On y était, et heureux d’y être
Chorégies d’Orange. Théâtre antique. Vendredi 9 juillet
Orchestre philharmonique de Radio France
Direction musicale, Mikko Franck. Violon, Maxim Vengerov
Beethoven, Symphonie n°5 en ut mineur, opus 67
Brahms, Concerto pour violon en ré majeur, opus 77
Concert enregistré par France Musique pour diffusion ultérieure dans Le concert de 20h, présenté par Arnaud Merlin.
L’entrée dans le Théâtre Antique est toujours impressionnante. Encore une fois, lever les yeux sur cet ensemble architectural donne le ton de la soirée, tout comme la jeune hautboïste donne le La à tout l’orchestre de Radio-France. On frémit déjà !
C’était toute l’âme du romantisme allemand qui habitait le théâtre antique en cette belle soirée. Même si 70 ans les séparent, les deux œuvres-phares de cette époque inscrites au programme en restituent la substantifique moelle : la 5e Symphonie de Beethoven (1808) et le Concerto pour violon de Brahms (1879).
Un Concerto qui divisa la critique ; d’autant que sa difficulté le rend redoutable pour un soliste moins aguerri que Maxim Vengerov et son Stradivarius Kreutzer.
Le 1er mouvement Allegro ma non troppo du concerto pour violon nous laisse à peine le temps de nous installer dans le concert : les coups d’archets de Maxim Vengerov s’enchaînent comme les rafales du mistral. Ses doigts virevoltent sur les cordes avec maestria.
Au deuxième, Adagio, le jour tombe, le vent et les martinets se calment comme pour respecter la finesse du jeu du violoniste. Mon jeune voisin de droite pose ses coudes sur ses genoux comme pour mieux profiter des pianissimi, qui emplissent subtilement le Théâtre Antique. Bien qu’il fasse très doux, des frissons de plaisir parcourent ma colonne vertébrale !
Le troisième, Allegro giocoso, fait partie « des tubes de la musique classique ». Nous nous prenons à hocher de la tête ou tapoter du pied sur les pierres : le plaisir est bien là.
Maxim Vengerov répond aux rappels et offre, en bis, du Bach : tous les auditeurs sont encore plus silencieux et chaque instrumentiste du Philharmonique garde une écoute très attentive lors de ce solo.
Quant à la « Symphonie du Destin » – sous-titre non reconnu par le compositeur -, sa création avait été une sorte de fiasco ; qui aurait pu penser que cette « 5e de Beethoven » deviendrait, notamment par ses premières notes d’une simplicité déconcertante (3 brèves, 1 longue, c’est-à-dire 3 sols et 1 mi bémol), l’une des plus célèbres du répertoire ? Et comment ne pas s’étonner que cette célèbre série de 4 notes soit en mode mineur, alors qu’elle est utilisée comme symbole le V de la victoire ?
Mais ce soir, nous sommes bien au-delà du codage en morse ! Encore une fois, les vertèbres vibrent avec tout l’orchestre.
Dans les trois mouvements qui suivent, chacun aura pu profiter de l’intervention tout à fait identifiable de chaque catégorie d’instruments : les anches et les bois étaient remarquables, jusqu’au piccolo qui n’a rien de militaire, bien que l’exécution globale soit triomphante !
Chacun aura remarqué la jeunesse de nombreux membres de l’Orchestre philharmonique de Radio France. Bravo à ceux qui atteignent l’excellence si tôt dans leur carrière. S’agissant de Mikko Franck, son directeur musical depuis 2015, qui tient ce soir la baguette, c’est un fidèle – apprécié – des Chorégies depuis 2010 ; dirigeant assis, il n’en demeure pas moins présent et efficace.
L’interprétation que ces artistes nous ont offerte a séduit les plus réfractaires, tant il est parfois difficile de se démarquer, dans des œuvres si connues et reconnues : une preuve que, même en extérieur, nous pouvons apprécier la musique en « live ».
N.A.
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