« Louis XIV dansait. Vous imaginez aujourd’hui François Hollande et ses ministres… ? »
Hervé Niquet est un homme sérieux, musicien talentueux, musicologue éminent, spécialiste reconnu d’un large répertoire français, connu ou plus confidentiel, du XVII au XXe siècles. C’est aussi un pince-sans-rire, qui peut du pupitre se retourner vers la salle et lancer au vol une plaisanterie (toujours élégante et fine…). Il livre aussi des chroniques désopilantes sur France-Musique (le jeudi à 8h55). Le voici à la baguette des Amants magnifiques, une grosse production de Molière/Lully qui n’avait pas été donnée en intégralité depuis 300 ans : 2h30 de spectacle, moitié pour spectacle opéra-ballet, moitié comédie parlée. Rencontre avec un homme-orchestre.
-La recréation des Amants magnifiques est un projet fou…
–Nous avons tous de grands projets. Cette comédie-ballet est un bijou, avec de multiples corps de métiers, une comédie musicale, une grosse usine. Même si nous restons en-deçà des effectifs originaux (49 artistes au lieu de 120, ndlr). Vous imaginez les charges sociales ? Ce n’est pas pour rien que le roi de France se ruinait pour la culture ! Mais c’est une œuvre géniale, il n’y a pas une note, pas une virgule à retirer ou à changer.
-Louis XIV souhaitait la danser, c’est donc un événement historique ?
–C’est l’apothéose de Lully, la dernière chorégraphie dansée par Louis XIV, un acte éminemment politique. Vous imaginez aujourd’hui François Hollande et ses ministres prenant ce risque ? Louis XIV s’est mis au-dessus de la nation, au niveau supérieur des arts ; il a pris le risque d’être critiquable, il s’est mis en péril. Un acte politique courageux.
-Vous animez par ailleurs une chronique hebdomadaire désopilante sur France-Musique ; une casquette d’humoriste ?
–Je n’en ai pas la prétention. On m’a simplement demandé de raconter l’arrière du décor ; depuis 40 ans que je fais ce métier, j’ai quelques histoires dans mes bagages. Je raconte que nos petits malheurs sont nos grands bonheurs. Vous savez, l’écriture, c’est beaucoup de travail, vous en savez quelque chose. Pour 3 minutes, il faut écrire, réécrire, corriger… J’ai fait beaucoup de radios en tant qu’interviewé ; passer de l’autre côté comme chroniqueur, c’est tout autre chose !
-Vos projets ?
–Le Concert Spirituel fête ses 30 ans. Dans quinze jours ce sera le démarrage de l’une de nos grosses créations, une Messe à 8 chœurs, d’Orazio Benevoli (XVIIe s., ndlr). L’argent qui nous est donné pour cet anniversaire, je le mets dans les concerts, car c’est le plus cadeau que je puisse faire à mes musiciens, que de les faire jouer le plus possible, et devant l’auditoire le plus large possible.
-Alice Piérot, votre 1er violon, dirige la Courroie à Entraigues. Vous-même avez des liens avec la région ?
–J’y ai fait quelques festivals, nous avons rencontré quelques succès au Festival d’Avignon, j’ai joué à l’opéra quelques concerts, comme le Devin du village. Une délicieuse maison, l’opéra d’Avignon. Et je connais bien Martin Stein, qui dirige la Mirande, le plus bel hôtel du monde. Un bout de mon cœur est à Avignon.
Propos recueillis par G.ad.
Hervé Niquet est un homme-orchestre, claveciniste, organiste, pianiste, chanteur (ténor), compositeur, chef de chœur et chef d’orchestre, et musicologue de surcroît, curieux et inventif. Son domaine, le répertoire français dont il est un spécialiste éminent, va du baroque au XXe siècle.
Pour le baroque, il a créé en 1987 le Concert Spirituel en 1987, faisant revivre le grand motet français et exhumant des œuvres françaises, anglaises et italiennes.
Pour la musique française des XIXe et XXe siècles, il a créé le Palazzetto Bru Zane à Venise. Celui-ci effectue pour l’époque moderne le même travail que le célèbre CMBV (Centre de Musique Baroque de Versailles) pour les XVII et XVIIIe siècles. L’Orap – comme toutes les formations – y a recours pour son répertoire de pièces récentes.
Hervé Niquet dirige chœurs, orchestres, festivals, CD.
Dans les productions opératiques, il collabore avec des metteurs en scène aussi divers que Georges Lavaudant, Gilles et Corinne Benizio (Shirley et Dino), Christoph Marthaler ou Romeo Castellucci.
Il s’implique beaucoup dans la transmission, tant pour les connaissances musicologiques les plus pointues, que dans les aspects les plus concrets du métier de musicien.
Hervé Niquet est Chevalier de l’Ordre National du Mérite et Officier des Arts et des Lettres.
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