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Fabrik’théâtre, 13h45, les 23, 25 et 28 juillet ; puis au CHM lors des événements de commémoration en octobre (dates à venir). COUP DE COEUR
Une belle histoire : une rose a jailli dans un centre d’internement médical
« Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or », écrivait Baudelaire. De la vie meurtrie, « saccagée » (mot récurrent dans la pièce) de Camille Claudel, a jailli une rose. Ou plutôt 6 roses, celles que tiennent in fine les 6 acteurs de la pièce qu’ils ont créée il y a quelques semaines en représentation unique sur les lieux même de la claustration de Camille, internée au Centre Hospitalier de Montfavet – alors de sinistre réputation -, à quelques kilomètres seulement d’Avignon centre-ville.
Et en ce mois de juillet 2023, au cœur du Festival Off, il ne faudrait donc pas manquer un vrai bijou, et de surcroît un bijou avignonnais. Il se joue un jour sur deux à la Fabrik’théâtre à 13h45.
Une rose pour Camille est une pièce écrite il y a tout juste quelques mois par Laure Vallès, comédienne, metteure en scène et dramaturge avignonnaise. L’occasion lui en a été donnée par le 80e anniversaire imminent de la mort de Camille Claudel à Montfavet (19 octobre 1943). Dans le cadre de la commémoration à venir, pilotée par André Castelli, Laure Vallès a réalisé un travail d’orfèvre à partir des documents du centre hospitalier, miraculeusement sauvés de la destruction et pieusement conservés par l’ancien infirmier, qui en a lui-même tiré un livre-hommage précieux.
Au CHM (Centre Hospitalier de Montfavet), la pratique de diverses activités participe à la thérapie psychiatrique ; les patients du centre appartiennent à divers ateliers, comme « Papiers de soi » (atelier d’écriture, une autre belle histoire), ou le théâtre de l’Autre Scène (aucun lien avec la salle homonyme de Vedène). Chaque année ainsi, les apprentis comédiens montent une pièce, qu’ils « rodent » en juin devant un public restreint, puis qu’ils jouent à la Fabrik’théâtre au même titre que les 1.490 autres pièces du festival. L’an dernier, ils avaient choisi Huit clos de Sartre, à 4 personnages, qu’ils jouent encore cette année en alternance avec la création.
Cette année, ce sont donc six volontaires qui se donnent la réplique. Six personnes, qui sont des « patients » à Montfavet, et qui pendant le mois de juillet deviennent des acteurs à part entière, dont l’implication et le jeu scénique pourraient en remontrer à bien des professionnels. Laure Vallès a écrit cette pièce, sensible et délicate, tout en dentelle fine, en adaptant chaque rôle à la personnalité de celui qui l’incarnerait : troubles de la mémoire ou de l’attention, difficulté de mobilité… Les soignants sont largement partie prenante, Muriel infirmière accompagne le processus tout au long de sa gestation et de son développement (une année), et elle est en coulisses pour le maquillage, le coiffage, les changements de costumes, et la présence tout simplement. Le résultat est bluffant : une pièce où chacun est « juste », pleinement à sa place et valorisé dans toute sa spécificité : Carole, Fabrice, Francine, Joseph, Marjorie, Nicolas sont criants de vérité dans les rôles de Camille – lumineuse, inspirée, comme habitée par son personnage – , sa mère, son père, Rodin…
Et surtout, cette pièce les touche profondément : la « rose » a pu éclore au CHM, dont les murs mêmes racontent l’histoire terrible de Camille. Et elle ne peut que nous toucher profondément aussi. Poignante, intensément vivante.
A la Fabrik’théâtre à 13h45, on peut voir « Huis clos », création 2021-2022 du CHM, les 22, 24, 27 et 29 juillet ; et « Une rose pour Camille » les 23, 25 et 28 juillet ; puis au CHM lors des événements de commémoration en octobre (dates à venir).
Geneviève, texte et photos
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