Un très grand récital
Parc du Château de Florans, Auditorium du Parc le 10 août 2020
Bertrand Chamayou, piano
Liszt, « Sposalizio », extraits des Années de pèlerinage, 2e année (Italie). Wagner / Liszt, Feierlicher Marsch zum heiligen Gral aus Parsifal. Liszt, « Les jeux d’eau de la Villa d’Este », extrait des Années de Pèlerinage, 3e année (Italie) ; La Lugubre Gondole n°2; « Sonetto 123 del Petrarca », extraits des Années de pèlerinage, 2e année ; Berceuse. Liszt, « Venezia e Napoli », extraits des Années de pèlerinage, 2e année (Italie).
Un très grand récital de Bertrand Chamayou dans un programme très « lisztien ». Une grande soirée.
C’est un programme lisztien, comme le confie Bertrand Chamayou au micro de France Musique quelques instants après les dernières notes du concert, auquel nous a conviés le pianiste ce soir.
Le thème exposé dans « Sposalizio », extrait des Années de pèlerinage, repris, décliné, invite à la rêverie avant une montée en grand crescendo, puis un retour au calme. Wagner trouve ensuite une toute petite place avec un extrait de Parsifal, la « Marche des Chevaliers du Graal » arrangée par Franz Liszt pour le piano, un rythme lugubre dans des graves qui paraissent sonner le glas, puis une allure plus solennelle.
Retour aux Années de pèlerinage ensuite, avec « Les jeux d’eau de la Villa d’Este » pour lesquels les arpèges courent comme de l’eau qui s’écoule. Le style est très clair, les notes superbement détachées et les mélodies pleines de vie. Lorsque l’agitation gagne le clavier, on comprend que le régime d’écoulement passe du fluvial au torrentiel, avant un retour à un élément liquide apaisé.
Une succession de notes isolées installe une ambiance plus menaçante dans « La lugubre gondole », l’auditeur ayant du mal à imaginer gondole, canal ou cité lacustre, mais plutôt un drame qui se joue. Le « Sonetto 123 del Petrarca » nous délecte d’une somptueuse inspiration mélodique, le soliste jouant avec précision et un agréable legato, le toucher devenant particulièrement délicat en fin de morceau, sur un clavier effleuré. La Berceuse qui suit comporte par moments certaines envolées pas spécialement indiquées pour inviter au sommeil, la fin retrouvant toutefois un caractère apaisant.
Liszt encore et d’autres extraits des Années de pèlerinage 2ème année (Italie), avec « Venezia e Napoli », en démarrant par « Gondoliera » où l’on entend une mélodie clairement dessinée, chantée par cette gondolière tandis que les mains qui se baladent sur toute l’étendue du clavier évoquent la présence de l’eau. Dans la deuxième « Canzone », les amateurs d’opéra auront reconnu la mélodie de « Nessun maggior dolore » à l’entame du troisième et dernier acte d’Otello de Rossini, un air mélancolique chanté à l’extérieur et entendu par la pauvre Desdemona, un peu avant son assassinat… mais ceci est une autre histoire. La troisième et dernière « Tarantella » constitue carrément un grand air de concert, redoutable techniquement, aux arpèges d’une extrême vélocité et totalement maîtrisés par Bertrand Chamayou.
A l’issue de son programme, le pianiste fait preuve d’une rare générosité en accordant… 7 bis ! L’honneur revient à Ravel et sa célèbre « Pavane pour une infante défunte », interprétée avec grâce et intériorité, puis c’est une « Etude en forme de valse » (opus 52, n°6) de Camille Saint-Saëns, d’une très grande difficulté technique, avant Debussy et « La fille aux cheveux de lin ». Le rythme saccadé de « L’Alborada del Gracioso » de Ravel qui suit installe une ambiance justement espagnole. Le pianiste s’adresse au public « Vous me dites stop quand vous en avez assez ! » avant de proposer en « dernier bis, ou peut-être pas d’ailleurs » le célèbre « Clair de lune » de Debussy. Liszt est de retour pour la conclusion, d’abord dans un arrangement d’une mélodie polonaise de Chopin (opus 74, n°5), puis « pour nous souhaiter une très bonne nuit » la berceuse du « Chant du berceau ». (F.J.)
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