1ère diffusion vendredi 28 mai 2021 à 23h20 sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur ; visible ensuite pendant 2 mois sur paca.france3.fr.
Direction musicale, Debora Waldman. Mise en scène et adaptation, Frédéric Roels. Réalisation du film, Sébastien Cotterot. Scénographie Bruno de Lavenère. Costumes, Lionel Lesire. Lumières, Laurent Castaingt. Etudes musicales et continuo, Hilary Caine. Assistants à la direction musicale, Pierre Delaporte et Romain Garnier. Assistante à la mise en scène, Nathalie Gendrot
Don Giovanni, Charles Rice. Leporello, Tomislav Lavoie. Don Ottavio, Lianghua Gong. Masetto, Aimery Lefèvre. Il Commendatore, Wojtek Smilek
Donna Anna, Gabrielle Philiponet. Donna Elvira, Federica Lombardi. Zerlina, Eduarda Melo
Orchestre National Avignon-Provence
Choeur de l’Opéra Grand Avignon, direction Christophe Talmont
Film réalisé en coproduction avec l’Orchestre National Avignon-Provence
France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur et AMDA production
Production de l’Opéra de Rouen Normandie
C’était le premier événement régional depuis le début du déconfinement.
Et c’est bien un film, réalisé par Sébastien Cotterot avec les moyens techniques de France 3, et non un opéra scénique capté par des caméras fixes. Dans tous les lieux de l’Opéra historique d’Avignon rénové, qui s’ouvrira en octobre au public – quel bonheur de le découvrir dès maintenant ! -, la caméra court, se glisse entre les fauteuils de la salle, grimpe au foyer, rejoint Elvira dans la fosse d’orchestre, rattrape les acteurs sur scène dans le décor d’un monde qui s’écroule, surprend les frasques de Don Giovanni avec Anna sur un canapé dans les coulisses ou le débusque avec Zerlina jusqu’aux toilettes, démasque Leporello sous le balcon… Le lieu labyrinthique devient métaphore évidente de notre période « confinée ».
Le rythme est soutenu, à peine ralenti à l’acte II quand l’imminence du châtiment rend pesante la tension dramatique ; il est donné par le tempo de l’Orchestre National Avignon-Provence en grande forme, sous la fine et vigoureuse baguette de Debora Waldman. Les voix sont de belle qualité et solidement restituées, les éclairages subtils, et chaque chanteur – et les choristes – se révèlent excellents acteurs.
Frédéric Roels – avec sa triple casquette de directeur de l’Opéra Grand Avignon, de scénariste et de metteur en scène – le soulignait lors de la présentation en avant-première à la presse, aux divers participants, et à AMVA production : « Tous, nous avons dû apprendre un autre métier ». Il nous avait livré quelque temps auparavant dans un entretien sa vision très personnelle – qui se révèle une analyse très fine, émaillée de multiples clins d’œil – d’un Don Giovanni qu’il avait créé en 2016 à Rouen, puis à Versailles – ; la situation sanitaire l’empêchant de reprendre à Avignon cette version scénique qu’il avait pourtant programmée, il en avait radicalement transformé la scénographie, tout en conservant le décor sur scène, et l’esprit de l’œuvre.
Mais quelle double gageure de se mesurer à un monument de l’art lyrique, et de surcroît de risquer la comparaison avec un autre monument, le film de Joseph Losey (1979), qui fait date sinon référence ! Frédéric Roels assume avec une souriante tranquillité et l’une et l’autre. Et gagne son pari : il sait doser tradition et modernité, jusque dans les costumes, et renouvelle le regard – le rôle de tout metteur en scène – en se gardant d’outrance gratuite.
Ses personnages féminins mènent l’action, à tout le moins consentantes, voire complices si ce n’est provocatrices ; seule Elvira demeure victime malgré sa force de caractère… et un imperméable qui ne la protège ni des affronts renouvelés de Don Giovanni ni de sa séduction redoutable.
Don Giovanni, lui, soulève les jupons, fouine longuement sous les jupes, promenant un détachement cynique qui en fait un jouet du désir tout autant qu’un prédateur.
Et si le Commandeur dans l’affrontement initial n’est pas inoubliable, en revanche son retour en SDF télescope en un raccourci saisissant deux univers de l’invisibilité, la métaphysique et la sociologie : ce pauvre hère, tout à côté du tourbillon de la « vraie vie », en est le témoin récusé – au contraire de Leporello, témoin permanent convoqué – mais intransigeant, dynamitant ainsi, dans un embrasement salvateur, le monde de l’immoralité.
G.ad. Photos Mickaël & Cédric Studio Delestrade/Avignon
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