Une Italie foisonnante, entre Renaissance et Baroque
Conservatoire à Rayonnement Régional / Auditorium Mozart, dimanche 26 novembre 2017
Marc Mauillon, baryton ; Angélique Mauillon, harpe (notre entretien ici)
Pien d’amoroso affetto
Giulio Caccini (ca 1545-1618), Dolcissimo Sospiro ; Amarilli mia bella ; Mentre chefra doglie e pene. Caccini, Movetevi a pietà. Jacopo Peri, Tu dormi. Caccini, A quei sospiri ardenti ; Vedrò il moi sol. Peri, Tra le donne. Caccini, Tutto il di piango ; Odi Euterpe. Caccini, Torna deh torna. Piccinini (1728-1800), Aria di sarabanda. Caccini, Perfidissimo volto ; Non ha’l ciel. Peri, Tutto il di piango ; Al fonte al prato. Caccini, Pien d’amoroso’affetto. Peri, Un di soletto.
En co-réalisation Musique Baroque en Avignon et Opéra Grand Avignon
Voir notre entretien avec Angélique Mauillon
Ce dimanche 26 novembre, le mistral commençait à faiblir, mais il laissait le froid sur Avignon. Heureusement, au conservatoire, dans l’amphithéâtre Mozart, la température était agréable, et le très beau programme « Pien d’amoroso affetto » que nous offraient Marc Mauillon, avec sa chaude voix de baryton – baryton martin -, et sa sœur Angélique à la harpe baroque, apportait la chaleur, le raffinement et le charme des monodies accompagnées de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle. Le public était nombreux. Le quatrième concert de la saison de Musique Baroque en Avignon allait être une belle rencontre avec Giulo Caccini, Jacopo Peri, Luzzasco Luzzaschi et Alessandro Piccinini. Ces compositeurs étaient de ceux qui ont vu l’Italie entrer dans l’époque baroque.
Giulo Caccini (1551-1618) a eu la place d’honneur. Il était le plus connu, a expliqué Marc, et sa renommée reposait en réalité sur ses recueils d’airs accompagnés, qui traduisaient ses préoccupations esthétiques, théoriques et pédagogiques. Marc Mauillon d’ailleurs, dans son interprétation, mettait parfaitement en valeur les ornements introduits par Caccini pour traduire l’expressivité du texte. Caccini est aussi le premier à utiliser la « basse continue chiffrée », pratique d’improvisation à partir d’une basse écrite, et Angélique qui accompagnait son frère à la harpe ancienne maîtrisait avec excellence cet art de la basse continue.
Avec Jacopo Peri (1561-1633), comme avec Caccini, nous étions à Florence. C’est dans cette ville que tous les deux ont connu la naissance de l’opéra, du style monodique, du « Recitar cantando », du «dire en chantant » pour éviter ainsi « il tedio del recitativo », « l’ennui du récitatif ».
En mettant à leur programme deux œuvres de Luzzasco Luzzaschi, Marc et Angélique Mauillon nous emmenaient à Ferrare, sans savoir évidemment qu’ils rappelaient aux plus anciens d’entre nous que l’Ensemble Vocal d’Avignon, créé et dirigé par l’abbé Georges Durand, avait chanté, dans les années 80, à Avignon… et à Ferrare des messes de ce grand organiste qui a compté parmi ses élèves Girolamo Frescobaldi.
Un Aria di sarabanda d’Alessandro Piccinini devait terminer ce concert, mais les applaudissements soutenus ont rappelé deux fois Marc et Angélique Mauillon. C’était une heureuse façon de leur dire que nous avions particulièrement apprécié la beauté et l’originalité de leur concert. Un concert hors du commun : les deux musiciens, par leurs explications et par la musique, nous ont fait goûter l’ambiance musicale d’une Italie foisonnante, qui vivait le passage de la renaissance au baroque ; ils nous ont fait rencontrer des compositeurs qui quittaient la polyphonie pour la monodie, découvrir la harpe baroque et admirer le petit carnet de Marc, recueil intime de cette poésie habitée de « chair, de douleur et de sentiments amoureux ». (J.A.) (Photos : G.ad.)