Une héroïne pauvre et sublime
Voir aussi tous nos articles du Festival 2025
Théâtre Le Transversal. 17h50. Durée : 1h15. Du 5 au 26 juillet. Relâche les 9, 16, 23 juillet. Réservations : 04 90 86 17 12.
Seule en scène, elle est Emma Picard, une paysanne, veuve et mère de quatre fils, qui pour fuir la misère en France part en Algérie cultiver une terre que lui octroie le gouvernement français. Nous sommes dans les années 1880, le projet colonial fait miroiter monts et merveilles aux miséreux qui partent tenter leur chance de l’autre côté de la Méditerranée. L’histoire de ces pauvres gens vire au cauchemar. C’est cette tragédie qu’incarne avec une force bouleversante la comédienne Marie Moriette, épousant la langue incantatoire de Mathieu Belezi. Dans la petite salle du Transversal, elle est la douleur même, elle est l’espoir aussi, poussé jusqu’au bout d’un destin implacable. Elle joue du regard, du geste ténu, de l’immobilité accablée, au côté d’un lit d’enfant auquel elle va tout dire, la lutte pour la survie sur une terre aride, la mort de ses fils, le départ de l’amant, la misère et la ruine, avant de se taire. C’est une héroïne, pauvre et sublime, qui s’acharne jusqu’au bout de ses forces sur « cette terre d’Algérie qui n’a jamais voulu et ne voudra jamais de nous ».
Avec le roman Attaquer la terre et le soleil, Prix littéraire Le Monde 2022, Prix du Livre Inter 2023, le grand public découvrait Mathieu Belezi et sa prose incandescente qui le propulsait à l’intérieur même du drame colonial. Avec Emma Picard, autre roman adapté ici pour la scène, le sujet se concentre avec tout autant de force sur une seule voix, un seul personnage, magistralement incarné ici par Marie Moriette, dans une direction d’acteur impeccable signée Emmanuel Hérault. On est porté jusqu’au bout par le rythme de la langue et la force du personnage. Et l’on sort avec l’envie de lire, ou relire, Mathieu Belezi.
Carina. Photo D.R.
Laisser un commentaire