Leçon de musique : Le jeune Mozart cultive son jardin
Amphithéâtre, Cité de la musique, Philharmonie de Paris, mercredi 13 novembre 2019, 20h30. Durée 1h20.
Les Arts Florissants. William Christie, direction. Paul Agnew, direction. Sophie Danemann, mise en espace
Lauréats de la 9e édition du Jardin des voix : Deborah Cachet, Lauren Lodge-Campbell, Mariasole Mainini, soprani. Théo Imart, contre-ténor. Rory Carver, Moritz Kallenberg, ténors. Streten Manojlovic, baryton-basse
Soirée trop brève que cette « master class » ou « leçon de musique » animée à bâtons rompus dans l’agréable amphithéâtre de la Cité de la musique par William Christie et Paul Agnew. Nous avions entendu l’un avec sa formation il y a quelques années à la chapelle du Méjan à Arles, et l’autre il y a deux ou trois ans accueilli par les Musicales du Luberon, dans les carrières, ce jour-là glaciales, de Lacoste en Luberon, ce qui explique leur présence sur Classiqueenprovence.
Cette leçon de musique est consacrée à La Finta Giardiniera, composée par un Mozart dans la géniale maturité de ses 18 ans à son arrivée à Munich. L’œuvre sera donnée intégralement le lendemain dans la grande salle de la Philharmonie, et partira aussitôt en tournée, jusqu’en Australie, en passant par Moscou dès le surlendemain. Intégralité toute relative néanmoins, puisque, rappelle le maestro, l’époque de Mozart n’avait pas de canon académique, et les récitatifs, potentiellement très ennuyeux, pouvaient être, selon les cas, maintenus, supprimés ou raccourcis sans encourir l’accusation de sacrilège, et souvent avec l’assentiment du compositeur. C’est donc une version allégée qui sera proposée, alerte et rythmée.
La métaphore horticole du titre ne demande qu’à être filée, et exploitée dans toutes ses floraisons. De William Christie, dont on connaît la « main verte », on ne s’étonne guère que, après avoir arrêté l’enseignement au CNSM de Paris, trop chronophage à côté de ses engagements avec les Arts Florissants, il ait éprouvé le besoin, il y a une quinzaine d’années, de revenir à la « transmission », et qu’il ait ainsi créé le Jardin des Voix, terreau fertile pour « jeunes pousses » prometteuses. Avec Paul Agnew et Sophie Daneman, « Will » parcourt donc les cinq continents, cherchant les sept ou huit voix rares, qu’ils accompagneront jusqu’à éclosion. Après avoir, pendant plusieurs années, sélectionné les jeunes voix avant de leur concevoir une cotte (bien) taillée, à partir de diverses œuvres du répertoire adaptées au tessitures choisies, le trio a inversé la perspective.
Pour cette 9e édition, partant de la Finta Giardiniera, voici donc les chasseurs de voix partis à la recherche des sept solistes qui leur paraissaient les tessitures idoines pour monter ce projet. Voici donc (de dr. à g.) des jeunes talents déjà engagés dans une sensibilité voire une carrière « ancienne et baroque » : un ténor britannique Rory Carver (Don Anchise, podestat), un baryton-basse serbe Streten Manojlovic (francophone, Nardo/ Roberto), un ténor allemand Moritz Kallenberg (le comte Belfiore), une soprano allemande Deborah Cachet (Arminda), une soprano australo-britannique Lauren Lodge-Campbell (Serpetta), une soprano italienne, Mariasole Mainini dans le rôle-titre (Sandrina/ la marquise Violante Onesti),… et un contre-ténor français, Théo Imart (Ramiro).
La règle du jeu de ce soir est de ne présenter que quelques extraits, judicieusement choisis et commentés, sous forme concertante, en front de scène. La tenue de ville décontractée n’exclut pas la qualité de la prestation. Mariasole Mainini (« la finta Giardiniera ») développe un timbre chaud, large et mobile, la juvénile Deborah Cachet (Arminda) est percutante comme le veut le rôle, Lauren Lodge-Campbell confère à Serpetta sa retenue et sa délicatesse. Côté masculin, Rory Carver (le podestat), occupe volontiers l’espace sonore, l’abattage de sa jeune carrière se déployant déjà du baroque à Poulenc ; Streten Manojlovic a, lui, l’avantage d’avoir déjà interprété le rôle de Nardo il y a quelques mois dans l’Académie d’été du Wiener Philharmoniker ; Moritz Kallenberg, aux engagements très éclectiques, offre à Belfiore – au nom prédestiné – une voix de ténor colorée, à l’ampleur presque barytonnante ; quant au jeune Théo Imart, formé à la Maîtrise des Bouches-du-Rhône par Samuel Coquard, nous en avions suivi les débuts tout timides lors du Concours Jeunes espoirs d’Avignon 2017, puis les progrès au festival des Musicales du Luberon, et nous le découvrons ici jeune adulte épanoui, à la tessiture limpide de contre-ténor assuré. Si le terme de « falsettiste », qu’il emprunte d’ailleurs à William Christie, nous semble aujourd’hui quelque peu décalé, le public s’étonne du moins d’apprendre par sa bouche que « tout le monde peut travailler une voix de falsettiste, même si certains ont plus de facilités… »
Tous ces jeunes chanteurs témoignent, en ce – presque – début de carrière, d’une réelle aisance en scène, d’une belle projection, d’un phrasé à la fois solide et clair, et d’une diction parfaitement intelligible… ce qui n’est pas toujours le cas de leurs aînés.
On en oublie le temps qui passe, en compagnie de ces jeunes talents en herbe et de l’excellente formation instrumentale – réduite – des Arts florissants, bien éloignée du mauvais orchestre munichois avec lequel Mozart avait dû, lui, travailler. Ainsi, la séance, prévue pour durer une petite heure, nous emmène dans son jardin fleuri jusqu’à 22h, et l’on quitte à regret la Cité de la musique… (G.ad. Photos soirée G.ad.)
Alice Guery dit
at the Opera Comique in Paris, which was triumphantly revived in May 2011, it has been on the opera stage that Les Arts Florissants have enjoyed their greatest successes. Notable productions include works by Rameau (