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Samedi 15 juin 2024, 21h, Cour d’Honneur du Palais des papes, Avignon
Co-production Opéra Grand Avignon et Orchestre National Avignon-Provence, en collaboration avec le Festival d’Avignon
Direction, Debora Waldman. Baryton, Alain Iltis.
DEMOS Avignon-Provence.
Orchestre National Avignon-Provence
Maîtrise Populaire de l’Opéra Grand Avignon
Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon. Responsable, Florence Goyon-Pogemberg
Chœur de l’Opéra Grand Avignon. Chef de chœur, Alan Woodbridge
Félix Mendelssohn-Bartholdy, Le Songe d’une nuit d’été, Intermezzo. Joseph Haydn, Symphonie Le Matin, 1er mvt. Hildegard von Bingen, O choruscans lux stellarum. Charles Villiers Standford, The blue bird. Mozart, « Ricevete, o padroncina », Les Noces de Figaro. Camille Saint-Saëns, “Voici le printemps nous apportant des fleurs », Samson et Dalila. Mozart, « Non più andrai », Les Noces de Figaro. Prokofiev, « La danse des chevaliers », Roméo et Juliette. Benjamin Britten, « Night song », Le petit Ramoneur. Matteo Franceschini, Cantata, en création mondiale.
Démopop’s : du pep’s et des pros !
T-shirt bleu pour les quelque 80 jeunes instrumentistes de Demos, T-shirt jaune pour les 150 jeunes chanteurs de la Maîtrise populaire, T-shirt blanc pour les jeunes de la Maîtrise de l’Opéra d’Avignon, et costume sombre pour l’Orchestre National Avignon-Provence, pour le Chœur de l’Opéra Grand Avignon, pour le baryton solo Alain Iltis, et pour la cheffe Debora Waldman : quel beau tableau dans le cadre majestueux de la Cour d’Honneur du Palais des papes !
Les mélomanes se sont régalés (voir compte rendu ci-dessous) d’entendre Mendelssohn, Saint-Saëns ou Mozart, dans cet écrin dont le soleil caresse les pierres et où vont bientôt retentir les trompettes de Maurice Jarre pour le Festival d’Avignon Mais l’essentiel n’était pas là.
L’essentiel était dans le partage et l’implication exceptionnelle des divers intervenants. « Démopop’s », c’est l’addition de deux dispositifs : Démos – que nous avons suivi depuis son arrivée en Vaucluse – pour l’initiation à la pratique instrumentale, et Populaire pour la pratique vocale.
Le concert était ouvert gratuitement à tout public, sur simple inscription. C’était la foule des grands jours devant le Palais, avec une file d’attente digne du Festival.
On a donc pu éprouver la fierté et la joie des familles ; on a pu admirer le travail remarquable des référents Démos, d’Isabelle Ronzier médiatrice, de Debora Waldman cheffe de l’Orchestre, et des professionnels qui ont porté ce beau projet : sensibiliser à la musique par la pratique vocale ou instrumentale des centaines d’enfants qui n’y avaient aucun accès, grâce à un projet lancé en 2010 par la Philharmonie de Paris et qui a déjà touché en France 11.000 enfants. Un projet que nous avions suivi en Vaucluse depuis son lancement. Chaque projet est mené sur 3 ans, poursuivi ou non ensuite par les intéressés, qui peuvent alors choisir pour la suite de leur cursus d’autres structures d’accompagnement. Les intervenants, eux, se préparent déjà pour la génération suivante, qui commencera en septembre ou octobre son cursus de 3 ans.
La soirée était parfaitement « orchestrée » et scénographiée : un vrai Boléro de Ravel ! L’orchestre a d’abord joué seul, le public pouvant s’étonner que les deux contrebassistes et la harpiste Aliénor Girard-Guigas soient relégués de part et d’autre, en bout de scène. Puis est arrivé le chef de chœur, suivi de près par le Chœur de l’Opéra Grand Avignon. Et, après les formations professionnelles, les forces vives permanentes, les jeunes de la Maîtrise, en T-shirt blanc. Mais restaient toujours, au milieu de l’Orchestre, des chaises vides.
Puis, sous les voûtes du Palais se sont élevées des voix, chaque jeune choriste de la Maîtrise populaire émergeant peu à peu, pour monter sur scène comme en procession. Puis, après les jaunes, ce sont les bleus qui arrivent, un à un, et qui, aux côtés de leurs référents, prennent place dans les rangs mêmes de l’orchestre.
Intercalés donc sur la scène entre les musiciens de même pupitre, les jeunes enfants, venus des centres sociaux ASLC/ Grange d’Orel, La Fenêtre, La Croix des Oiseaux, et des écoles de Coubertin, Fabre, Grand Cyprès, Olivades, Stuart Mill, La Trillade (1e et 2e années) et collèges Jean Brunet, Anselme Mathieu, Gérard Philipe, Joseph Roumanille (3e année) ont pris leur rôle très au sérieux, jouant comme des grands ! Et c’était pleinement émouvant de les voir froncer les sourcils, serrer leur archet, se mordre les lèvres, compter les mesures… Sous la direction énergique et bienveillante de Débora Waldman, ils ont joué et chanté Mozart, Prokofiev, Britten, ainsi que l’œuvre composée spécialement pour l’occasion par Matteo Franceschini, présent, et qui sera en résidence à l’Opéra Grand Avignon pour la saison prochaine : en création mondiale une « cantata » qui était tout sauf facile !
Et le public a repris en chœur, et en bis, l’Hymne européen à pleine voix, tous âges confondus. Un magnifique message d’espoir, avec des yeux qui brillaient… Dans une période politiquement incertaine, cet élan de fraternité était tellement bienvenu !
G.ad. Photos G.ad.
Le concert de cette soirée du 15 juin revêtait une importance exceptionnelle pour nombre de ses acteurs. Il clôturait trois années de travail musical mené avec des enfants des écoles primaires et des collèges d’Avignon, dans le cadre du dispositif à dimension nationale Démos (Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale), sous la responsabilité artistique de Débora Waldman, et dans celui du projet « Maîtrise Populaire de l’Opéra Grand Avignon », confié à Florence Goyon-Pogemberg, également responsable de la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon.
Bénéficiant de l’aimable collaboration du Festival d’Avignon, ce concert permettait à un public nombreux de garnir les gradins de la cour d’honneur du Palais des Papes, familles des 80 enfants de l’orchestre Démos et des 150 enfants de la Maîtrise Populaire, mais aussi nombreux Avignonnais intéressés par cette approche de l’éducation musicale. Beaucoup, sans doute, découvraient pour la première fois la cour d’honneur et un concert « classique ».
Tous les cadres responsables de l’Opéra Grand Avignon et de l’ONAP étaient présents, Claude Morel, maire de Caumont, vice-président du Grand Avignon délégué aux spectacles vivants, et Cécile Helle, maire d’Avignon, dirent toute leur satisfaction pour le travail accompli, pour cette ouverture offerte aux moins favorisés, au monde de la musique ; ils en remercièrent tous les acteurs, notamment Débora Waldman et Florence Goyon-Pogemberg, très impliquées, les musiciens de l’ONAP, les enfants, le Conservatoire du Grand Avignon. Cécile Helle remercia particulièrement Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon, présent dans les gradins, pour son accueil amical.
Le programme mettait d’abord à l’honneur les musiciens de l’ONAP, avec l’intermezzo du Songe d’une nuit d’été (Mendelssohn) et le 1er mouvement de la symphonie n° 6, Le Matin, de Joseph Haydn, joliment interprétés.
A son tour, le Chœur de l’Opéra Grand Avignon, sous la direction d’Alan Woodbridge, nous offrait un temps de recueillement avec la prière d’Hildegard von Bingen, « O choruscans lux stellarum » et un moment de grâce avec un chœur de Charles Villiers Stanford, dominé par une voix de soprano, « The blue bird ». Stanford (1852-1924), peu connu chez nous, fut un important compositeur irlandais.
Venaient ensuite les enfants, d’abord ceux de la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon, qui, accompagnés de l’ONAP, nous charmèrent avec le « Ricevete, O padroncina » des Noces de Figaro et le chœur des Philistines de Samson et Dalila (Saint-Saëns), « Voici le printemps nous apportant des fleurs », et enfin ceux, tant attendus, de la Maîtrise Populaire et de l’orchestre Démos, impatients de nous offrir le résultat de leurs trois années de travail.
L’imposante Maîtrise Populaire et l’ONAP interprétaient un joli Petit Ramoneur de Benjamin Britten ; puis se présentait sur scène, rejoignant l’orchestre national, l’ensemble des jeunes musiciens de l’orchestre Démos. Le baryton avignonnais Alain Iltis se lançait dans l’air plaisant « Non più andrai » des Noces de Figaro, repris en chœur par les enfants Démos, montrant ainsi qu’ils avaient abordé non seulement les instruments, mais aussi le chant.
ONAP et Démos interprétaient enfin une vigoureuse danse des chevaliers du Roméo et Juliette de Prokofiev, fort appréciée du public.
Le clou de la soirée était bien évidemment, exécuté par l’ensemble de nos artistes professionnels et en herbe, la création mondiale de la Cantata du compositeur italien Matteo Franceschini.
Les compositeurs contemporains n’étant pas vraiment connus du grand public, présentons-le en quelques mots : né à Trente en 1979, dans une famille de musiciens, il a fait ses études à Milan, Rome, puis à l’IRCAM à Paris, où il a suivi le cursus de composition et d’informatique musicale. Son parcours est riche ; titulaire de plusieurs prix de concours internationaux, il répond à de nombreuses commandes d’orchestres ou institutions diverses ; sa production, depuis 2004, dépasse la cinquantaine d’opus, aborde et explore divers genres, musique de chambre, chorale, pour petits ensembles ou orchestre, concertos, opéras, théâtre musical pour enfants, bandes-son pour le cinéma, musique électronique, œuvres multimédia. Il sera pour les saisons 2024/2025 et 2025/2026, compositeur en résidence à l’Opéra Grand Avignon.
L’œuvre créée en cette soirée, Cantata, pour chœur et orchestre, en présence du compositeur, était une co-commande de l’Opéra Grand Avignon et de l’ONAP. Dans son élaboration, l’auteur a tenu compte des mots, des phrases, de la sensibilité des acteurs qui auraient à l’interpréter, de provenances et d’âges différents, la voulant fédératrice et ancrée dans le monde avignonnais. Elle prend pour fil conducteur le passage de la nuit au jour, de l’ombre à la lumière. L’écriture en est résolument contemporaine, avec ses jeux de sons et de sonorités, notes tenues ou brusques successions, moments apaisés d’où soudain émergent brièvement des sons d’instruments, éruptions de l’orchestre ou du chœur, rythmes irréguliers ou saccadés. Les paroles n’étaient pas évidentes à saisir, mais on aura remarqué cette voix de soprano dominant un moment le chœur ou ces scansions sur le mot « silence » et cette montée en puissance du chœur menant à la conclusion. L’orchestration et le développement du discours nous ont parus bien construits et maîtrisés, intéressants pour l’orchestre et plus encore pour le chœur, qui bénéficie là d’une partition de premier plan. Sous la direction efficace de Débora Waldman, tous les musiciens et choristes ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour la réussite de cette création et de ce concert en général, ce dont les a remerciés par de longs applaudissements un public conquis.
La soirée s’acheva par l’hymne européen, dont le texte, en français, avait été distribué, afin que le public se joignît aux musiciens. Nul doute que les jeunes de Démos et de la Maîtrise Populaire resteront marqués par cette première expérience sur la scène d’un site prestigieux face à un important public et ce privilège d’avoir participé à la création mondiale d’une œuvre imposante qui mérite largement d’être réentendue. Nous espérons que tous auront apprécié ces trois années de travail et poursuivront leur chemin de découverte du monde musical.
B.D. Photos G.ad.
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