Camille et Julie Berthollet ont entamé une tournée promotionnelle de leur dernier album, Dans nos yeux, et passeront par Carpentras (84) le samedi 27 janvier 2024, dans la toute nouvelle structure de spectacles, le Cabaret. Les places se sont envolées en quelques jours, mais reste une liste d’attente… Nous avons parlé à Camille et Julie, séparément, quelques jours avant le concert.
Comment reconnaître Camille ? Portant fièrement la fraîcheur de ses 25 ans (elle est née le 4 janvier 1999 à Annecy), elle arbore de longues boucles flamboyantes.
Voir aussi notre entretien avec Julie, l’aînée, violoniste
-Camille Berthollet, vous êtes en tournée promotionnelle de dernier album « Dans nos yeux » ; à ce propos, vous évoquez un retour à vos sources musicales, et à « l’enfance avec des sons actuels » ? Qu’appelez-vous un « son actuel » ?
-C’est un retour à tous les types musicaux qui ont été importants pour nous, de notre enfance et notre adolescence jusqu’à aujourd’hui ; c’est le sens du titre « dans nos yeux ». Tout ce qui nous a fait grandir musicalement, les œuvres classiques que nous avons écoutées et jouées depuis que nous sommes petites, celles qui nous ont touchées. Mais aussi de Queen, ou Yesterday, et des compositions de Julie. Des styles différents et complémentaires.
-Vous aimez en effet ce qu’on appelle, dans un mot que je déteste, les « crossover », mélange des genres. Cela vous permet-il de toucher un nouveau public ?
-Nous voulons en effet ouvrir les concerts au plus grand nombre, sans se poser de questions. Dans les concerts classiques, nous-mêmes étions les seuls enfants. Nous avons aujourd’hui un public très varié, de tous les âges, de tous les styles. Et dans les séances de dédicaces, on voit beaucoup de gens qui étaient venus pour leur premier concert, quel que soit leur âge, et qui ont envie de revenir. On mêle à la fois des titres à découvrir et d’autres à reconnaître, et tout le monde est concerné.
-Vous aviez totalement bousculé le milieu artistique avec « Prodiges », en 2014, – ou en 2015, car les informations sont contradictoires -. Quel souvenir gardez-vous, de l’intérieur, de cette tornade ?
-C’était en 2014, et nous avons sorti notre 1er album en 2015. Pour nous ça n’a pas été une tornade ; ç’a été très progressif. Nous étions toutes jeunes, mais nous étions déjà de plus en plus demandées en Asie, même avant Prodiges ; notre vie bougeait déjà beaucoup. Et nous avions déjà passé quantité de concours, Prodiges n’était que l’un d’entre eux ; nous passons des concours, en solo, en duo, dans la même catégorie ; notre vie était déjà bien occupée. Mais Prodiges nous a révélées à un plus large public, dont celui des enfants ; cela a en quelque sorte démocratisé la musique classique, qui en est devenue moins « classique », et qui a été mise en lumière différemment.
-Vous dites que vous concouriez alors « dans la même catégorie », sans doute alors violonistes toutes les deux. Il est vrai que vous-même avez appris le violoncelle à 4 ans, le violon à 8 ans, le piano à 9 ans. Aujourd’hui vous êtes « plutôt » violoncelliste, mais vous vous produisez aussi en concertiste violoniste (notamment avec l’Orchestre de Cannes en 2016), et c’est en violoniste que vous avez été nommée aux Victoires de la musique classique 2016 en Révélation soliste instrumentale. Alors, violon, violoncelle ?
-Julie et moi nous pratiquons 3 ou 4 instruments, et nous n’en mettons aucun de côté. Et sur scène nous jouons de plusieurs instruments : Julie au piano, au chant, au violon, et moi au violoncelle. Et nous faisons beaucoup de tournées avec orchestre.
-En tournée ou non, vous partagez aussi le micro avec votre sœur en tant que chanteuse. Vous semblez être mezzo toutes deux, mais avec un timbre un peu différent. D’autres instrumentistes sont également des artistes de la voix, comme la flutiste baroque Lucie Horsch par exemple. Quelle place occupe le chant dans votre vie ?
-Nous n’avons pas la même tessiture, nous nous complétons. Enfants, nous chantions dans une chorale et en solo ; on aimait beaucoup le chant ; et depuis tout récemment on a pris des cours. Julie explore davantage cet univers en parallèle de nos instruments ; elle écrit, et elle compose depuis l’âge de 8 ans. Sur scène, nous chantons aussi, car nous voulions que le concert reflète totalement l’album ; on a pris le temps, on a choisi les titres précieusement, et on fait des arrangements plus modernes. Mais pour la scène, on a retravaillé différemment les arrangements ; il y a aussi le décor, les lumières, et surtout le contact avec le public, mais pour tout le reste, on entend la même chose que dans l’album.
-En 2020, à l’époque de #Metoo, vous avez été, avec Julie, l’une des premières à dénoncer le harcèlement dans la musique classique. L’affaire Depardieu relance le sujet. Avez-vous l’impression que les milieux artistiques évoluent, ou demeurent-ils des milieux fermés où l’omerta est plus pesante que dans le reste de la société ?
-Je n’ai pas envie de m’exprimer sur ce sujet. La question nous avait alors été posée incidemment pendant une interview. Mais, comme nous l’avons dit, cela peut arriver dans tous les milieux.
-A la même époque nous avons tous vécu une situation inédite de pandémie. Le confinement, que vous avez vécu séparément avec votre sœur, et le temps pendant lequel vous avez pu vous poser, comme tout le monde, vous ont-ils donné un nouvel élan ?
-ç’a été un moment précieux malgré les circonstances. Sur le plan artistique, c’est rare qu’on ait une période aussi longue sans concert, sans déplacement. On a pu se concentrer sur le travail de fond, la préparation de l’album. Et on a fait beaucoup de choses, avec les enfants, avec les adultes, on a créé des orchestres virtuels pour donner aux musiciens des objectifs sympathiques. C’était difficile surtout pour les jeunes qui étaient en cours d’apprentissage, ou seuls.
-Vous avez gardé certains des contacts que vous avez noués à cette occasion ?
-Oui, certains sur les réseaux, d’autres lors des tournées ou des séances de dédicaces ; ils viennent, ils reviennent, on les reconnaît.
-En tournée ou en concert, connaissez-vous la Provence ?
-Oui, nous y avons déjà joué. Nous aimons toutes les régions, et nous sommes heureuses d’y revenir. Mais la tournée nous permet de voir différemment, et d’offrir un nouveau volet, qui nous représente totalement telles que nous sommes aujourd’hui.
-Vous êtes à fond dans le présent. Mais j’imagine que, compte tenu de votre dynamisme à toutes les deux, vous avez encore quantité de projets, en duo et en solo.
-Nous avons en effet beaucoup d’idées : des albums, des collaborations avec des orchestres classiques ou avec d’autres arts, que ce soit la danse ou le chant. Pour Julie, il y a aussi une composition de musique de film. Des idées, on n’en manque jamais…
-Encore faut-il avoir le temps de les réaliser.
-Le temps, je pense qu’on l’aura, la vie est longue. On va prendre les idées les unes après les autres, pour les réaliser pleinement. Mais ce qui nous anime le plus, c’est la scène, le partage, à côté des albums.
-Et en solo ?
–C’est un tout petit pourcentage. A deux, on a une force supplémentaire ; on se connaît bien. Et j’ai des projets avec orchestre régulièrement, à côté du travail quotidien de deux artistes.
-Un dernier mot ?
-Je me réjouis de venir pour ce concert à Carpentras, et de partager avec le public.
-Nous nous en réjouissons également.
Propos recueillis par G.ad. Photos Simon Fowler
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