« Nous avons des moyens rudimentaires »
Il y a 8 ans presque jour pour jour, le 12 janvier 2016, le Quatuor Modigliani se produisait à l’Opéra Grand Avignon pour deux soirées « Schumann 1842 ».
Nous écrivions alors : « Sur scène comme devant l’objectif, Philippe Bernhard et Loïc Rio (violons), Laurent Marfaing (alto) et François Kieffer (violoncelle) ont souvent le sérieux des premiers de la classe. […] Le Quatuor Modigliani, formé en 2003 par quatre amis, est devenu l’un des quatuors les plus demandés au monde ».
La formation revient le mardi 23 janvier 2024, Amaury Caeytaux ayant succédé à Philippe Bernhard comme 1er violon.
En 2016, nous avions eu un entretien avec Loïc Rio, porte-parole occasionnel ; et, si le programme en 2024 est différent, pour autant les propos sur Schuman n’ont rien perdu de leur pertinence.
-Le nom de votre quatuor est évidemment lié au peintre ?
–En 2003 (année de la création du groupe, NDLR), il y avait à Paris une grande rétrospective Modigliani. Nous aimions ce peintre, et nous adhérions à sa démarche d’artiste : il ne s’est pas plié aux modes, il s’est créé une identité propre.
-Dans les formations chambristes, certains jouent aussi en solo ou en concertiste. Est-ce votre cas ?
–Pas du tout. Nous ne nous sommes pas fixé de règle en ce sens, mais nous nous consacrons totalement à notre formation. Et puis, avec 100 concerts environ par an, partout dans le monde, cela nous laisse très peu de temps pour faire autre chose, et même pour voir nos familles.
-Le quatuor est genre très exigeant…
–Très exigeant, pour les compositeurs comme pour les interprètes. Rendez-vous compte : nous n’avons que 16 cordes, et 4 instruments, ce sont des outils rudimentaires ! Tout s’entend tout de suite. C’est difficile, mais passionnant. Cela suppose une recherche et un travail du son infinis.
-Vous allez jouer Schumann. Ce n’est pas un de vos compositeurs fétiches.
–Il y a en effet des œuvres nouvelles pour nous, que nous abordons cette année, et d’autres que nous n’avons pas jouées depuis 10 ans. Cela nous permet de voir comment nous avons évolué depuis nos jeunes années.
-Schumann considérait que le quatuor était en déclin à son époque.
–Il considérait que le quatuor était au point mort. 1842 est une année-charnière pour lui. Sa carrière de pianiste est brisée, il n’est pas reconnu en tant que chef d’orchestre, et pas encore en tant que compositeur. Jusque-là il n’a guère écrit que pour le piano, et une symphonie. C’est Clara la grande star. Pour Schumann, se confronter au quatuor va marquer une étape dans son processus de composition. Mais toutes ses œuvres ont été composées pour Clara, toutes sont des déclarations d’amour à sa femme. Soit directes, comme le quintette, qu’elle a joué, soit indirectes, comme les quatuors.
-Vous avez un répertoire discographique très large, mais Schumann n’y figure guère.
–Son 1er quatuor figurait sur notre 1er disque. C’est un compositeur que nous aimons beaucoup. Nous le jouons sur scène pour nous l’approprier, pour vivre vraiment avec lui. D’autres sont plus dans le marketing, et enregistrent pour faire ensuite une tournée de promotion. Nous, nous avons la démarche inverse. Nous avons besoin de nous ajuster, au prix de beaucoup de travail, et de prendre ainsi plus de risques. Parce que la scène est toujours un risque, mais nous en avons besoin.
-Vous allez jouer le quintette avec la jeune pianiste Béatrice Rana.
-Elle est absolument incroyable. Elle est toute jeune, mais elle dégage une maturité exceptionnelle dès qu’elle se met au piano. Elle a une concentration incroyable, une très belle écoute, une profonde sensibilité. Elle fait partie de notre groupe comme si elle y avait toujours été.
Propos recueillis par G.ad. en janvier 2016.
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