Prejlocaj voyage… en hiver
Le GTP à Aix-en-Provence : une étape pour le Ballet Prejlocaj et son Winterreise, commande de la Scala de Milan. Danse, chant, musique, pour ce voyage schubertien qui aboutira à la mort. Une soirée d’excellence.
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence le 27 septembre 2019
Ballet Preljocaj (12 danseurs). Angelin Preljocaj, chorégraphie ; Constance Guisset, scénographie ; Eric Soyer, lumières ; Angelin Preljocaj, costumes. James Vaughan, piano-forte ; Thomas Tatzl, baryton basse. Assistante à la création Claudia De Smet. Choréologue Dany Lévêque
Assistant, adjoint à la direction artistique Youri Aharon Van den Bosch. Assistante répétitrice Cécile Médour
Franz Schubert, Die Winterreise
Production Ballet Preljocaj
Coproduction Festival Montpellier Danse 2019, Les Théâtres – Grand Théâtre de Provence
Commande de La Scala de Milan
Résidence de création Les Salins -Scène Nationale de Martigues
La chorégraphie a été conçue pour six couples de danseurs, les femmes se tenant allongées sur le plateau à l’entame, ensevelies sous un matériau à l’apparence de cendre noire, ou de terre suivant l’interprétation de chaque spectateur. Sur un plateau bordé de panneaux noirs et superbement éclairé par les lumières d’Eric Soyer, souvent en clair-obscur, les chorégraphies s’enchaînent tout au long des 24 Lieder du Voyage d’hiver. Le geste est en situation avec la musique, par exemple une femme agite un éventail pour le deuxième Lied Die Wetterfahne (la girouette), il est vrai que sa musique peut alors se prêter à un traitement visuel de couleur espagnole. Les numéros sont dansés soit par un couple soliste, soit par groupes de plusieurs couples, ou bien les femmes isolées ou encore les hommes seuls, quelques passages sont plus sautillants, plus légers, même si c’est la tristesse noire qui domine.
Pour illustrer l’un des numéros les plus connus – le n°5 Der Lindenbaum (Le Tilleul) -, la femme et l’homme en scène font mine, chacun leur tour, de se suicider en se tirant une balle dans la bouche. Il est dès lors difficile de faire plus dramatique et déprimant par la suite, et c’est peut-être la réserve qu’on peut émettre à propos de ce spectacle : les images prises séparément sont belles et fortes, mais il est moins évident d’y déceler une progression au cours de la soirée, un cheminement, un voyage, le but ultime du Voyage d’hiver de Schubert étant la mort.
La neige tombe par moments dans la nuit, plus tard un peu de couleur succède au noir complet, d’abord les juste-au-corps des danseurs, puis un numéro baigné dans une lumière rouge, pendant lequel une femme agite deux bâtons lumineux. Un panneau avec trois disques de couleur descend aussi des cintres pour l’avant-dernier Lied Die Nebensonnen (Les trois soleils), et avant cela des parois lumineuses en verre opaque auront éclairé le fond de plateau. Pour Der Leiermann conclusif (Le Joueur de vielle à roue), ce sont cette fois les hommes qui s’allongent à terre, les femmes commençant à les recouvrir d’un peu de cendre… la boucle est ainsi presque bouclée avec le début du cycle.
La partie musicale est de très grande qualité, tenue en premier lieu par le piano sûr, maîtrisé et expressif de James Vaughan, les notes emplissant sans problème le vaste volume du théâtre et installant une atmosphère mélancolique dès les premières mesures. Thomas Tatzl fait entendre une voix richement timbrée de baryton basse, on décèle en début de représentation quelques petites fragilités dans le registre le plus aigu, qui s’estompent toutefois par la suite. Au bilan, nous sommes ravis d’avoir assisté à une soirée d’excellence, saluée par de très chaleureux applaudissements au rideau final. (F.J. Photos Jean-Claude Carbonne. Et un extrait)
Laisser un commentaire