Inattendu
Bl!ndman [sax]. L’autre Scène, Vedène (84), Samedi 20 novembre, 20h30, durée 1h10. Saison 2021-2022 de l’Opéra Grand Avignon
Pieter Pellens, sax soprano ; Hendrik Pellens, sax alto ; Piet Rebel, sax ténor ; Sebastiaan Cooman, sax baryton ; Eric Sleichim, tubax et électronique
Direction artistique et arrangements, Éric Sleichim
Programme : 32 PIEDS/ l’Orgue de Bach
En co-production avec Festival Oude Muziek Utrecht et deSingel
et en collaboration avec KlaraFestival et Flagey.
C’était un concert tellement atypique, entre baroque et jazz – et ni l’un ni l’autre -, qu’une petite centaine seulement de curieux avait fait le déplacement jusqu’à Vedène, la bien nommée « autre scène », où l’Opéra Grand Avignon programme ses « petites formes » et spectacles familiaux, dans une salle à gradins avec une excellente visibilité. Ce fut une heureuse surprise, car l’ensemble Bl!ndman [sax] (site officiel) à la réputation internationale, fondé en 1998, et qui a déjà enregistré dans la même perspective Mozart et Haendel (avec orgue pour celui-ci), a donné une interprétation totalement nouvelle des œuvres emblématiques de Bach, commentée avec sobriété et précision par Eric Sleichim, parfaitement francophone ; lui-même, à la direction, suit la partition sur tablette, alors que les quatre autres musiciens travaillent avec des versions papier.
Outre son exploration d’univers sonores différents, Eric Sleichim, fondateur-compositeur-arrangeur, taquine depuis 1999 la musique ancienne. Avec raison, et avec succès, puisque le CD 32 Foot/ the Organ of Bach, édité en 2013 à l’occasion du 25e anniversaire du groupe, a obtenu le prix Klara du meilleur CD. Le groupe a par ailleurs des liens étroits avec Avignon, pour avoir collaboré avec des Jan Fabre, Anna Teresa de Keersmaeker ou Ivo Van Hove.
L’instrument lui-même, d’une relative jeunesse – breveté à Paris en 1846 -, et déjà décliné par son inventeur le Belge Adolphe Sax en 14 tailles dont 7 principales, ne cesse de titiller les extrêmes, en se dotant en 2002 d’une version piccolo – rare -, et en 1999 d’une version XXL, le tubax, qui ce soir impressionne par ses flamboyances vermillon sous les projecteurs et par ses basses proches des tuyaux de l’orgue de 32 pieds. Cette formation particulière, du quatuor de sax classique enrichi du tubax, permet de goûter pleinement toutes les pièces du programme évidemment arrangées : à la fois les rythmes dansants de la Toccata, les couleurs des Préludes et Fugues, ainsi que des 21 variations de la Passacaille, où Sebastiaan Cooman se montre aussi talentueux au pédalier d’orgue qu’au saxophone baryton ; du Choral harmonisé, et de la Sonate en trio – car la formation se produit également en quatuor et en trio -.
L’on apprécie aussi la virtuosité du Concerto pour deux violons de Vivaldi – où Hendrik Pellens troque son alto contre un second soprano, aux côtés de Pieter Pellens -, l’expressivité de l’Estonien Arvo Pärt (né en 1935), dont l’inspiration se révèle ici étonnamment proche du Cantor de Leipzig.
Le son est amplifié sans écraser, mettant en valeur la voix propre de chaque instrument, parfois traité en soliste, parfois en contrepoint, parfois en continuo.
Cette soirée presque intimiste – le public, sporadique, a été invité à se rapprocher de la scène – a créé une belle rencontre avec un instrument dont on ne sait pas toujours s’il appartient à la famille des bois – le son est produit par la vibration de l’anche en bois contre le bec -, ou des cuivres – il est associé aux trompettes et trombones, comme lui instruments à embouchure, dans le rock, la pop, le blues, la soul -.
De fait, cet instrument singulier, fait de métal mais paradoxalement classé dans la famille des bois, fait le grand écart – à moins qu’il n’établisse des ponts – entre les cordes – le brevet d’invention souligne cette parenté -, les bois, les cuivres voire les percussions. Une palette très large, même si les orchestres symphoniques, comme l’Orchestre National en région Avignon-Provence, ne l’ont pas adopté, faute sans doute de répertoire adapté…
G.ad.
Laisser un commentaire