Samedi 3 février 2024, 20h, et dimanche 4 février , 16h, L’Autre Scène, Vedène (84)
Mardi 6 février 2024, 20h, Salle Roger Orlando, Caumont-sur-Durance (84)
Mercredi 7 février 2024, 20h30, Salle Jean Galia, Rochefort-du-Gard (30)
Jeudi 8 février 2024, 20h30, Pôle culturel Jean Ferrat, Sauveterre (30)
Vendredi 9 février 2024, 20h, La Pastourelle, Saint-Saturnin-lès-Avignon (84)
Opéra de chambre d’après Carmen de Georges Bizet pour 4 voix et 1 violoncelle. Adaptation musicale, Jacques Petit. Mise en scène, décor, costumes et lumière, Frédéric Roels. Assistante à la mise en scène, Nathalie Gendrot. Conseil chorégraphique, Brigitte Prato. Etudes musicales, Frédéric Rouillon
Carmen, Axelle Saint-Cirel. Micaëla, Lyriel Benameur. Don José, Etienne de Bénazé. Escamillo, Aimery Lefèvre
Violoncelle Florent Audibert
Production Opéra de Rouen-Normandie, reprise par l’Opéra Grand Avignon. Durée 1h30
L’autre Scène, à une petite vingtaine de kilomètres d’Avignon, est une salle agréable, en gradins avec excellente visibilité, et des sièges confortables.
Habituellement du moins…
Ce soir, les gradins ont été plaqués au mur. Une petite centaine de places a été installée, en 4 îlots : 2 gradins mobiles et 2 ensembles de chaises, de niveau, autour et au plus près de l’espace scénique : « une histoire de proximité avec le regard du spectateur, immédiat, dont on mesure la présence en centimètres plutôt qu’en mètres, et qui rend plus vulnérables encore les personnages », souligne le metteur en scène Frédéric Roels dans sa note d’intention.
Placement libre. Il fallait choisir entre se tordre le cou, accepter le lumbago du lendemain, ou prendre les projecteurs dans les yeux et ne pas voir les artistes, souvent mal éclairés ou à contre-temps… Dilemme cornélien ! Je veux bien prendre le risque de l’inconfort… mais pas de la découverte de dernière minute, susceptible d’obérer gravement la perception du spectacle.
Je suis souvent réservée devant les productions « allégées », minimalistes, qui risquent de prendre l’original comme simple prétexte. Mais en période de réduction généralisée de budgets, mieux vaut un résumé que rien du tout ; c’est a minima une hypothétique mise en appétit pour la version intégrale ultérieure.
Hypothétique en effet…
La curiosité m’avait poussée à voir cette version réduite, que j’espérais resserrée sur une intensité dramatique paroxystique.
Or le carré central délimitant l’espace scénique, avec ses bords exagérément élevés, tourne vite au bac à sable, ramenant l’ensemble à une petitesse paradoxale. Le début, dans l’obscurité, avec les 4 chanteurs assis aux quatre angles derrière le public, titille l’intérêt. Mais en pleine lumière les chanteurs ne sont guère mis en valeur par leur accoutrement. Aimery Lefèvre (Escamillo) dans son costume 5 pièces blanc ne serait pas incongru dans Le Parrain, Etienne de Bénazé (Don José) est bien lourdaud en policier municipal, Lyriel Benameur (Micaëla) – lauréate du Concours de la mélodie de Gordes – passe de l’image de gourde tristement caricaturale – que le personnage n’est pas, chez Bizet – à la minirobe à peine plus flatteuse. Il n’est guère que Axelle Saint-Cirel (Carmen) – que nous avions déjà entendue aux Saisons de la Voix et dans le concert-hommage à Christiane Eda-Pierre, pour faire admirer pendant une heure et demie ses jolies gambettes ; après les robes flamencos longtemps obligées, voilà que le mini-short en jean semble devenir l’uniforme à la mode pour la sulfureuse gitane ; même le Met y sacrifie en ce moment !!!
Les voix peinent à montrer leurs qualités dans une acoustique un peu sèche, dans ce décor dépouillé et peut-être cette proximité intimidante avec le public. Le pauvre ténor se bat pourtant vaillamment, le baryton – sans muleta – porte bravement son air « Toreador » étrange ici hors contexte, la mezzo a quelques réussites éphémères, et nous admirons le mérite de la soprano qui nous offre quelques moments de grâce.
La réécriture du texte et de la partition par Jacques Petit – en lieu et place d’une réduction pour violoncelle – est doublement inutile, et frôle la trahison. Les passages parlés sont presque inintelligibles, et brouillent la narration plutôt qu’ils ne l’éclairent. Le violoncelle (Florent Audibert), présent de bout en bout comme partenaire essentiel, détonne parfois : la faute à l’interprète, ou à la transcription décevante de la jolie musique de Bizet ?
Quant à la mort de Carmen, sauvagement étranglée par Don José, elle relève plus du meurtre d’opportunité que du crime passionnel, et dénature ainsi le sens profond de l’œuvre ; le réalisme des jambes qui se débattent puis des soubresauts mourants, donne à la scène une vérité insoutenable, en cette époque de prise de conscience des violences faites aux femmes ; j’ai déjà exprimé mon indignation nauséeuse devant des scènes de violence gratuite dans Samson et Dalila en fin de saison dernière à l’Opéra Grand Avignon – l’art doit suggérer et sublimer, et non montrer avec platitude et complaisance – ; et si les autres spectateurs sont apparemment restés de marbre, les quelques enfants présents dans la salle ont tous exprimé une vraie terreur muette. Voulait-on les dégoûter à tout jamais de l’opéra, qui est avant tout un grand et beau spectacle, dans toutes ses composantes ? Et qui peut dire qu’ils ne vivent pas la même terrible réalité à la maison ?
On aura compris notre déception.
L’idée initiale de cette production créée en décembre 2013 – et apparemment diffusée sur France 3 en mars 2014 ? – par Frédéric Roels à l’opéra de Rouen qu’il dirigeait alors, était pourtant intéressante, et le recentrage annoncé permettait, et permet, aisément l’exportation de cette petite forme dans une mini-tournée départementale, normande en 2013, vauclusienne et gardoise en ce début février 2024, et susceptible d’être reprise cet été en d’autres lieux.
G.ad. Photos G.ad. (in loco) & Opéra de Rouen
Michel dit
Classiqueenprovence, votre chroniqueur/chroniqueuse est dur(e), avec une plume trempée au vitriol !
Mais on ne pouvait guère écrire autre chose…
Michel
Classique dit
Michel, nous avons écrit ailleurs, à la suite de Beaumarchais que, « Sans liberté de blâmer il n’est pas d’éloge flatteur »…
Nous regrettons toujours de devoir ne pas être totalement bienveillants, mais, si nous écrivons avec vivacité, c’est aussi parce qu’un opéra, fût-il en version réduite, se veut spectacle total, et que, d’une certaine façon, il nous a touchés.
Mais il est vrai que nous préférons pouvoir tresser des couronnes de laurier !
G.ad.