Vous avez dit diabolique ?
Dimanche 4 août, 21h30, durée 2h. Palais des princes.
Faust, eine deutsche Volkssage, Friedrich Wilhelm Murnau, 1926, Allemagne
Musique improvisée au piano par Jean-François Zygel
Ce « diable » d’homme n’en est pas une facétie près ! On le croirait volontiers cousin d’un Méphisto qu’il fréquente avec jubilation, et voilà que la numérologie lui fait un pied-de-nez : les 5 lettres de son nom, additionnées au scrabble et judicieusement placées, aboutissent à 72, l’un des chiffres symboliques… de Dieu, en toute modestie !
Toujours est-il que ce premier dimanche d’août, encore caniculaire, a connu quelques flottements d’avant-concert : le décor de Don Giovanni ayant imposé le déplacement du ciné-concert, depuis l’imposant théâtre antique, au plus confidentiel Palais des Princes, certains spectateurs ont manifesté leur désappointement.
Mais Jean-François Zygel, lui, a fait l’unanimité. Après une présentation très opportune, deux heures d’improvisation non-stop (mais il est presque coutumier de performances de plus de six heures) n’ont pas entamé sa souriante patience, se prêtant avec délectation à un autre de ses exercices favoris, le bain de foule.
Pour la dixième fois il a donc accompagné le Faust, une légende allemande, de Murnau (1926), chef-d’œuvre du cinéma expressionniste allemand. A une époque où le Faust de Gounod coiffait encore d’une courte tête la Carmen de Bizet au hit-parade des opéras les plus joués dans le monde – la tendance s’inversera au milieu du XXe siècle – et où le ciné-concert pouvait être considéré comme l’opéra de demain, n’eût été l’apparition du cinéma parlant et l’évolution qu’on connaît, Murnau a voulu « récupérer » la paternité germanique du mythe de Faust, et en découdre avec un Gounod quasi-usurpateur.
Le résultat est un film impressionnant, nourri de Dürer, Vermeer, Rembrandt ; génie visionnaire et maître du clair-obscur, et des lumières lato sensu, Murnau a signé une œuvre qui rend à Faust son humanité et sa complexité.
Avec la complicité d’un Bösendorfer imposant (2,80m, mais « seulement » 88 touches), dont il n’existe que trois exemplaires en France, Jean-François Zygel accompagne les images avec un art consommé des nuances et, pour lui aussi, des ombres et des lumières.
Son émotion est parfois palpable dans la complicité viscérale qu’il ne cesse de tisser avec les images, suspendant parfois son geste et la note jusqu’à l’ultime silence. Puissance du toucher, profondeur du son, délicatesse du jeu, touches frappées et cordes pincées, il déploie tout le talent d’un virtuose, et toute la fidélité d’un interprète respectueux, jamais redondant ni invasif, toujours juste et précis, soulignant les tensions dramatiques, effleurant la corde sensible… (Photos Philippe Gromelle)
La veille, le pianiste offrait, dans la Cour Saint-Louis, un concert « diabolique » d’introduction à ce Faust, une légende allemande, dont il nous avait parlé lors d’un entretien récent. (Photos Jean-François Zygel)
Classiqueenprovence avait déjà entendu Jean-François Zygel en août 2017 aux Chorégies pour un autre ciné-concert, Le fantôme de l’opéra et le récital préparatoire.
Depuis lors nous avions écouté son dernier CD L’Alchimiste, et il nous avait accordé plusieurs entretiens : en août 2018 à l’occasion de son Requiem imaginaire, en février 2019 un entretien croisé avec André Manoukian. En ce début août 2019 il nous parle de ses projets estivaux, et nous confie un petit texte sur l’improvisation, « cela reste entre nous » ? (G.ad.)
Laisser un commentaire