Samedi 15 juillet 2023, Théâtre antique d’Orange, Chorégies (site officiel)
Ballet du Teatro alla Scala de Milan
Verdi Suite. Chorégraphie, Manuel Legris. Musique, Giuseppe Verdi
Blake Works I. Chorégraphie, William Forsythe. Musique, James Blake
Le Lac des cygnes (extraits de l’acte II). Chorégraphie, Rudolf Noureev d’après Marius Petipa et Lev Ivanov. Mise en scène, Rudolf Noureev. Musique, Piotr Ilytch Tchaïkovski
Bandes son : musiques de Verdi Suite et Le lac des cygnes enregistrées par l’Orchestre du Teatro alla Scala
Partenaire de la tournée du Teatro alla Scala
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Pluie d’étoiles sur scène
Ce ne sont certes pas les quelque 7.500 lyricophiles de la récente Carmen, mais tout de même quelque 5.000 spectateurs qui ont longuement applaudi et rappelé les artistes du Ballet du Teatro alla Scala de Milan, qui eussent largement mérité de se produire à guichets fermés.
Après le succès de la Nuit italienne en 2022, avec Chœurs et Orchestre de la Scala de Milan sous la direction de Riccardo Chailly, après le succès en 2022 de Gisèle par les danseurs du Capitole de Toulouse – et l’orchestre via une bande enregistrée pour l’occasion -, il fallait cette année accueillir le Ballet de l’illustre maison italienne.
C’est un public quelque peu rajeuni, et nouveau pour certains, qui a partagé un beau moment dans la nuit étoilée d’Orange, dans une moiteur qui n’a pourtant pas occasionné l’abondance de malaises qu’on eût pu craindre. Public rajeuni, très très jeune parfois, mais l’on peut s’étonner néanmoins que l’offre nouvelle des Chorégies n’ait pas rencontré plus d’écho : gratuité pour les enfants accompagnés par leurs parents, une excellente initiative pour sensibiliser les publics de demain.
Et l’ambiance était lancée par les vendeurs de programmes, crieurs publics d’aujourd’hui, bonimenteurs à tout crin, dont la seule apparition dans le vomitorium suffisait à rendre l’air encore plus joyeux.
Jean-Louis Grinda avait eu raison d’intituler « Pluie d’étoiles » son édition 2023.
La soirée, parfaitement huilée, d’une beauté stellaire, s’est déclinée en 3 volets : académisme, créativité, classicisme.
Verdi Suite, sur des extraits de divers opéras du grand Giuseppe, totalement chez lui dans le théâtre antique était un véritable cours de danse classique, chorégraphié par Manuel Legris, l’actuel directeur du Ballet de la Scala et qui en 1986 avait justement nommé étoile à l’Opéra de Paris par Rudolph Noureev ; démonstration, étourdissante, de toute la palette que peut présenter une maison prestigieuse, avec sauts, entrechats, portés, et autres arabesques, pendant que les martinets réalisaient leurs propres figures dans le rayon lumineux…
Changement d’ambiance dans la 2e partie, avec une sacrée cure de jouvence, grâce à la musique de James Blake, tonique, enlevée, et à la chorégraphie de William Forsythe... Entre le géant britannique (34 ans et 1,96m), qui a signé en une décennie plusieurs dizaines de créations, et le chorégraphe américain dont l’œil pétille à chaque nouveau projet, le courant ne pouvait être qu’en 100.000 volts, et les chaussons ont pris vitesse et énergie sur le plateau rétro-tapissé de demi-balles de tennis.
Depuis un demi-siècle et d’un continent à l’autre, Forsythe, actuellement nouveau « chorégraphe associé » du Ballet de l’Opéra National de Paris, ne cesse de repenser le ballet classique. Les sourires ne sont plus figés, les corps se délient, se contorsionnent avec une joyeuse sensualité, les déhanchés se font coquinement aguicheurs ; tout respire la jubilation de la liberté, à partir de l’irruption d’un intrus (un technicien ?) traversant la scène de façon incongrue, qui rejoindra ensuite les rangs des danseurs ; c’est alors que la chorégraphie s’encanaille, dans un jaillissement d’inventivité ; jetés battus, pointes et entrechats se réinventent avec la fougue d’une jeunesse créative et plus « tactile ». Le velum du théâtre faisait scintiller des farandoles d’étoiles au-dessus de la scène elle-même éclairée de belles lumières rasantes, sculptant les silhouettes, peignant les mouvements.
Retour au très classique Lac des Cygnes en 2e partie après l’entracte, avec une entame à la Degas. Si certains spectateurs avaient trouvé trop gratuitement spectaculaire le 1er volet, en revanche le 3e, après le Blake Works roboratif, a fait l’unanimité. Rien d’étonnant, pour ce monument du ballet blanc. La virtuosité des danseurs, qui se multiplient jusqu’à faire jaillir pas moins de 26 cygnes blancs, la connaissance de la musique de l’inoubliable acte II – duo bouleversant du violon et de la harpe sur lequel s’envole le pas de deux sublime -, la jeunesse éternelle de la chorégraphie de Noureev, l’évidence de la narration qui déroule un fil qu’on ne demande qu’à saisir, ne pouvaient que susciter un bouquet d’applaudissements continus, au point que, en l’absence de rideau, les 26 danseurs (tout de même !) n’osaient pas quitter la scène tant que crépitaient les longs, très longs, témoignages d’enthousiasme.
G.ad. Photos Philippe Gromelle
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