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Mercredi 26 juillet 2023, 21h, Parc du Château des Florans, Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron ((site officiel et notre présentation)
Yulianna Avdeeva, piano
Ludwig van Beethoven, Sonate n° 29, op. 106, « Hammerklavier». F. Liszt, Bagatelle sans tonalité ; Unstern ; Saint François de Paule marchant sur les flots. F. Chopin, Quatre mazurkas op. 30. F. Chopin, Andante spianato et Grande Polonaise brillante op. 22
Doigté net et précis, virtuosité, jeu clair et nuancé
Joli récital que celui offert, ce mercredi 26 juillet, par Yulianna Avdeeva. Découverte en 2010, après son premier prix obtenu au concours Chopin de Varsovie, elle est depuis lors devenue une fidèle du Festival de La Roque d’Anthéron. Elle avait choisi, en première partie de son programme, de s’attaquer à la monumentale « Hammerklavier », terme utilisé en allemand pour désigner le clavier à marteaux, autrement dit le pianoforte des Italiens, ancêtre de nos pianos modernes, instrument qui connaissait, en ce début de 19ème siècle, ses premiers développements chez des facteurs allemands. Beethoven en avait acquis un, et, en 1817-1819, période où il n’était pas loin de la surdité totale, s’attacha, à travers cette longue sonate de 45 minutes, à exploiter toutes les possibilités de ce nouvel instrument, qui ouvrait un monde sonore autre que celui du clavecin. Il introduisait ainsi des difficultés qui, disait-il, donneraient de la besogne aux pianistes.
Yulianna Avdeeva les a parfaitement surmontées, qui délivra une excellente et intéressante interprétation. Son doigté net et précis, sa virtuosité, son intelligence de l’œuvre et du jeu, sachant ménager les temps suspendus, les moments de réflexion et d’intimité ou plus fougueux, ont su rendre jusque dans le détail tous les aspects de la partition, tant techniques qu’émotionnels. Son piano Steinway, bien loin du pianoforte des débuts, à la sonorité claire et brillante, participait aussi à la mise en valeur de l’œuvre.
Les climats variés, les contrastes du 1er mouvement (allegro) étaient maîtrisés, entre douceur et puissance, notes délicatement égrenées et accords martelés, par lesquels Beethoven voulait afficher le caractère percussif de l’instrument, nouveauté qui le démarquait ainsi des cordes pincées du clavecin. Le court scherzo était joué avec finesse ; l’adagio, d’une vingtaine de minutes, sans doute le mouvement le plus long écrit par Beethoven, exigeant en maîtrise technique avec plusieurs croisements de mains et particulièrement délicat à interpréter sans lasser, sans chute de tension, du fait de cette longueur, était déroulé, plein de retenue, doux et méditatif. L’allegro final, précédé d’un court largo amorçant son démarrage, se déployait enfin, dominé par la pianiste, fugue complexe à trois voix, impérial, au rythme soutenu, alternant à nouveau sa course et ses accords martelés avec des moments plus délicats et subtils, voire plus intériorisés.
Après cet hommage à l’entrée en scène du clavier à marteaux, la deuxième partie du programme proposait des pièces plus courtes de Liszt et Chopin mettant en valeur les richesses expressives du piano, mais aussi les qualités de la pianiste. Elle donnait de Liszt une Bagatelle sans tonalité, espiègle, délicate, virtuose ; un Unstern (la mauvaise étoile, sous-titré « sinistre », « disastro ») tourmenté, datant de sa dernière année de vie, avec des accords dissonants et martelés ; un Saint François de Paule exigeant virtuosité et une belle agilité des doigts.
Les quatre courtes mazurkas opus 30 de Chopin lui permettaient de développer un jeu clair, nuancé et dansant. Enfin, un joli jeu tout en fluidité, doux et calme, nous exposait l’andante spianato, avant l’attaque de la célèbre Polonaise brillante, donnée dans une interprétation réfléchie, bien dosée, sans excès, aux notes nettement émises par un agile doigté.
Un tel récital ne pouvait se conclure que sous les ovations d’un public enthousiaste et conquis et Yulianna Avdeeva prolongeait le plaisir en offrant en bis, toujours de Chopin le Nocturne n° 20 en do dièse et la Grande valse brillante opus 18.
B.D. Photos Valentine Chauvin
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