Festival de Pâques. Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence (15 avril 2019)
Wiener Symphoniker
Direction, Lahav Shani. Violon, Renaud Capuçon
Paul Dukas, L’Apprenti sorcier
Maurice Ravel, Tzigane, rhapsodie de concert pour violon et orchestre en ré majeur
Maurice Ravel, Daphnis et Chloé, suite pour orchestre n°2
Ernest Chausson, Poème pour violon et orchestre
Maurice Ravel, La Valse, poème chorégraphique pour orchestre
Les Wiener Symphoniker forment l’un des deux plus prestigieux orchestres viennois, aux côtés des Philharmoniker. Créée en 1900, sous le nom du Wiener Concertverein, la formation a vu défiler de très grands noms pour assurer la fonction de chef principal, dont Wilhelm Furtwängler, Herbert von Karajan, Wolfgang Sawallisch, Carlo Maria Giulini, Georges Prêtre (1986–1991), jusqu’à Philippe Jordan en place depuis 2014. C’est ce soir le jeune maestro Lahav Shani (30 ans) qui est placé au pupitre, pour un programme français très facile d’accès.
La soirée démarre avec l’Apprenti sorcier de Paul Dukas, passage rendu célèbre au travers du dessin animé Fantasia de Walt Disney. A l’atmosphère paisible des cordes à l’entame, succède le rythme entêtant des bassons, repris par les cuivres (… impossible de s’empêcher de penser à Mickey Mouse et ses seaux d’eau déplacés par le balai magique !). Le volume va crescendo jusqu’au tutti aux cuivres absolument éclatants, mais le chef veille toutefois à ne pas noyer la salle sous un flot de décibels, l’auditeur parvenant encore à distinguer les différents pupitres.
Après son entrée en scène, Renaud Capuçon commence au violon seul la rhapsodie de Maurice Ravel, et ces quelques minutes lui permettent d’installer la couleur tzigane voulue par le compositeur. La précision musicale et la virtuosité du soliste impressionnent. L’équilibre entre soliste et orchestre est constamment maintenu, soit lorsqu’ils dialoguent entre eux, soit lorsqu’ils jouent ensemble.
La suite Daphnis et Chloé qui clôt la première partie sollicite énormément la flûte traversière solo, qui fait un remarquable sans-faute. Les premières mesures, à la flûte sur un doux tapis de cordes, évoquent véritablement l’ambiance pastorale de l’opus, comme une rivière qui coule sereinement.
Après l’entracte, Renaud Capuçon prend le micro pour passer un simple et court message : à cette heure du concert, la cathédrale Notre-Dame est encore en flammes et tous les artistes ont une pensée tournée vers Paris, surtout en cette soirée de concert au programme exclusivement français.
Les notes du Poème pour violon et orchestre de Chausson résonnent alors différemment à nos oreilles, la musique est empreinte d’une tristesse plus lourde. Renaud Capuçon montre à nouveau une maîtrise technique impeccable, accompagnée aussi d’une grande émotion. Celle-ci se renforce encore dans le bis donné par le soliste, une Méditation de Thaïs qui prend aux tripes. On apprécie ce long moment de silence à la fin du morceau, comme un recueillement avant les applaudissements, et on pense alors à Thaïs qui dans l’opéra de Massenet a besoin d’une nuit de méditation religieuse pour abandonner son état de courtisane et se diriger vers le monastère à l’acte qui suit, tandis qu’un incendie ravage son ancien palais…
La Valse de Maurice Ravel qui conclut l’affiche du concert est une composition très dansante, qui tire vers la valse viennoise, complètement dans le cœur de répertoire de l’orchestre invité ce soir. Parmi les dernières mesures, certaines prennent une respiration de très grande ampleur, le morceau se terminant crescendo vers un tourbillon étourdissant et éclatant.
Deux bis de Johann Strauss sont généreusement donnés, cette fois des pièces complètement dans l’ADN de la formation : une valse, puis une Polka schnell, qui alternent entre majesté et aussi quelques ralentis plus espiègles… pour un peu, on se croirait au Concert du nouvel an à Vienne ! (I.F. Photos Marco Borggreve & Caroline Doutre).