.
Nous tentons aussi de sensibiliser d’autres publics qui cherchent la pluridisciplinarité. Ainsi, une troupe fait du Hip-Hop pendant la parade.
-Comment entrez-vous dans la sélection des spectacles ?
-M.A. et R.Y. Nous sommes sollicités par 200 compagnies. Certaines viennent nous voir pendant le Festival. Nous nous déplaçons durant l’année pour en voir d’autres. Quand c’est trop difficile, comme durant les restrictions dues au Covid, nous visionnons des vidéos, toujours en entier. C’est plus réaliste que les extraits trop « morceaux choisis ».
Nous avons aussi des recommandations faites par des correspondants.
La sélection est transparente : nous retenons 3 compagnies par créneau horaire. En effet, elles sont nombreuses à dépendre de subventions ou partenariats qui ne sont pas effectifs au moment de la préprogrammation.
Comme nous l’avons dit précédemment, la durée des spectacles est très variable. Nous laissons aussi le choix du temps de préparation : de 15 minutes à 1h30. C’est plus confortable pour elles.
-Quelles sont vos relations avec ces compagnies ?
-M.A. et R.Y. Nous venons à Avignon depuis 27 ans. Nous sommes attachés à un esprit de village. Les troupes se retrouvent en soirée, vont voir le spectacle des unes et des autres… Le rôle de chaque intervenant nous paraît important : les acteurs bien sûr, mais aussi les techniciens, et jusqu’aux tracteurs. Nous créons aussi une sorte mutualisation des compétences et des idées, par exemple celle des régisseurs.
Alya est une association Loi 1901 qui ne reçoit aucune subvention. Pourtant, à l’année, il y a un bureau à louer, le salaire de permanents à payer. Cela entre dans le prix de chaque créneau du Festival. Les compagnies sont soutenues pour cela. Cependant, nous aimerions être aidés quand nous faisons des actions de gratuité pour certains publics comme « Culture du cœur ». Actuellement, ce sont les compagnies qui perdent de leur recette.
-Votre principal lieu pour les représentations est un établissement scolaire. Quelles sont vos relations avec le lycée Louis Pasteur ?
-M.A. et R.Y. En dehors du renouvellement des contrats, c’est plus avec l’équipe de maintenance du lycée que nous avons des relations, et elles sont bonnes. Nous arrivons 15 jours avant le début du festival, quand l’équipe enseignante n’est plus dans les locaux. Nous intégrons des sortes de cubes vides. C’est là qu’interviennent 15 régisseurs qui n’ont que ces deux semaines pour tout préparer. Puis, il y a la vérification de conformité par un bureau de contrôle avant la commission de sécurité. Sur ces différents points, les 27 ans d’expérience nous aident.
Maintenant, nous avons aussi : le Chapeau d’ébène, qui est une ancienne chapelle non exploitée durant l’année, mais classée. Cela pose d’autres contraintes auxquelles nous nous soumettons de bonne grâce.
Et puis, il y a : Alya, le théâtre, rue des Infirmières. Nous en avons fait un lieu de résidence, qui fonctionne donc à l’année.
Nous dirigeons donc 3 adresses sur lesquelles il y a 7 lieux où se déroulent 49 spectacles. Si la majorité sont d’origine métropolitaine, nous soulignons que plusieurs sont ultramarins et 2 étrangers. Cette diversité a aussi un intérêt pour nous.
-Quelques mots pour conclure sur votre rôle de co-directeurs d’Alya et vos vœux pour les années futures ?
-M.A. et R.Y. Nous proposons des services, dont certains sont gratuits. Nous favorisons les échanges avec des programmateurs, y compris à travers des tables rondes.
Nous pensons qu’Avignon pourrait être « la Cité du Théâtre » si les 70 lieux vides à l’année pouvaient vivre. Ces résidences amélioreraient le travail des compagnies et donc l’offre au public. Cela créerait des emplois. Nous souhaitons que toutes les institutions y investissent en subventionnant ce projet.
(Propos recueillis par Norbert)
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